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Climat-ÉnergieFinance
10 février 2016

Charbon : les plus et les moins des engagements 2015 des banques françaises !

En 2015, Crédit Agricole, Natixis, Société Générale et BNP Paribas, quatre banques qui font du secteur bancaire française le 4ème plus gros financeur du charbon au niveau international, ont successivement adopté des critères de réduction de leurs soutiens aux projets et aux entreprises du secteur du charbon. Afin de ne pas tomber dans le piège de leur communication bien huilée et d'avoir une claire idée des prochaines étapes qui les attendent pour une pleine sortie du charbon (1), les Amis de la Terre France ont décrypté leurs engagements.

FINANCEMENTS DE PROJETS : ENCORE BEAUCOUP RESTE A FAIRE

Bien que simple à identifier et à mettre en place, toutes les banques françaises n’ont pas mis fin à tous leurs financements directs au charbon. Certes, aucune – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et Natixis – ne soutiendra plus de nouveaux projets de mines de charbon , une mesure cohérente avec l’obligation de renoncer à exploiter plus de 80% des réserves connues. Mais seule Natixis ne participera plus à aucun financement de projets lié au développement de centrales à charbon. Les autres banques françaises n’excluent de leurs soutiens que les projets situés dans les pays à hauts revenus selon la nomenclature de la Banque Mondiale, voire dans les pays de l’OCDE à hauts revenus pour Société Générale.

Ces pays ne comptant que pour 6,1% et 4,1% du marché mondial du charbon, et les gouvernements de ces pays s’engageant de plus en plus vers une sortie du charbon, il s’agit là de mesures cosmétiques qui n’empêchent pas ces banques de financer directement de nouvelles centrales à charbon, a minima supercritiques pour Société Générale et Crédit Agricole, et ultrasupercritiques pour BNP Paribas. Or, l’impact carbone d’une infrastructure charbon ne variant pas selon la localité et le véritable coût du charbon par rapport aux énergies renouvelables ainsi que l’incapacité du charbon à répondre aux enjeux de pauvreté et d’inégalités énergétiques n’étant plus à démontrer, rien ne justifie le maintien des financements des banques aux projets de centrales à charbon.

Et à peine la page de la COP21 tournée, Société Générale et Crédit Agricole s’intéressent au projet de centrale à charbon Tanjong Jati B – TBJ2 en Indonésie , et BNP Paribas a coordonné un prêt de 200 million de dollars pour la construction de deux infrastructures charbon, la centrale Vinh Tan Power Centre et de la ligne de transmission Song MayTan Uyen au Vietnam.

Cette transaction soulève une autre question : quid des engagements des banques concernant leurs soutiens au charbon hors secteur des mines et des centrales à charbon ?

En 2016, les banques françaises doivent répondre aux limites actuelles de leurs politiques en mettant un terme à tout financement de projet lié au secteur du charbon : extraction et production d’électricité à partir de charbon, mais aussi vente et achat, infrastructures de transport et de distribution, etc.

FINANCEMENTS INDIRECTS : PRESQUE TOUT RESTE A FAIRE

Beaucoup plus délicat à évaluer et à appliquer sont les engagements des banques concernant leurs financements indirects ou d’entreprises au secteur du charbon, ceux alloués via du financement d’entreprises, des émissions d’action et d’obligation, des conseils, etc.

A noter tout d’abord qu’il s’agit de l’immense majorité des soutiens des banques au charbon : depuis 2009, les seuls financements d’entreprises de BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale à l’extraction et à la production d’électricité à partir de charbon ’élèvent à 32,87 milliards de dollars ! L’engagement d’une banque dans la lutte contre les changements climatiques pourrait donc être jugé sincère que s’il se traduit par l’adoption de critères permettant un arrêt progressif et rapide des financements indirects au charbon.

Or, les banques françaises n’ont dans leur ensemble pas fait preuve de courage à ce niveau :

  • Natixis est la seule banque à avoir adopté un critère précis pour à la fois les entreprises actives dans l’extraction de charbon thermique et les producteurs d’électricité à partir de charbon : la banque a annoncé qu’elle ne financerait plus les entreprises actives à plus de 50% dans le secteur du charbon.
  • Crédit Agricole a annoncé qu’elle ne financerait plus les entreprises principalement actives dans l’extraction de charbon. Sans inscrire de seuil d’exposition dans sa politique sectorielle, le Crédit Agricole dit utiliser 50% de chiffre d’affaire comme valeur de référence. Le Crédit Agricole n’a pris aucun engagement concernant les producteurs d’électricité.

Avec un seuil aussi élevé, bien supérieur à celui choisi par d’autres investisseurs comme le Fonds de pension norvégien (30%), les deux banques peuvent maintenir leurs financements à de nombreuses entreprises et notamment à celles très diversifiées mais qui comptent parmi les plus gros producteurs et consommateurs de charbon. On pense en premier lieu aux multinationales comme BHP Billiton, Anglo American, Glencore.

  • Société Générale n’a pas pris d’engagement clair concernant les financements indirects mais dit vouloir aligner ses financements avec le scénario 2°C de l’AIE, ce qui laisse présumer l’adoption ultérieure de critères à ce niveau et une baisse de ses financements au charbon.
  • BNP Paribas a quant à elle annoncé la réduction de ces financements aux entreprises qui n’auraient pas de stratégie de diversification. Ce critère pourrait être très intéressant s’il poussait les entreprises à réduire leurs activités dans le secteur du charbon de manière à en sortir pleinement dans un court délai. Mais au-delà des incertitudes sur son application concrète, il ne s’applique malheureusement qu’aux entreprises significativement impliquées dans l’extraction de charbon thermique (pas de précision) ou pour lesquelles l’électricité produite à base de charbon représente au moins 30 % de la capacité totale de production d’électricité installée (en MW).

Donc, quels que soient les délais laissés à ses clients en termes de diversification, BNP Paribas n’entend pas exiger qu’ils réduisent leur activité dans le charbon en deçà des 30%, un taux bien trop insuffisant pour éviter un désastre climatique. On pense notamment aux 46 centrales d’Engie et Edf, deux entreprises pour lesquelles l’électricité produite à base de charbon représente moins de 30 % de leur capacité totale de production d’électricité installée et qui émettaient environ 151 millions de tonnes de CO2 par an jusqu’en 2015.

Tous insuffisants, les engagements des banques françaises concernant les financements indirects interpellent par leur diversité. Les approches diffèrent (dynamique pour BNP Paribas, strict pour Natixis et Crédit Agricole), tout comme les seuils d’exposition de référence (30%, 50%), les critères retenus (pourcentage de chiffre d’affaire, de capacité de production), etc.

Il est vrai que contrairement aux financements de projets, l’exercice s’avère plus difficile, surtout pour des établissements financiers frileux à prendre des engagements sans en connaître toutes les conséquences. Les inconnues sont multiples : quelle est la part charbon d’une entreprise et indirectement celle d’une banque ? Comment prendre en compte la diversité du secteur qui comprend des pure-players comme des entreprises diversifiées, des entreprises nationales de taille modeste comme les plus grosses multinationales au monde ? Quel équilibre trouver entre l’incitation et l’exclusion – la première consiste à se servir du levier financier pour encourager les entreprises clientes d’une banque à se diversifier de manière à sortir progressivement du charbon quand la deuxième consiste à exclure une entreprise de tout soutien possible d’une banque ?

C’est pour répondre à la complexité du secteur que les banques doivent adopter non pas un mais plusieurs critères d’exclusion des entreprises actives dans le secteur du charbon.

(1) Voir les demandes 2016 des Amis de la Terre France aux banques françaises : https://www.amisdelaterre.org/Les-TROIS-CRITERES-D-EXCLUSION.html