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Multinationales
20 février 2014

TAFTA – Notre avenir sera-t-il bradé au nom du commerce ?

Menace pour la démocratie, les droits sociaux et les mesures de protection de l’environnement et de la santé en Europe - Fiche d’information des Amis de la Terre Europe sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP - transatlantic Free Trade Agreement, TAFTA), octobre 2013.

L’Union européenne et les Etats-Unis ont entamé des négociations en vue d’un accord commercial transatlantique que l’on présente déjà comme le plus important accord commercial bilatéral de l’histoire.

Cet accord commercial menace de saper des dispositifs européens de protection sociale, sanitaire ou environnementale fondamentaux, y compris des mesures clés qui touchent à la sécurité alimentaire ou aux pollutions, mesures que l’industrie qualifie d’obstacles au commerce. Très peu de détails ont filtré quant au contenu des négociations en cours sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), qui est aussi connu sous le nom d’Accord de libre-échange transatlantique (Transatlantic Free Trade Agreement) ou TAFTA). Pourtant, il ressort des fuites de certains documents que, derrière les beaux discours sur la création d’emplois due à l’augmentation des échanges transatlantiques, les Etats-Unis et l’Union européenne ne cherchent qu’à déréguler d’importants secteurs, sapant ainsi des piliers centraux de la protection en Europe et menaçant le pouvoir des gouvernements nationaux de légiférer dans l’intérêt général.

Cette fiche d’information présente les risques que pose ce projet d’accord et soutient que nous avons, au contraire, besoin d’un processus transparent qui s’attaque aux causes des crises économique, sociale et climatique actuelles, grâce à un cadre économique qui favorise les citoyens et l’environnement. Plutôt que de partir du principe que ce qui est bon pour le commerce est bon pour tout le monde, il est nécessaire de prendre aussi en compte les conséquences sociales et écologiques.

Les Amis de la Terre Europe demandent instamment au Conseil européen, à la Commission européenne et au Parlement européen de rejeter tout accord qui ne ferait pas passer les droits des citoyens et de l’environnement avant les intérêts des entreprises et des investisseurs. Tout mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États devrait être exclu du TTIP.

Mauvaise façon d’aborder la crise économique

L’accord commercial a été présenté comme un moyen de répondre à la crise économique actuelle en dopant la croissance grâce à l’augmentation des échanges commerciaux et des investissements, mais de toute évidence les avantages économiques de cet accord seraient en fait minimes . Au lieu de s’attaquer aux problèmes évidents du système actuel, comme l’évasion fiscale des grandes entreprises, les propositions ne font qu’encourager le statu quo et renforcent ainsi les problèmes auxquels nous devons faire face. Les grandes entreprises verront leurs profits augmenter, tandis que les citoyens, nos sociétés et les générations futures payeront l’addition.

Une réponse appropriée à la crise économique serait de générer les ressources financières nécessaires à la création d’emplois et de construire une économie plus soutenable par l’intermédiaire de nouvelles formes de taxation comme la taxe sur les transactions financières.

Normes de sécurité menacées

L’accord tel qu’il est proposé, pourrait poser un risque sérieux à la protection sociale et environnementale en Europe. Certains secteurs industriels proclament depuis longtemps que les normes européennes conçues pour protéger l’environnement, la santé et le bien-être social sont des obstacles au commerce. Ils demandent qu’il y ait une reconnaissance mutuelle automatique des normes (l’Union européenne aurait à accepter les importations états-uniennes indépendamment de leur respect des règlementations européennes, et inversement) et qu’il y ait de nouvelles normes harmonisées globalement – ce qui serait équivalent à un abaissement des normes. La protection de l’environnement serait réduite et les citoyens se verraient exposés à des risques accrus pour leur santé, leur sécurité, etc.

Les Etats-Unis ont par exemple contesté les restrictions imposées sur les importations de bœuf traité aux hormones et de volailles nettoyées à l’eau de Javel. Les compagnies pétrolières font pression contre les projets de l’Union européenne de protéger les climats en limitant les importations de pétrole sale issu des sables bitumineux. L’étiquetage obligatoire qui permet aux consommateurs de savoir ce qu’il y a dans leur nourriture (y compris les ingrédients génétiquement modifiés) et d’où elle provient, est considéré comme un coût supplémentaire et est critiqué comme étant une barrière commerciale. De même, les critères déjà particulièrement faibles appliqués par l’Union européenne aux agrocarburants pourraient être menacés sous la pression des producteurs états-uniens de soja et de maïs qui veulent leur part du marché européen. L’accord transatlantique menace aussi les interdictions régionales ou nationales des gaz de schistes.

En affaiblissant les normes pour satisfaire les demandes de l’industrie, on sape le principe de précaution – pierre angulaire du système juridique de protection de l’environnement en Europe – qui exige que les entreprises s’assurent que les nouvelles technologies sont sans danger. En réduisant les exigences de traçabilité et de responsabilité, on menace un autre principe fondamental, celui du pollueur-payeur. Lorsque des modifications des normes sont imposées par l’intermédiaire d’un accord commercial contraignant, la capacité des Etats à agir démocratiquement pour répondre aux préoccupations de leurs citoyens, est mise à mal.

Un accord pour un avenir meilleur

Les Amis de la Terre Europe demandent un accord commercial qui permette de construire un avenir meilleur, qui favorise les économies et emplois locaux, un environnement plus sain et une bonne protection sociale. Un accord ne sera acceptable que si l’intérêt des peuples et de l’environnement est au centre du dispositif et si ces intérêts passent avant ceux des investisseurs et des grandes entreprises.

Un accord doit se faire en toute transparence et en rendant des comptes, à la fois lors du processus de négociation et une fois son entrée en vigueur. Un tel accord devrait avoir pour objectifs :

• de construire de nouvelles économies et d’améliorer les conditions de vie : protection et soutien aux économies locales, développement d’emplois de qualité, stables et qui permettent de s’épanouir ;

• d’améliorer la vie des générations futures : sélection des meilleures pratiques sociales et environnementales qui doivent servir de base pour des normes communes minimales, élimination des subventions qui sont nuisibles à l’environnement et abaissement à des niveaux soutenables et équitables de l’usage des matières premières ainsi que des émissions de l’Union européenne et des Etats-Unis qui détruisent les climats ;

• d’encourager des conditions commerciales en faveur des citoyens et de l’environnement : leurs intérêts devraient être au cœur de tout accord, et non pas les intérêts particuliers des investisseurs et des multinationales ;

• d’instaurer la transparence et la responsabilité : les citoyens et les organisations de la société civile doivent pouvoir suivre et réagir à ce qui est discuté ou fait l’objet d’un accord ; les investisseurs et les entreprises doivent être tenus pour responsables des conséquences de leurs actions sur les citoyens et sur l’environnement.

Les Amis de la Terre Europe refusent toute tentative de déréguler les industries polluantes, d’harmoniser vers le bas les normes de sécurité ou des produits, et de limiter de futures législations visant à protéger les citoyens ou l’environnement. Les négociations commerciales devraient expressément exclure :

• toute forme de mécanisme de règlements des différends entre investisseurs et Etats ;

• les mesures sanitaires et phytosanitaires : c’est-à-dire les secteurs qui traitent de la sécurité alimentaire et de la santé des plantes ou des animaux ;

• toute tentative de porter atteinte à la démocratie, à la sécurité et aux piliers de la législation européenne, tels que les principes de précaution et du pollueur-payeur.

Démocratie mise à mal

Même le pouvoir souverain des états-nations sera remis en question si le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS) est inclus dans le traité. Un tel mécanisme que l’on retrouve très souvent dans les accords bilatéraux, permet aux grandes entreprises de poursuivre les gouvernements en arguant d’un manque à gagner, lorsqu’elles estiment que les règlements gouvernementaux affectent les profits (escomptés). Elles peuvent ainsi court-circuiter le système judiciaire national et se tourner directement vers des tribunaux internationaux favorables aux investisseurs. Une entreprise pourrait par exemple porter plainte pour perte de revenus si un gouvernement interdit les organismes génétiquement modifiés ou si un gouvernement régional interdit la fracturation hydraulique pour les gaz de schistes, dans sa zone d’action.

Dans le cadre de l’accord sur les procédures relatives au règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS), le géant du tabac, Philip Morris, réclame actuellement réparation de la part de l’Uruguay et de l’Australie, pour avoir pris des mesures de santé publique visant à limiter l’usage du tabac.