arton2216
Agriculture
21 décembre 2015

Roundup, 2,4-D : pour favoriser les OGM, les Etats-Unis minimisent-ils les risques ?

L’Agence de protection de l'Environnement (EPA) affirme aujourd’hui que les citoyens états-uniens peuvent sans danger avoir un régime alimentaire qui dépasse 41 fois la dose limite de 2,4-D qu’elle a autorisée il y a dix ans !

C’est un niveau bien plus élevé que ce qui est autorisé en Chine, en Russie, en Australie, en Corée du Sud au Canada ou au Brésil. Ce niveau est plus élevé que celui que recommande l’Organisation Mondiale de la Santé.

Le miracle de l’agriculture des Etats-Unis et de son abondance de nourriture est possible grâce à un autre miracle qui n’est pas aussi positif : les puissants herbicides. Ces composés chimiques – comme le Roundup de Monsanto – terrassent les envahisseurs, mais laissent le maïs et le soja modifiés génétiquement s’épanouir grâce à leur tolérance à ces produits.

Malheureusement, la sur-utilisation de ces herbicides a engendré des herbes qui, elles aussi, sont devenues tolérantes. C’est ce qui se passe actuellement à travers tout le continent américain.

Pour combattre ces « mauvaises » herbes ou adventices, devenues tolérantes aux herbicides, la compagnie Dow Chemical ressort du placard le 2,4-D, un produit chimique datant de la Seconde guerre mondiale, et dont le lien avec certaines formes de cancers et autres maladies est avéré 1. Dow veut utiliser ce produit toxique en association avec le principal herbicide chimique, le Roundup. C’est une arme double : ce que l’un ne tue pas l’autre l’achève.

Une solution certes “élégante”, mais est-elle sûre ? L’Agence de protection de l’Environnement (EPA) prétend que oui. Elle a autorisé le nouveau duo dynamique – appelé Enlist Duo – l’an dernier 2.

Pourtant, dans une étude récente de Tribune, intitulée « Moisson chimique », la journaliste de Tribune, Patricia Callaghan, expliquait que le gouvernement baisse les normes de sécurité et minimise les risques en particulier ceux des enfants.

Callaghan souligne qu’avec sa décision, l’Agence de protection de l’Environnement (EPA) affirme aujourd’hui que les citoyens états-uniens peuvent sans danger avoir un régime alimentaire qui dépasse 41 fois la dose limite de 2,4-D qu’elle a autorisée il y a dix ans ! C’est un niveau bien plus élevé que ce qui est autorisé en Chine, en Russie, en Australie, en Corée du Sud au Canada ou au Brésil. Ce niveau est plus élevé que celui que recommande l’Organisation Mondiale de la Santé.

Mais où est-ce que l’Agence de la protection de l’environnement (EPA) est allé chercher l’idée qu’un accroissement de l’exposition n’aurait pas de conséquences néfastes sur les gens ? Callaghan rappelle que même dans l’étude de Dow, les chercheurs de l’entreprise signalent des troubles rénaux chez des rats exposés à cet herbicide. Mais les scientifiques de l’Agence ont changé leur analyse sur cette étude centrale, en se laissant convaincre par un toxicologue du gouvernement canadien qui décida que les chercheurs de Dow avaient fait preuve d’un excès de prudence dans leur évaluation du risque.

Pour l’Agence de protection de l’environnement, quelle que soit la limite fixée, les citoyens états-uniens n’ingèreront pas des taux dangereux de 2,4-D. Ils affirment que le produit est beaucoup plus sûr que ce que l’on pensait précédemment, et que les autres pays n’ont tout simplement pas encore actualisé leurs valeurs limites avec les études les plus récentes.

Philip Landrigan, expert reconnu dans le domaine de la sécurité chimique, n’est pas du tout convaincu. Il a demandé à l’administratrice de l’Agence de rejeter l’Enlist Duo. Il demande que le Programme national de toxicologie – un organisme différent qui teste les produits chimiques toxiques – procède à l’évaluation des risques de l’Enlist Duo.
Nous sommes d’accord. Une revue indépendante pourrait dissiper le sentiment que le ministère a agi précipitamment.

Nous pourrions ainsi démêler les données scientifiques de ce problème qui sont particulièrement touffues. C’est-à-dire rappeler ce que nous savons clairement depuis des décennies de recherche : les pesticides sont dangereux. Les enfants sont souvent plus menacés de lésions à vie, que provoquent des doses qui n’auraient que peu d’effets sur leurs parents. C’est pour cela que les lois fédérales exigent de l’Agence de tenir compte des risques spécifiques pour les enfants lorsqu’ils sont exposés à des pesticides.

L’autorisation de l’Agence de la protection de l’environnement est actuellement dans un certain flou juridique. Et ce flou entraîne la confusion. C’est l’Agence elle-même qui a demandé à une cour d’appel d’abroger sa propre autorisation de l’Enlist Duo, alors qu’elle est en train de décider si des zone de non-épandage plus importantes sont nécessaires pour protéger des plantes menacées qui pourraient pousser aux abords des champs. Mais c’est la règlementation.

L’Agence de protection de l’Environnement se fait beaucoup de soucis pour ces plantes. Mais s’inquiète-t-elle des humains ? Des responsables de l’Agence ont confié à Callaghan qu’ils ne ré-ouvriraient pas l’évaluation des risques pour la santé de l’Enlist Duo. L’Agence maintient qu’il n’y a aucun risque nouveau dû au mélange des deux pesticides qui ont été, chacun de leur côté, autorisés depuis très longtemps. Mais en quoi ce serait mauvais de procéder à des études complémentaires pour écarter tout doute ?

Les herbicides demeurent dans l’air, dans l’eau, dans nos aliments. Les scientifiques sont souvent en désaccord sur les interprétations des risques de toute une série de produits chimiques. Le seul moyen de faire le tri dans les risques est de procéder à de nouvelles recherches pour pouvoir fixer des limites de sécurité solides.

Il est fondamentalement du devoir de l’Agence de protection de l’environnement de s’assurer que ce miracle moderne qui permet aux Etats-Uniens de bien manger n’est en train de les… empoisonner petit à petit.

Edito paru dans le Chicago Tribune du 20 décembre 2015