Action Greenpeace France, Les Amis de la Terre France et Alternatiba Paris dans le parc du Château de Versailles à l'occasion des 100 ans de Total le 26 mars 2024. Crédit : Claire Jaillard
Action Greenpeace France, Les Amis de la Terre France et Alternatiba Paris dans le parc du Château de Versailles à l'occasion des 100 ans de Total le 26 mars 2024. Crédit : Claire Jaillard
Multinationales
27 mars 2024

100 ans de Total : un anniversaire au goût amer

Hier, Total fêtait son centenaire au château de Versailles : un condensé d’arrogance et de provocation, censé se dérouler dans le plus grand secret. C’était sans compter sur la présence des activistes, venu·es dénoncer les destructions environnementales et les violations des droits humains causées par les projets de la multinationale.

Quand les activistes jouent les trouble-fêtes

Alors que Total et ses partenaires (dirigeants d’entreprises, banques et représentants de l’État) étaient occupés à célébrer, dans le faste des dorures versaillaises, 100 ans de destruction de l’environnement et de violations des droits humains, une cinquantaine d’activistes des Amis de la Terre France, d’Alternatiba Paris et de Greenpeace France se sont invité·es à la fête pour exiger la fin du règne des énergies fossiles. Vers 17h30, des militant·es ont déployé une banderole « Mettons fin au règne du pétrole et du gaz ! » dans le bassin, devant le château. On pouvait aussi lire sur des petites bannières « Total coupable, État complice » ou encore « Pas de projets destructeurs sans financeurs ». Les activistes non-violents et plusieurs journalistes se sont fait encercler par les forces de l’ordre, présentes en nombre.

Le Roi du Pétrole dans la maison du Roi Soleil

Patrick Pouyanné, le PDG de Total, fait preuve une nouvelle fois d’une indécence à toute épreuve, en choisissant le château de Versailles pour célébrer le centenaire du mastodonte français du pétrole et du gaz. Difficile de ne pas comparer l’arrogance du Roi Soleil à celle de ce Roi du Pétrole, icône de la démesure, du cynisme et de la cupidité. Alors que l’inflation pèse toujours sur une grande partie des ménages français, qui ont peiné à chauffer leurs logements cet hiver1, Total cumule des records de superprofits d’année en année2. Ces superprofits sont rendus possibles par une stratégie agressive de Total consistant à multiplier les projets de pétrole et de gaz aux quatre coins du monde.

Contrairement à ce que laisse penser sa communication mensongère, le modèle économique de Total repose encore essentiellement sur la production d’hydrocarbures. Ainsi, en 2023, 98% de sa production d’énergie provenait des énergies fossiles3, et Total est impliquée dans 33 « bombes climatiques »4 (projets particulièrement émetteurs de gaz à effet de serre) partout dans le monde.

Cette stratégie ultra agressive de Total prospère en dépit de l’urgence climatique et des multiples appels de l’AIE (Agence internationale de l’énergie) et des scientifiques du GIEC à cesser de développer de nouveaux projets d’énergies fossiles5. Pour maximiser ses profits, Total a ainsi activement participé à alimenter la « fabrique du doute » et les théories climato-sceptiques, alors que l’entreprise avait connaissance6 dès 1971 du lien direct de causalité entre la production d’énergies fossiles et les dérèglements climatiques.

Par ailleurs, les activités extractives de Total ont souvent lieu dans des contextes humanitaires dramatiques. Au Mozambique par exemple, Total est porteur du projet gazier Mozambique LNG, dans la région de Cabo Delgado. Ce projet est suspendu depuis 2020 pour cause de « force majeure » suite à des attaques de groupes armés djihadistes et notamment l’attaque de Palma qui a engendré la mort de 1 400 personnes7. Alors que sur place, la situation humanitaire et sécuritaire est toujours catastrophique, Total a annoncé vouloir relancer le projet. Depuis décembre, les attaques contre les civils se multiplient et ont engendré des déplacements forcés de plus de 110 000 personnes8. Dans le monde de Total, les violations des droits humains et l’emballement climatique vont résolument de pair.

Les grandes banques françaises, meilleures alliées de Total

Si Total continue de développer ses projets fossiles aussi dévastateurs pour l’environnement que pour les droits humains, c’est aussi parce que le groupe peut compter sur le soutien financier des grandes banques françaises qui jouent un rôle crucial dans la perpétuation du monde de Total. En effet, BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale représentent à elles seules 41 % de ses financements.

Le projet gazier Mozambique LNG est un exemple criant du rôle des banques françaises dans la stratégie expansionniste de Total : Total s’obstine à vouloir relancer son projet, ce avec le soutien sans faille de Crédit Agricole et Société Générale 9.

Lorette Philippot

« Crédit Agricole et Société Générale restent obstinément solidaires de Mozambique LNG, un projet pour lequel Total est accusée de graves violations des droits humains. La situation humanitaire et sécuritaire dans le nord du pays est si dramatique que plus de 100 000 personnes ont été forcées de fuir. »

Lorette Philippot
Chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France

Elle poursuit : « Cela se passe en ce moment même, pendant que l’État et les banques festoient et célèbrent les profits de Total. Cette indécence doit prendre fin. »

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Et BNP n’est pas non plus en reste : en 2022, la banque française était le premier financeur mondial de Total !

L’État français et Total : liaisons dangereuses

Total doit également ses profits astronomiques à la complicité de l’État français, qui non seulement refuse d’assumer son rôle de régulateur de l’industrie des énergies fossiles, mais pire encore, fait le jeu du géant pétro-gazier :

  • L’État a récemment décoré Patrick Pouyanné de la légion d’honneur 10, qualifiant Total de fleuron de l’économie française… Fleuron de l’économie française, ou fleuron de l’aggravation des dérèglements climatiques ?
  • Les liens étroits entre Total et les institutions publiques françaises sont entretenus par la pratique des « portes-tournantes » : d’anciens cadres de Total deviennent hauts fonctionnaires ou membres de cabinets ministériels, et inversement. Cette pratique brouille les frontières entre l’intérêt général et les intérêts privés, et dépouille l’État de son rôle de régulateur.
  • Suite à l’agression russe en Ukraine, dans l’objectif de se passer du gaz russe, l’État a accéléré la mise en service d’un nouveau terminal de GNL (gaz naturel liquéfié) au Havre. Ce terminal permet à Total d’importer du gaz de schiste américain sur le continent européen, alors même que la fracturation hydraulique, procédé utilité pour extraire le gaz de schiste américain, est une technique interdite à France à cause de ses risques sanitaires et environnementaux considérables.
  • Pour plusieurs projets, l’État a apporté à Total son soutien direct (en accordant des crédits exports comme pour le projet gazier Yamal LNG dans l’Arctique russe ) ou indirect en activant le levier diplomatique et/ou la coopération militaire y compris en coopérant avec des régimes autoritaires (comme en Ouganda et Tanzanie où se trouve le méga-projet pétrolier EACOP).
Publication
Couverture rapport AT - Comment l'État fait le jeu de Total en Ouganda
Rapport

Comment l’État fait le jeu de Total en Ouganda

Pour être crédible et cohérent avec les objectifs de l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement global à +1,5°C, l’État doit prendre ses responsabilités, en régulant les activités de Total et en taxant ses superprofits pour financer la transition énergétique.

Les demandes des associations

Nous appelons l’État et les grandes banques françaises à cesser de soutenir Total et ses projets délétères pour l’environnement et les droits humains. Seuls la sortie des énergies fossiles, la lucidité face au piège des illusions techno-solutionnistes, le développement des énergies renouvelable et la mise en place de mesures de sobriété et d’efficacité énergétique nous permettront de faire face avec résilience aux crises écologiques et climatique.