+1,6°C en 2024, un aveu d’échec pour les politiques climatiques
En ce début d’année, Copernicus, l’observatoire européen du climat, a publié son rapport qui révèle que pour la première fois, l’objectif de limiter le réchauffement global à 1,5°C maximum par rapport à l’ère préindustrielle a été dépassé en 2024.
2024 : les thermomètres en surchauffe
Avec la publication début janvier de son rapport sur le changement climatique, l’observatoire européen Copernicus a révélé que pour la première fois, l’humanité avait dépassé en 2024 le seuil des 1,5°C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle1. En effet, en enregistrant un réchauffement moyen de 1,6°C, l’année 2024 ne respecte pas l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris, consistant à limiter à 1,5°C le réchauffement global par rapport à l’ère préindustrielle. Année la plus chaude depuis 1850, 2024 a battu le funeste record de 2023 et confirme ainsi que les dix dernières années ont successivement chacune été les années les plus chaudes jamais enregistrées. En 2024, pendant que l’étendue des banquises se réduisait à peau de chagrin, plus de la moitié de la population mondiale vivait l’année la plus chaude de son histoire, mettant les organismes à rude épreuve et rendant peu à peu certaines régions du monde invivables.
Les activités humaines seules responsables
Cet emballement des températures n’est évidemment pas sans conséquences. À chaque dixième de degré supplémentaire, les catastrophes se multiplieront, tandis que l’effondrement de la biodiversité et la dégradation des conditions de vie sur Terre atteindront des points de non retours. Inondations au Brésil, en Espagne, en Inde et en Afrique du Sud, cyclone Chido à Mayotte, incendies à Los Angeles… La succession des catastrophes récentes rappelle la gravité des conséquences de l’inaction politique en matière climatique. De plus, les politiques libérales aggravent les impacts de ces catastrophes sur les populations, les villes n’étant plus armées pour y faire face. En cause, le démantèlement des infrastructures et des services publics, comme l’expliquent les Amis de la Terre Brésil. L’étalement urbain et la priorité donnée à la voiture au détriment de l’environnement dans les choix urbains portent une lourde responsabilité dans la difficile maîtrise des mégafeux qui font encore rage à l’heure actuelle à Los Angeles2.
Rappelons-le, ces phénomènes climatiques extrêmes ne sont pas des catastrophes naturelles3, mais bien des catastrophes résultant de choix humains. Extractivisme, surproduction, dépendance aux énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz), dérégulation des transports polluants, rejets de montagnes de déchets impossibles à traiter… Alors qu’un homme qualifiant le dérèglement climatique de « canular »4 vient d’être investi 47e Président des États-Unis, la bataille des faits est plus que jamais d’actualité. Ce sont les activités humaines qui sont les seules responsables de la crise climatique, et si l’Europe est le continent qui se réchauffe le plus vite5, les impacts du dérèglement climatique n’épargnent aucune région du monde.
Les grands coupables à la manette de l’aggravation du dérèglement climatique ne sont rien d’autre que les multinationales, en premier lieu celles de l’industrie des énergies fossiles (Total, Shell, Exxon, ENI, BP, Perenco…). Alors que Total avait connaissance depuis le début des années 70 de l’impact climatique dramatique de ses activités6, le géant français préfère continuer d’extraire du pétrole et du gaz pour maintenir ses superprofits, quitte à se rendre responsable de graves violations des droits humains et de dégâts irréversibles pour le climat et la biodiversité.
Massacre de Palma au Mozambique : une enquête ouverte pour homicide involontaire contre Total
Des politiques publiques loin d’être à la hauteur
Alors que le coût économique des catastrophes climatiques tutoie des sommets (compter 38 milliards de dollars par an sur les revenus d’ici 2050) et que le coût de l’inaction climatique s’avère six fois plus élevé que les investissements nécessaires pour limiter le réchauffement à 2°C d’ici 20507, les États sont cruellement à la traîne et s’obstinent à s’enliser dans un dangereux manque d’ambition. Pire, la France se refuse à réguler efficacement Total et se rend même complice de la multinationale dans sa course au pétrole en Ouganda8.
L’État français fait le jeu de Total en Ouganda
Loin de se mettre sur les rails de la bonne trajectoire en déployant des politiques efficaces de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les États nous emmènent actuellement vers un réchauffement de 3,1°C d’ici la fin du siècle. Cette tendance est d’autant plus inquiétante que Donald Trump, tout juste investi, a de nouveau retiré les États-Unis de l’Accord de Paris9, une décision lourde de conséquences sur les efforts de la communauté internationale pour contenir l’emballement du dérèglement climatique. Malheureusement, ce n’est qu’une des nombreuses mesures climaticides déjà prises par Donald Trump depuis son investiture. Aux côtés du retrait états-unien de l’Accord de Paris, on peut également citer l’affaiblissement de la réglementation sur les forages pétroliers et les mines, la remise en cause du cadre juridique des politiques de réduction du dioxyde de carbone, le recul sur les aides aux voitures électriques, la relance de terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL)…
Et maintenant ?
Le seuil symbolique de 1,5°C n’est pas caduque pour autant, bien au contraire. En effet, cet objectif s’entend sur une période d’au moins 20 ans et non sur des années individuelles. Les responsables politiques du monde entier doivent plus que jamais avoir en tête ce seuil de 1,5°C comme boussole, en actant notamment la sortie immédiate, ferme et définitive des énergies fossiles. Si la communauté internationale ne met pas en œuvre les mesures nécessaires pour tenir cet objectif, d’irréversibles points de bascule (disparition de la calotte glaciaire du Groenland, disparition des récifs coralliens, dépérissement de la forêt amazonienne…) seront franchis10.
« Pour limiter l’intensité et la fréquence des catastrophes climatiques, chaque dixième de degré compte. La sortie des énergies fossiles est plus que jamais urgente, il en va de la survie de la planète. »
Elle poursuit : « De plus, la sobriété et le développement des énergies propres étant les meilleures armes pour réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre, nous attendons des responsables politiques qu’ils et elles se montrent enfin capables d’acter et mettre en œuvre des mesures ambitieuses dans leurs politiques nationales et lors de la COP30 qui se tiendra en novembre au Brésil, et que nous observerons avec attention. »
Conjointement à des mesures efficaces permettant de réduire drastiquement et urgemment les émissions mondiales de gaz à effet de serre, il est essentiel de renforcer les solidarités internationales et de développer la résilience des territoires, pour apporter des réponses concrètes à l’enjeu d’adaptation au changement climatique.
Manifeste Pour des sociétés soutenables
Les incendies de Los Angeles, signe d’un urbanisme inadapté à l’enjeu climatique, RTBF, 22 janvier 2025
Les incendies de Los Angeles ne sont pas une catastrophe naturelle, Le Monde, 16 janvier 2025
Donald Trump et le climat, Radio France, 11 novembre 2019
Dérèglement climatique : Total savait dès 1971, Mediapart, 20 octobre 2021
Climat : les émissions passées vont amputer nos revenus de 20% d’ici 2050, Novethic, 18 avril 2024
La France complice des ravages de Total en Ouganda, Le Média, 14 octobre 2021
Accord de Paris : ce que le retrait de Trump implique réellement, Politico, 21 janvier 2025
On a dépassé le seuil de 1,5°C de réchauffement : pourquoi c’est grave, Reporterre, 10 décembre 2024