2024 dans le rétroviseur
L’année touchant bientôt à sa fin, il est l’heure de faire ensemble le bilan de 2024 aux Amis de la Terre. Rétrospective.
Transformer notre système énergétique…
Alors que 2024 marque le dépassement du seuil de 1,5°C de réchauffement global 1, il est indéniable que le verrouillage de notre dépendance aux énergies fossiles n’est plus viable. Tandis que le gaz est brandi par nos responsables politiques comme une soi-disant solution miracle dans la course contre le dérèglement climatique, les Amis de la Terre France ont publié début avril un rapport d’expertise dévoilant les stratégies des industriels pour nous rendre toujours plus dépendant·es au gaz.
Gaz fossile, la fabrique de la dépendance : Comment l’industrie fossile et l’Etat nous enferment dans un modèle énergétique insoutenable
Le développement de la filière gazière est justement un argument phare du greenwashing systématique opéré par Total pour continuer son business as usual. Ne voulant surtout pas louper l’occasion des 100 ans du géant pétro-gazier pour dénoncer ses méfaits, des activistes d’Action Justice Climat Paris, des Amis de la Terre France et de Greenpeace France se sont invité·es à la réception donnée à Versailles par Total pour jouer les trouble-fêtes.
Face au dérèglement climatique et à la nécessité d’en finir avec les énergies fossiles, les Amis de la Terre France appellent à instaurer une sobriété juste et équitable, à mettre en place des mesures d’efficacité énergétique (notamment à travers la rénovation thermique des bâtiments), ainsi qu’à développer les énergies renouvelables. L’énergie nucléaire n’a pas sa place dans cette transition ! Nous l’avons réaffirmé en octobre, lors d’une grande manifestation qui s’est tenue à Rouen, à l’appel de la Coordination anti-nucléaire, dont les Amis de la Terre France sont membres. Plusieurs groupes locaux, dont celui de Rouen, se sont fortement impliqués dans l’organisation de cette mobilisation.
… en luttant contre l’impunité des multinationales
Plus largement, notre lutte contre l’impunité des multinationales a continué de plus belle cette année. Malgré la mobilisation de la société civile et de certain·es eurodéputé·es pour dénoncer les dernières manœuvres des lobbies aidés par la France, les institutions de l’Union européenne ont fini par adopter un texte largement affaibli.
Comme chaque année, et malgré un report inopiné de la session de négociation qui a fait obstacle à une large participation de la société civile et des personnes affectées, les Amis de la Terre France étaient présents à Genève en cette fin d’année pour la 10ème année de négociation du traité onusien sur les multinationales et les droits humains.
Par ailleurs, 2024 a vu se poursuivre notre lutte aux côtés des communautés affectées par les projets EACOP et Tilenga de Total en Ouganda et en Tanzanie, un combat juridique ardu qui se joue en partie dans l’ombre, pour collecter et consolider nos preuves et répondre aux arguments de Total. Pendant ce temps, les travaux se poursuivent, engendrant déjà des impacts désastreux sur la biodiversité dans le parc naturel protégé des Murchison Falls.
Loin de se contenter du pétrole ougandais, Total convoite aussi le gaz mozambicain, alors que cette multinationale s’est montrée incapable de prévenir ou même simplement identifier les risques de violations des droits humains. En septembre, le média Politico publiait une enquête inédite, révélant une série d’atrocités qui auraient été commises par les troupes mozambicaines sur le site du projet gazier de Total. Les Amis de la Terre France et leurs partenaires appellent à l’ouverture d’une enquête officielle portant notamment sur la responsabilité de Total dans ces évènements. Ces récentes informations venant s’ajouter aux trop nombreux drames qui entourent déjà le projet, nous nous associons à nos collègues des Amis de la Terre Mozambique pour appeler à ne pas relancer ce projet dévastateur.
De plus en plus sensibilisé·es aux enjeux internationaux et climatiques, les étudiant·es se sont aussi emparé·es du sujet, en visant tout particulièrement les grandes banques françaises, précieux soutiens de l’industrie fossile. Sonnant l’alerte sur les liens étroits qu’entretiennent les facs et grandes écoles avec les banques polluantes, la communauté étudiante a lancé en septembre un grand mouvement de contestation pour libérer leurs campus de l’emprise des banques actives dans le financement de l’industrie fossile. Un mouvement prometteur, puisque des actions simultanées ont déjà eu lieu en novembre dans 12 campus.
Parmi les banques françaises qui soutiennent l’industrie des énergies fossiles, c’est à BNP Paribas que les Amis de la Terre se sont attaqués, aux côtés de Notre Affaire à Tous et Oxfam France. Depuis le lancement par les associations de L’Affaire BNP, fin 2022, la banque a fini par céder sur plusieurs points, mais une grande partie du chemin reste encore à faire. Si la banque rechigne encore à s’engager formellement à cesser toute forme de soutien financier aux entreprises actives dans le développement de projets d’énergies fossiles, elle n’est pas non plus devenue un modèle de respect des droits humains. Fin mars, les Amis de la Terre France mettaient en lumière le rôle des grandes banques françaises, dont BNP Paribas, dans la colonisation illégale des territoires palestiniens par l’État d’Israël.
Les graines de l’agroécologie
Alors que 2024 a démarré avec un mouvement de révolte dans le monde agricole, les Amis de la Terre France ont réaffirmé encore cette année que la transition agroécologique doit se faire avant tout avec les agriculteurs et agricultrices. Pour la santé de nos sols, la qualité de notre alimentation et l’emploi paysan, il est essentiel que l’agriculture transitionne dès maintenant vers des modes de production plus résilients et respectueux des écosystèmes, et ce dans un esprit de justice sociale.
En effet, agriculture intensive et oppression des travailleur·ses du secteur agricole vont souvent de pair. Pire, en Cisjordanie, les engrais chimiques sont utilisés comme arme de guerre. Fayez Taneeb, maraîcher militant, raconte comment son exploitation est asphyxiée par les fumées toxiques de l’usine d’engrais Geshuri. Véritable cri de résistance contre le mur d’apartheid, Fayez a lancé le projet Un million d’oliviers pour la paix, afin de replanter massivement des oliviers, symboliques de l’identité palestinienne.
Des impacts aussi palpables en France : Yara, a été visée début novembre lors d’un rassemblement de collectifs et d’associations, dont les Amis de la Terre France, à Saint-Nazaire. Risques sur la santé et la sécurité des populations riveraines des usines d’engrais, manque de transparence, dégradation de la qualité de notre alimentation, épuisement des terres agricoles… Tout converge vers la nécessité de sortir des engrais de synthèse et transformer en profondeur notre modèle agricole.
Changer la mode pour changer le monde
En mars dernier, les Amis de Terre France ont obtenu une victoire historique dans le combat vers une régulation de l’industrie de la mode. Suite à un long travail de plaidoyer et de construction d’alliances avec d’autres associations et collectifs, une proposition de loi consistant à instaurer des pénalités financières aux marques de fast-fashion a été adoptée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale.
En raison de la dissolution de l’Assemblée nationale et des changements de gouvernement, l’examen de la proposition de loi au Sénat a pris du retard. Avec la publication d’un nouveau décryptage alertant sur les suppressions d’emplois en France depuis l’essor de la fast-fashion (ou mode éphémère), les Amis de la Terre France maintiennent la pression pour que cette loi soit adoptée au plus vite, sans être vidée de sa substance lors des débats au Sénat. À la clé ? Une interdiction de la publicité et une forte pénalisation financière des entreprises de fast-fashion, pour une mode plus durable et plus respectueuse des travailleur·ses du secteur.
Quand la fast-fashion surfe sur la crise du textile
Pour que l’écologie populaire devienne réalité
Fin septembre, l’évènement VieRage (Rencontres pour une écologie populaire), co-organisé par les Amis de la Terre France et Action Justice Climat Paris, a rassemblé 200 personnes. Au programme, des ateliers sur divers sujets croisant l’écologie et les luttes sociales. Qu’il s’agisse des industries extractives, du transport, de l’agrochimie ou du logement, le constat est le même partout : la transition écologique devra se faire avec les travailleur·ses et les syndicats, ou ne se fera pas. VieRage, en adoptant une perspective antiraciste et féministe, a dessiné les contours d’un nouveau souffle pour la lutte écologiste. Décentrer son regard, partir du vécu des premier·es concerné·es par les impacts des dérèglements climatiques, tels sont les ingrédients pour bâtir une véritable écologie populaire !
Nous nous sommes aussi alliés avec les syndicats, d’autres associations et des médias pour nous mobiliser suite à la dissolution pour dénoncer les risques d’une arrivée de l’extrême droite au pouvoir en France. Une fois de plus, les Amis de la Terre France ont réaffirmé cet été l’incompatibilité du modèle des sociétés soutenables avec le projet politique et les thèses de l’extrême-droite. Bien que nous ayons frôlé le pire à l’issue des élections législatives anticipées, la lutte contre la croissance des idées d’extrême-droite dans l’opinion doit être une priorité des mouvements écologistes et sociaux pour 2025.
Transports : moins de camions, plus de liens !
Suite à une année de lutte continue des Amis de la Terre Midi-Pyrénées et leurs alliés locaux contre le projet d’autoroute A69 entre Castres et Toulouse, et après un sursaut d’espoir provoqué par l’avis de la rapporteure publique, le tribunal administratif a finalement annoncé la réouverture de l’instruction du dossier. Pendant ce temps, les travaux continuent… Les Amis de la Terre France, aux côtés d’autres associations et syndicats membres de l’Alliance écologique et sociale, se mobilisent pour que les travaux soient immédiatement suspendus pour que les délais judiciaires ne profitent pas à ce projet destructeur.
Si le militantisme a son lot de revers et de déceptions, il n’est pas rare que la lutte porte ses fruits et que la nature reprenne ses droits. En septembre, les Amis de la Terre Val d’Oise ont crié victoire suite à l’annonce de l’abandon du projet routier du BIP, après 15 longues années de mobilisation.
Partout en France, les groupes locaux Amis de la Terre se battent pour préserver les territoires de la menace de grands projets d’infrastructures artificialisant les sols. Ligne à très haute tension dans les Landes, tunnel Lyon-Turin, échangeur autoroutier dans la Drôme… Les grands projets inutiles et imposés se multiplient, mais c’est sans compter la détermination des groupes Amis de la Terre, vent debout pour qu’enfin adviennent des sociétés soutenables.
Manifeste Pour des sociétés soutenables
En 2025, avec vous, nous pouvons aller plus loin !