3 ans après le drame du Rana Plaza : des milliers de citoyens réclament un devoir de vigilance
Une initiative suisse vient de recueillir 140 000 signatures de soutien pour un devoir de vigilance des multinationales face au non respect des droits humains et de l'environnement.
Alors qu’en France, la proposition de loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre, en débat depuis 2012 1, peine à être à nouveau inscrite au Sénat, une initiative suisse comparable vient de recueillir 140 000 signatures de soutien, 6 mois avant l’échéance légale.
En avril 2015, 77 organisations de la société civile suisses 2 ont lancé une initiative populaire pour que les entreprises soient tenues de protéger les droits humains et l’environnement dans l’ensemble de leurs relations d’affaires et que ce devoir de diligence s’applique également à leurs activités à l’étranger.
Pour aboutir, cette initiative doit recueillir 100 000 signatures d’ici l’automne 2016. Excellente nouvelle : elle en a recueilli 140 000 six mois avant l’échéance ! Cela témoigne du soutien populaire en faveur d’une responsabilisation des multinationales.
Il est difficile de cautionner l’esclavage dans la pêche de la crevette, le travail d’enfant dans des plantations de cacao, ou les violations de droits humains dans des mines d’or – pour ne citer que quelques cas emblématiques.
Pourtant, en Suisse, le gouvernement et le Parlement se sont opposés à des mesures contraignantes, privilégiant des « engagements volontaires » des entreprises malgré l’insuffisance de celles-ci, comme en témoigne le drame du Rana Plaza dont nous célébrons le triste anniversaire aujourd’hui.
En France, une initiative comparable, la proposition de loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre, est en cours d’examen au Parlement, après un parcours tortueux de quatre ans déjà 3. Cette proposition de loi bénéficie également du soutien de la population française comme en témoigne un sondage de janvier 2015 4 : 3 Français sur 4 pensent que les multinationales françaises devraient être tenues responsables devant la justice des accidents graves provoqués par leurs filiales et sous-traitants.
Pourtant le gouvernement français reste ambigu sur son soutien à la proposition de loi. D’un côté, il affirme par la voix d’Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle, lors du vote à l’Assemblée Nationale le 23 mars, « Le Gouvernement a donc soutenu cette proposition de loi et continue de la soutenir. Le texte qui est soumis à votre examen est ambitieux et équilibré. Il reçoit donc l’appui du Gouvernement. ». De l’autre, il ne s’est pas engagé sur un calendrier afin de l’adopter d’ici la fin de la session parlementaire, l’Elysée et les ministères se renvoient la balle concernant le suivi du sujet, et Manuel Valls n’a pas démenti les propos que lui a prêté le président de l’AFEP (représentant des 100 plus grandes entreprises françaises). En effet, Pierre Pringuet a affirmé dans un entretien à Libération « J’ai eu de nombreuses assurances qu[e ce texte] ne franchirait pas les différentes étapes parlementaires » 5, révélant son mépris de la démocratie, le jour du vote à l’Assemblée Nationale.
Un cercle parlementaire s’est réuni en 2012 pour élaborer une proposition de loi, une première version a été déposée en novembre 2013 et une deuxième version en mars 2015. C’est cette deuxième version qui doit aujourd’hui être inscrite en deuxième lecture au Sénat après une vote en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale le 23 mars 2016.
Réécriture d’un deuxième texte sous la pression des lobbys (https://www.amisdelaterre.org/Les-deputes-avancent-Bercy-plie.html), débat bloqué au Sénat (https://www.amisdelaterre.org/Rejet-de-la-loi-sur-le-devoir-de.html).
http://konzern-initiative.ch/?lang=fr
https://www.amisdelaterre.org/Une-large-majorite-de-Francais.html
http://www.liberation.fr/france/2016/03/22/pierre-pringuet-cette-loi-va-penaliser-les-multinationales-francaises_1441329