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Climat-ÉnergieMultinationales
23 avril 2021

3 banques françaises tournent le dos à Total

Le journal des Echos a révélé que Société Générale, BNP Paris et Crédit Agricole renonçaient à financer le mégaprojet d’oléoduc de Total en Afrique de l’Est, EACOP, qui traverserait l’Ouganda et la Tanzanie sur plus de 1400 km.

Au total, ce sont donc 6 banques qui refusent de soutenir le projet EACOP, le plus long oléoduc chauffé du monde. C’est une bonne nouvelle qui démontre que la pression citoyenne paye : plus de 260 organisations de la société civile avaient adressé aux banques impliquées dans le projet une lettre ouverte pour leur demander de mettre un terme à leur soutien financier. Les Amis de la Terre, membre de la nouvelle coalition internationale StopEACOP, sont mobilisés depuis deux ans pour faire pression sur Total et sur les potentiels financeurs de ce projet néfaste.

EACOP : des conséquences dramatiques à tous les niveaux

Le projet EACOP aura des impacts climatiques désastreux, générant jusqu’à 34 millions de tonnes d’émissions de carbone chaque année. Avant même sa construction, EACOP et le projet associé Tilenga (extraction pétrolière) affecte déjà les terres d’environ 118 000 personnes en Ouganda et Tanzanie alors que leur vie dépend de l’agriculture. Comme l’a révélé notre dernière enquête publiée avec Survie, « Un cauchemar nommé Total », les violations des droits humains liées à ces expropriations se multiplient sur le terrain. Le projet présente également des risques pour la faune et les ressources en eau dont dépendent des millions de personnes pour leur subsistance.

La réponse de Total aux dénonciations croissantes entourant le projet n’est qu’une opération de communication 1, pour tenter de minimiser les impacts sociaux et environnementaux et redorer leur image publique alors que l’entreprise recherche des financements publics et privés pour ce projet. Nous espérons que la mobilisation croissante de la société civile, ainsi que notre action en justice lancée en France en 2019 2, obligent la multinationale à cesser de violer les droits humains et la conduise à abandonner ce projet dévastateur pour le climat et les écosystèmes

Un mégaprojet coûteux

Le 11 avril dernier, Total, son partenaire chinois CNOOC et les gouvernements ougandais et tanzanien ont signé une série d’accords clés visant à lancer la construction d’EACOP, bien que le financement du projet n’ait toujours pas été obtenu. La construction de l’oléoduc devrait coûter plus de 3,5 milliards de dollars, dont 2,5 milliards de dollars proviendront d’un prêt de financement de projet. Mais ces derniers mois, plusieurs financeurs pressentis se sont distancés du projet alors que l’opposition mondiale au projet grandit.

Total de plus en plus isolée

Ainsi, les trois banques françaises se joignent à Barclays, Crédit Suisse et ANZ, tous importants financeurs de Total, en s’engageant à ne pas financer ce projet. L’agence britannique de crédit à l’exportation, UKEF, a également exclu de le soutenir le mois dernier, alors que le gouvernement du Royaume-Uni a décidé d’ arrêter de financer des projets de combustibles fossiles à l’étranger. Et l’année dernière, la Banque africaine de développement a également exclu le financement direct du projet, affirmant qu’elle considérait les énergies renouvelables comme l’avenir du continent.

Le gouvernement français : soutien de Total ?

Le gouvernement français quant à lui est resté muet jusqu’ici, alors qu’un soutien public via une garantie export d’Etat serait possible et que Total aurait approché certains ministères au sujet de ce projet. Les déclarations à la radio de la ministre de la transition écologique Barbara Pompili, saluant la décision des banques françaises et l’exemple qu’elles donnent seront-elles suivies d’un engagement public et ferme du gouvernement français à ne pas soutenir ce projet climaticide ?

Notes
1

Voir le décryptage des dernières annonces de Total, que nous avons publié avec la coalition StopEACOP

2

Pour en savoir plus sur l’action en justice, lire notre note d’octobre 2020. Le fond de l’affaire n’a pas encore été jugée en raison de débats de procédure sur le tribunal compétent. Le 12 avril, nous avons annoncé nous pourvoir en Cassation pour contester la décision de la cour d’appel de Versailles qui considère que c’est le tribunal de commerce qui est compétent.