Avancée historique vers un traité international contraignant sur entreprises et droits humains
Aujourd'hui s'achève la première session des négociations des Nations Unies sur des normes légalement contraignantes pour les entreprises transnationales, créant de grands espoirs sur un traité qui pourrait enfin apporter justice et protection à des millions de personnes dans le monde.
La première session des négociations des Nations Unies sur des normes légalement contraignantes pour les entreprises transnationales 1 s’est terminée aujourd’hui, créant de grands espoirs sur le processus d’élaboration d’un traité qui pourrait enfin apporter justice et protection à des millions de personnes dans le monde.
Des organisations de la société civile venues du monde entier ont participé aux discussions qui se sont ouvertes à Genève le 6 juillet, démontrant un travail coordonné, une richesse des propositions et des analyses approfondies du besoin urgent d’un instrument international légalement contraignant pour prévenir les atteintes aux droits humains commises par les multinationales, et pour apporter justice et remédiation aux populations affectées.
Le travail préparatoire au niveau national a été solide. En Indonésie ou au Brésil par exemple, les organisations de la société civile ont articulé des propositions pour le traité, construites sur la base des voix des populations affectées, de cas concrets de violations des droits humains par des multinationales, et sur un travail de plaidoyer qui a poussé les gouvernements nationaux à s’engager de façon proactive.
Les multinationales sont souvent responsables de violations des droits humains. Mais ces crimes restent fréquemment impunis, en raison de défaillances flagrantes dans le système juridique international, de l’absence ou la faiblesse de la mise en œuvre des politiques nationales, ou encore de la corruption de la justice dans les pays hôtes et/ou d’origine des multinationales. De plus, de nombreuses entreprises sont plus riches et plus puissantes que les États qui cherchent à les réguler. Enfin, le financement de campagnes électorales par des entreprises crée une nouvelle source d’impunité pour les multinationales.
« Les États membres de l’ONU et les experts présents ont accompli de notables progrès cette semaine pour s’attaquer à ce travail difficile mais vital. Nous nous félicitons aussi de la formidable mobilisation des organisations de la société civile, dont la présence a réellement stimulé les négociations. », a indiqué Lucia Ortiz, coordinatrice du programme Justice Économique des Amis de la Terre International. « Cependant, nous déplorons l’absence honteuse de nombreux États, hôtes de multinationales qui ont un historique déplorable en termes de violations systémiques des droits humains dans les pays du Sud ».
L’Union Européenne et plusieurs autres pays, principalement riches, étaient largement absents des négociations, affirmant que la mise en œuvre des Lignes Directrices de l’ONU – un ensemble de normes volontaires existantes sur entreprises et droits humains – seraient soi-disant suffisante pour répondre aux violations des droits par les multinationales.
Juliette Renaud, chargée de campagne sur les Industries extractives et la RSEE aux Amis de la Terre France réagit : « Le nombre sans cesse croissant de violations des droits humains perpétrées directement par les multinationales ou en leur nom prouve que les normes volontaires sont absolument insuffisantes ou carrément inadéquates, et qu’on ne peut pas faire confiance aux multinationales pour s’auto-réguler. Les organisations de la société civile européenne ont uni leurs forces avec ardeur pour obtenir des règles pour les entreprises et des droits pour les peuples, rendant encore plus honteux le manque d’intérêt des gouvernements de l’Union européenne pour pousser les entreprises à respecter les droits humains ».
« Depuis des décennies, les mouvements sociaux réclament l’adoption d’un traité légalement contraignant, et insistent pour que l’influence du secteur privé sur l’ONU cesse. Pourtant, il y a tout juste un an, beaucoup pensaient encore qu’il serait impossible que le travail sur un tel traité puisse être lancé à l’ONU », a déclaré Irhash Ahmady, des Amis de la Terre Indonésie. « Cette semaine a montré que la volonté politique existe, que les experts pensent que cela est possible, et que de nombreux États et peuples sont préparés pour que cela devienne une réalité ».
Ricardo Navarro, directeur des Amis de la Terre Salvador, conclut : « La plupart des États sont venus aux négociations avec une ouverture d’esprit, se sentant assez courageux pour avancer enfin sur ce domaine terriblement négligé de la loi internationale. Ce courage va être crucial d’ici à la prochaine ronde de négociations. Les États et la société civile doivent travailler dur pour maintenir cet élan, faire venir davantage d’États à la table des négociations, et ouvrir largement les consultations. Les populations affectées doivent faire partie de ces consultations, afin d’apprendre de leurs luttes contre les violations commises par des multinationales, de leur expertise et de leurs propositions. C’est ainsi que nous pourrons entrer dans l’Histoire ! ».
Une délégation des Amis de la Terre International a assisté aux négociations, également en tant que membres de la Campagne pour démanteler le pouvoir des multinationales et de l’Alliance pour un Traité, qui ensemble constituent un mouvement de plus de 1000 organisations représentant 10 millions de personnes dans le monde 2.
Contacts presse :
Pierre Sagot, Les Amis de la Terre France : + 33 6 86 41 53 43 / +33 9 72 43 92 65, communication@amisdelaterre.org
Lucia Ortiz, coordinatrice du programme Justice Économique, Les Amis de la Terre International : + 55 48 99 15 00 71, lucia@natbrasil.org.br
Le mandat du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme a été défini par la résolution 26/9 du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, adoptée en juillet 2014.