Climat-ÉnergieFinance
Communiqué de presse19 décembre 2013

Banques multilatérales de développement : la France schizophrène

La Banque asiatique de développement vient d'approuver un financement pour le projet de centrale à charbon de Jamshoro au Pakistan, contre l'avis de tous ses Etats membres occidentaux... à l'exception de la France, qui a soutenu le projet.

La Banque asiatique de développement vient d’approuver un financement pour le projet de centrale à charbon de Jamshoro au Pakistan [1], contre l’avis de tous ses Etats membres occidentaux… à l’exception de la France, qui a soutenu le projet.

Une position honteuse et incohérente alors que le charbon est mis au ban par les bailleurs multilatéraux et certains bailleurs publics, et que le défi climatique impose de tourner le dos aux énergies fossiles [2].

La Banque asiatique de développement (BASD) vient d’accorder un prêt de 900 millions de dollars pour l’extension de la centrale à charbon de Jamshoro au Pakistan par une unité supplémentaire de 600 MW alimentée par du charbon sous-bitumineux importé et du lignite local. Les Etats-Unis, la Finlande, le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède se sont opposés au projet tandis que le Royaume-Uni, l’Autriche, le Luxembourg, la Suisse, la Turquie et même l’Allemagne se sont abstenus. La France, 12e actionnaire sur 67, fait figure de mouton noir en ayant voté en faveur du projet.

Un tel soutien vient contredire la tendance à la fin des subventions publiques au charbon : la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), au sein desquelles la France est l’un des principaux actionnaires, viennent d’adopter des critères restreignant drastiquement leur soutien au secteur. L’Agence française de développement (AFD) a elle aussi mis fin à ses prêts au charbon. « Le vote français est incompréhensible et donne des signaux inquiétants après des avancées encourageantes. En votant pour le projet charbon de Jamshoro, la France révèle son incohérence. A la fois engagée contre le soutien au charbon, elle maintient des niches où l’argent public continue à alimenter ce secteur polluant : au sein de la BASD mais aussi via les garanties qu’elle apporte à la COFACE, ou via sa participation à des entreprises privées comme EDF ou GDF qui mènent des projets charbon à l’étranger » déplore Malika Peyraut, chargée de campagne pour les Amis de la Terre.

A l’échelle internationale, la fin des subventions publiques au charbon a pourtant été obtenue du fait des conséquences sociales et environnementales de son exploitation. « Augmenter la taille des centrales à charbon, quelque soit la technologie utilisée, c’est adopter une vision court-termiste irresponsable au vu de l’urgence climatique. Il ne faut pas étendre la taille des centrales à charbon, il faut les fermer : la science nous recommande bien de laisser la majorité des ressources fossiles dans le sol si l’on veut avoir une chance de limiter l’augmentation de la température du globe à 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle [3]. En plus des impacts climatiques, l’extraction et la combustion ont des impacts très graves sur la santé et l’environnement des communautés » rappelle Malika Peyraut.

Au vu de ces impacts, la France doit se ressaisir et afficher des ambitions fortes pour le climat. « La France vient de s’engager dans la transition énergétique, et s’apprête à accueillir la Conférence Climat des Nations Unies en 2015. Si elle veut être à la hauteur, elle se doit d’être cohérente et exemplaire en mettant fin aux subventions publiques climaticides, et en réorientant ces financements en faveur de la sobriété énergétique, de l’efficacité énergétique, et des énergies renouvelables » constate Florent Compain, président des Amis de la Terre.

Contact presse : Caroline Prak – 06 86 41 53 43

Notes :

[1] http://www.adb.org/projects/47094-001/main

[2] Institutions financières internationales, le charbon mis au ban (11 décembre 2013) :https://www.amisdelaterre.org/Institutions-financieres,1315.html

[3] http://www.nature.com/nature/journal/v458/n7242/full/nature08017.html