FARRE : l’Agriculture Raisonnée ou… un drôle de réseau de « protecteurs ».
Le Tribunal Administratif de Paris a décidé que l’association FARRE ne pouvait plus prétendre à être agréée comme "Association de protection de l’Environnement"
Les Amis de la Terre expliquent brièvement pourquoi cette décision est très importante. Le Forum de l’Agriculture Raisonnée et Respectueuse de l’Environnement ou FARRE a été créé en 1993. Sur son site, on peut lire que “L’agriculture raisonnée est une approche globale de l’entreprise agricole, qui prend en compte de manière équilibrée les objectifs économiques des producteurs, les attentes des consommateurs et le respect de l’environnement.”, “L’agriculture raisonnée, c’est un état d’esprit”.
Ce discours “environnemental” a séduit des agriculteurs lassés par les excès de l’agriculture productiviste et son cortège de pesticides, nitrates, vaches folles, poulets à la dioxine et autres OGM. Leurs témoignages sont omniprésents sur le site : “La rentabilité, oui ; mais pas à tout prix car l’Homme et son environnement n’ont pas de prix”, “L’agriculture du 21ème siècle : le respect de la nature au quotidien.”, “L’agriculture raisonnée, c’est vivre en harmonie dans le milieu qui nous entoure en respectant la nature et les gens”, “Il faut respecter la nature car elle nous fait vivre et fera vivre nos enfants “.
Le site de la FDSEA des Landes est plus clair : “FARRE est un outil de communication issu du syndicalisme FDSEA/CDJA.”. Le Tribunal Administratif de Paris l’a bien compris et a dû penser que communiquer sur l’environnement ne suffisait pas à le protéger…
Sur le site de FARRE, on peut encore lire que, “(l’association) ouverte aux organisations, entreprises et personnes physiques compte aujourd’hui plus de 1000 membres issus d’horizons divers”. On n’y découvre que du beau monde : Auchan, BASF, Bayer, Cargill, CGI (Compagnie Générale des Pesticides), Dow AgroScience, Dupont de Nemours, Monsanto, Syngenta, plus quelques banques – Crédit Agricole – et Compagnies d’Assurance. Quant au Président du Conseil Scientifique, il est aussi directeur scientifique d’Arvalis, firme qui a mené des essais d’OGM en 2004. Tout cela est-il bien raisonnable ?
A moins que des “raisonnements” moins avouables ne se cachent derrière l’Agriculture “Raisonnée”…
Face au mécontentement de nombreux agriculteurs qui se détournaient de la FNSEA pour aller notamment vers la Confédération Paysanne, il fallait réagir. En créant le FARRE, la FNSEA ouvrait une soupape pour les agriculteurs qui cherchaient une alternative, tout en les gardant fermement sous sa tutelle. Le discours s’adaptait, mais les méthodes pas vraiment.
L’agriculture Bio, elle, est vraiment à l’opposé du modèle promu notamment par la FNSEA. L’essor et l’engouement du public pour une agriculture respectueuse des Humains et de la Nature (Bio ou Paysanne), représentent une menace pour le modèle agricole dominant[[ En février 2004, le journal Sud-Ouest organisait un débat sur les OGM à la foire agricole de Barcelonne du Gers. Mr Garbage, agriculteur bio intervint pour poser le problème de la contamination génétique des productions biologiques. Mr Bernard Layre, président du Comité jeunes agriculteurs de la Fédération Internationale des Producteurs Agricoles – FIPA – lui répondit : “Si les agriculteurs bio ne veulent pas disparaître, il faudra bien qu’ils s’adaptent et qu’ils acceptent un taux de contamination génétique, comme pour les pesticides”]] . Les agriculteurs Bio n’acceptent, par exemple, aucune contamination génétique dans leurs produits. Le FARRE ne s’y oppose pas. Et comme par hasard, on retrouve toutes les grandes firmes de biotechnologie dans le réseau FARRE… Les pesticides massivement utilisés en agriculture et de plus en plus souvent dénoncés comme une cause de l’augmentation des pathologies de type cancer, sont interdits en agriculture Bio. Le Réseau FARRE, lui, conseille à ses adhérents de les utiliser “avec discernement”. Et parmi les membres du réseau FARRE, on retrouve des géants de la chimie Bayer, DuPont de Nemours, Syngenta… Coïncidence ?
La protection de l’Environnement étant inscrite comme priorité, en particulier au niveau européen, des moyens financiers sont mis à disposition. Il y a donc de nombreuses subventions à capter. Comme la FNSEA contrôle nombre de Chambres d’Agriculture et de Commissions Départementales d’Orientation Agricole (CDOA) (Dans les Landes, le Préfet n’a nommé comme membre de la CDOA au titre de la défense de l’environnement, ni la Sépanso (FNE), ni les Amis de la Terre, mais la Fédération des chasseurs…), elle peut s’assurer qu’un maximum d’aides ira vers les projets d’une structure, FARRE, qu’elle soutient et contrôle. FARRE représente un réel danger pour une vraie agriculture respectueuse de l’environnement, car il perçoit une grande partie des aides qui permettraient à l’agriculture biologique ou Paysanne de se développer et d’offrir des produits à des prix accessibles pour un large public, tout en diminuant réellement et efficacement la pression insoutenable qu’exerce l’agriculture sur l’environnement.
Mais il n’y a pas que des subventions à prendre, il y a aussi le marché des “produits sains”. Nombre de consommateurs achèteront plutôt un produit de l’agriculture “raisonnée” – pensant avoir un produit comparable au bio – qu’un produit bio, coûtant plus cher. La grande distribution a bien compris l’intérêt de ces produits “raisonnés”. Elle peut ainsi offrir à ses clients des produits prétendument respectueux de l’environnement, à des prix compétitifs et ainsi gagner de l’argent, tout en se donnant une image “verte”. De plus, l’agriculture raisonnée qui a très peu de contraintes – le professeur Girardin de l’INRA de Colmar a analysé les 46 préconisations de FARRE et trouvé que seules 6 agissent un peu dans le sens de la protection de l’environnement – garantit des quantités et une régularité d’approvisionnement moins aléatoires que le bio.
Tout comme l’Indication Géographique Protégée (IGP), l’Agriculture Raisonnée crée une nouvelle certification qui n’apporte que très peu de garanties aux consommateurs. Elle ne fait qu’entretenir la confusion avec les vrais labels de qualité, et leurs cahiers des charges contraignants et rigoureux. Plus la confusion est grande, moins les citoyens-consommateurs s’y retrouvent !
Pour toutes ces raisons les Amis de la Terre s’opposent au réseau FARRE. Maintenant, après le jugement de Paris, les Amis de la Terre demandent que l’argent censé protéger l’environnement, aille vers les agricultures qui le protègent REELLEMENT : l’agriculture biologique et l’agriculture paysanne. Le réseau FARRE n’aurait jamais pu se développer sans la plus grande sollicitude de tous les Ministres de l’Agriculture, de Mr Glavany à Mr Gaymard (Sans oublier l’inénarrable Mme Bachelot-Narquin, Ministre de l’Environnement, qui est allée jusqu’à accorder l’agrément d’Association de Protection de l’Environnement à ce réseau !). Les Amis de la Terre demandent au Ministère de l’Agrciculture d’enfin prendre au sérieux les demandes de nos concitoyens et de défendre l’intérêt général, plutôt que de ne favoriser que les intérêts privés de quelques lobbies de la chimie, des biotechnologies et de leurs alliés.
Voir aussi la nouvelle tentative de la FNSEA : “La FNSEA lance la “3ème Révolution Agricole et Alimentaire” : après l’Agriculture Raisonnée, voici l’Agriculture responsable !“