L’Union européenne sabote les efforts de l’ONU pour mettre fin à l’impunité des multinationales
L'Union européenne essaye de saboter la proposition de traité contraignant visant à tenir les entreprises responsables devant la justice, qui a pourtant le soutien de plus de 80 pays et plus de 500 organisations de la société civile, dont Les Amis de la Terre.
Genève / Paris, le 26 juin 2014 – Demain, les 193 nations réunies pour la 26ème session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, se prononceront sur une proposition de traité contraignant visant à tenir les entreprises responsables devant la justice, pour les violations aux droits de l’Homme et de l’environnement causées par leurs activités. Mais l’Union européenne essaye de saboter cette proposition, qui a pourtant le soutien de plus de 80 pays et plus de 500 organisations de la société civile, dont Les Amis de la Terre (1). Les Amis de la Terre International présentent aujourd’hui à Genève un nouveau rapport (2) mettant en lumière les violences et violations de droits dont souffrent, partout dans le monde, les défenseurs de l’environnement, montrant l’urgence de mettre fin à l’impunité dont jouissent les multinationales.
L’Union européenne, ainsi que les Etats-Unis et la Norvège, font pression sur les autres pays pour que cette proposition de traité contraignant, portée par l’Equateur et l’Afrique du Sud, soit rejetée (3), allant jusqu’à menacer de réduire l’aide au développement et leurs investissements directs à l’étranger.
Selon Paul de Clerck, des Amis de la Terre Europe, « Non seulement l’Union européenne essaye de faire obstacle au développement de normes pour mettre fin aux violations des droits de l’Homme commises par les entreprises, mais elle a aussi menacé de ne pas coopérer si la proposition était adoptée par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. Il est inacceptable que l’UE et ses Etats-membres prennent partie pour les criminels au lieu d’être du côté des victimes des abus commis par les entreprises ».
Une semaine internationale de mobilisation « Pour mettre fin à l’impunité des multinationales » a été lancée le 23 juin, avec une session spéciale du Tribunal Permanent des Peuples à Genève (4).
« En moyenne, c’est chaque semaine un nouveau cas de violation des droits des défenseurs des droits environnementaux qui nous est rapporté, et il s’agit juste la pointe de l’iceberg » a déclaré Lucia Ortiz, coordinatrice du programme pour la Justice économique des Amis de la Terre International.
Les Amis de la Terre International ont enregistré plus de 100 incidents de violences contre les défenseurs des droits environnementaux, et des violations de leurs droits, dans 27 pays du monde au cours de la période allant de novembre 2011 à octobre 2013, d’après leur nouveau rapport.
Plus de la moitié des meurtres enregistrés par les Amis de la Terre International entre novembre 2011 et octobre 2013 ont été des assassinats ciblés de leaders communautaires et des morts de paysans lors de confrontations violentes au sujet de conflits de terres, impliquant souvent la protection de territoires paysans contre des projets destructeurs et polluants tels que les grands barrages hydroélectriques, les plantations de monocultures ou l’extraction de minéraux, de gaz ou de pétrole.
Juliette Renaud, des Amis de la Terre France, conclut : « Si la France se considère toujours comme étant la patrie des droits de l’Homme, elle se doit de peser de tout son poids pour faire changer la position de l’Union européenne. Nous attendons du gouvernement français qu’il prenne position publiquement pour soutenir la mise en place de ces normes contraignantes au niveau international, tout comme nous exigeons qu’il modifie le cadre légal français pour reconnaître la responsabilité des maisons-mères des multinationales sur les activités de leurs filiales et sous-traitants » (5).
Les normes volontaires, telles que le Pacte Mondial, les Principes directeurs de l’ONU ou ceux de l’OCDE, n’ont pas permis de réduire les attaques aux défenseurs des droits humains et ne sont donc pas une protection suffisante. Un système contraignant légalement est indispensable afin de poursuivre en justice les entreprises responsables de violations de droits humains, et d’apporter justice et réparation aux personnes affectées.
Contacts presse :
· Caroline Prak, Les Amis de la Terre France : 06 86 41 53 43 / 09 72 43 92 65 – caroline.prak@amisdelaterre.org
· Paul de Clerck, Coordinateur du programme pour la Justice économique aux Amis de la Terre Europe : +32 494 38 09 59 / paul@milieudefensie.nl
· Lucia Ortiz, Coordinatrice du programme pour la Justice économique aux Amis de la Terre International : + 55 48 99 15 00 71 / lucia@natbrasil.org.br
· Alberto Villarreal, chargé de campagne sur le commerce et l’investissement aux Amis de la Terre Uruguay : +41 79 42 94 275 (jusqu’au 26 juin) ou +598 98 556360 / comerc@redes.org.uy
NOTES
(1) Le 7 mai 2014, une alliance globale d’organisations de la société civile connue comme l’Alliance pour un Traité, représentant plus de 500 groupes, a appelé les membres du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies à soutenir la proposition portée par l’Equateur et l’Afrique du Sud. Pour plus d’informations : https://www.foei.org/news/groups-call-for-un-treaty-to-tackle-corporate-human-rights-violations
(2) Le nouveau rapport « Nous défendons l’environnement, nous défendons les droits humains » est accessible ici : https://www.foei.org/resources/publications/publications-by-subject/human-rights-defenders-publications/we-defend-the-environment-we-defend-human-rights
(3) Pour plus d’information, lire l’article du 24 juin d’IPS « EU Aims to Scuttle Treaty on Human Rights Abuses », disponible en ligne : http://www.ipsnews.net/2014/06/eu-aims-to-scuttle-treaty-on-human-rights-abuses/
(4) Cette session du Tribunal Permanent des Peuples jugera Shell, Mekorot, Hidralia, Glencore- Xstrata, Coca-Cola, Chevron, Lonmin et Pacific Rim, pour leurs crimes sociaux et environnementaux, et pour la criminalisation croissante dont souffrent les défenseurs de l’environnement et des droits de l’Homme.
(5) En France, une proposition de loi sur le devoir de vigilance des multinationales a été déposée par quatre groupes parlementaires, et la nouvelle secrétaire d’Etat chargée du Développement, Annick Girardin, a assuré qu’elle serait présentée à l’Assemblée nationale au mois de novembre 2014, tandis que Laurent Fabius avait indiqué plus tôt que le gouvernement était près à travailler aux côtés des députés porteurs de ce texte. Les Amis de la Terre attendent donc du gouvernement qu’il tienne ses promesses sur ce sujet.