OGM et interdictions nationales : Monsanto &Co ont réussi leur coup !
La proposition permettant aux Etats-membres d’interdire certains OGM particuliers, présente dans son dispositif, une énorme faille favorable aux géants des biotechnologies.
Corporate Europe Observatory – 27 mai 2014
La proposition permettant aux Etats-membres d’interdire certains OGM particuliers, présente dans son dispositif, une énorme faille favorable aux géants des biotechnologies.
Le mercredi 28 mai, les pays de l’Union européenne ont voté en faveur du texte de la proposition. Ironiquement, ce texte pourrait s’avérer être favorable à Monsanto. La décision finale pourrait être prise au Conseil de l’Environnement en juin. Comment a-t-on pu passer d’une proposition d’interdictions nationales à une dérogation favorable à Monsanto ?
Le pénible vote de l’Union européenne relatif au maïs GM de Pioneer en février dernier a créé le sentiment qu’il était urgent de modifier la façon dont les OGM sont approuvés. Alors que 19 pays votaient contre et seulement 5 pour, la Commission a toujours l’intention de donner le feu vert au maïs GM de Pioneer. Cela ne présage rien de bon.
La proposition de redonner aux Etats-membres certaines prérogatives sur les autorisations d’OGM est régulièrement revenue sur le tapis, depuis quelques temps déjà. C’est vrai qu’au début, les firmes de biotechnologies étaient opposées à l’idée même d’interdictions nationales. Mais le texte actuel porte clairement leur marque. Désormais, elles le considèrent comme un moyen de sortir de l’impasse politique et légale actuelle, et finalement d’obtenir que leurs plantes soient cultivées dans les champs européens, malgré le rejet des citoyens.
Dans sa formulation actuelle, le texte proposé par la présidence de l’Union européenne (actuellement la Grèce) stipule que si un Etat-membre veut interdire un OGM, il devra d’abord demander à la compagnie de biotechnologie elle même de ne pas le commercialiser sur son territoire. Si celle-ci refuse, la seconde option pour ce pays sera de donner certains arguments politiques à partir d’un ensemble limité de possibilités. C’est la seconde faiblesse majeure de cette proposition : ce type d’arguments introduisent une insécurité juridique et pourraient tout simplement être rejetés par les tribunaux.
Grâce à la loi sur la liberté de l’information du Royaume-Uni, le groupe GeneWatch s’est procuré des documents qui dévoilent combien EuropaBio, le groupe de pression de l’industrie des biotechnologies à Bruxelles, a plaidé pendant deux ans en faveur précisément de cette approche. Un document de trois pages, intitulé « Une nouvelle stratégie pour le dossier des OGM » date de 2012. Ce document conclut qu’une nouvelle approche est nécessaire pour rompre avec l’immobilisme européen concernant les plantes GM. Il inclut une « proposition amendée de nationalisation », posant comme condition que les Etats-membres ne puissent mettre en place une interdiction nationale que s’ils ont préalablement demandé à la compagnie de s’abstenir de commercialiser l’OGM dans leur pays et que si la compagnie a refusé.
Une autre condition posée par EuropaBio est qu’un seuil de contamination soit convenu par les états membres, afin d’autoriser des OGM non autorisés dans les semences (c’est déjà le cas pour la nourriture animale, mais pas encore pour l’alimentation humaine ni les semences). Dernier point mais non des moindres, EuropaBio demande que les Etats-membres ne votent plus au niveau européen contre une demande d’autorisation d’OGM, s’ils peuvent utiliser pour l’interdiction nationale une de ces deux options. Suit une liste détaillée des éléments nécessaires pour obtenir le soutien des gouvernements allemand, français et du Royaume-Uni ainsi que de la Commission européenne. Il est noté dans ce document que « Ces changements paraissent acceptables pour de nombreux pays européens. Même si certains pays s’y opposent, en gagnant les votes du Royaume-Uni et de l’Allemagne, on compense toute perte de votes ».
L’ensemble des textes publiés par GeneWatch indique qu’il existe aussi une étroite relation entre les lobbyistes d’EuropaBio, le Conseil des Biotechnologies Agricoles (Agricultural Biotechnology Council) et l’équipe qui s’occupe des OGM au sein du ministère de l’Environnement. Un e-mail envoyé le 17 avril 2013 par EuropeBio, apportant une « contribution » à l’équipe du Royaume-Uni suite à une rencontre précédente, conseillait à l’équipe de « donner au message une forte image environnementale » (mais aussi une image d’innovation et de compétitivité). EuropaBio conseillait la prudence dans la communication sur la « nationalisation », même si à première vue, il pouvait paraître tentant de relier le thème des OGM avec « un transfert de pouvoir de Bruxelles ». L’équipe qui s’occupe des OGM répondit le même jour qu’elle préférait le terme « accent » à celui d’ « image » et expliquait les particularités d’une interdiction dans le cas du Royaume-Uni.
Le Conseil des Biotechnologies Agricoles est un groupe de pression basé au Royaume-Uni qui ne comprend comme membres que les six plus grandes firmes de l’agrochimie : Bayer, Dow AgroSciences, Monsanto, Pioneer (DuPont) and Syngenta. Ce conseil est lui-même membre d’EuropaBio. GeneWatch a publié une évaluation des nombreux e-mails rendus publics après sa demande concernant les groupes de pression de l’industrie britannique, dans le cadre de la loi sur la liberté de l’information. Ils montrent combien les personnes au sein du gouvernement sont réceptives à l’influence des industriels sur des dossiers comme la science, le financement de la recherche, la réglementation des OGM et le Partenariat Transatlantique sur le commerce et les investissements (TTIP ou TAFTA).
Owen Paterson – félicité dans une des lettres d’EuropaBio parce qu’ « il sait se faire entendre sur le dossier des OGM » – fut nommé secrétaire d’Etat à l’Environnement la même année, en septembre 2012. C’est sous sa direction que le gouvernement britannique a changé sa position sur les dérogations nationales (opt-out) passant d’une position contre, à une position favorable. Pour le Dr Helen Wallace de GeneWatch il est clair que le gouvernement a travaillé étroitement avec l’industrie des OGM pour « obtenir une version des dérogations nationales favorable à Monsanto ». Le but de ces deux acteurs est de déverrouiller le système de décision des autorisations d’OGM pour la mise en culture. Elle rajoute : « Si les gouvernements renoncent à souligner les méfaits du plantes GM Roundup Ready (tolérantes au Roundup), celles-ci pourraient faire l’objet d’un procédure accélérée et être cultivées dans certaines parties de l’Europe, malgré les méfaits probables pour la vie sauvage. Nous devons améliorer l’évaluation des risques liés aux OGM et non pas faciliter la contamination de l’alimentation animale et humaine et des semences dans le marché européen avec des OGM dont personne ne veut ».
Lors du Conseil de juin, une décision doit être prise sur les interdictions nationales. Si les Etats membres maintiennent leur position, des plantes GM qui sont actuellement en attente d’autorisation pourraient être cultivées dans différentes régions d’Europe, dès l’an prochain. Ce serait une très mauvaise nouvelle pour l’agriculture européenne. A tout le moins, les dix neuf pays qui ont voté contre le maïs GM de Pioneer devraient sérieusement réfléchir avant d’apporter quelque soutien que ce soit à cette proposition.
Texte du CEO : http://corporateeurope.org/food-and-agriculture/2014/05/biotech-lobbys-fingerprints-over-new-eu-proposal-allow-national-gmo
Communiqué des Amis de la Terre : https://www.amisdelaterre.org/Les-compagnies-de-biotechnologies.html
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