Sables bitumineux : la France prête à céder aux lobbies canadiens et pétroliers
Amsterdam, Bruxelles, Paris, le 22 février 2012 - Les représentants des gouvernements européens vont voter demain sur la directive sur la qualité des carburants, qui pourrait maintenir les sables bitumineux hors d'Europe.
Les Amis de la Terre France, Europe et Pays-Bas demandent à l’Europe de résister aux pressions des lobbies canadiens et pétroliers, et de dire non aux formes les plus polluantes de pétrole non conventionnel. Les yeux seront rivés sur des pays comme la France, qui semblerait prête à céder en votant contre la proposition de la Commission européenne [1].
En effet, les pays avec de grandes compagnies pétrolières, tels que la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas sont susceptibles de céder au Canada et à l’industrie pétrolière, qui se sont engagés dans un lobby féroce [2] pour bloquer l’action de la Commission européenne.
Juliette Renaud, chargée de campagne sur les Industries extractives aux Amis de la Terre France analyse : « Si demain le gouvernement français vote contre la proposition de la Commission européenne, ce sera une preuve claire que la France choisit de privilégier les intérêts des compagnies pétrolières comme Total au détriment des peuples et de la planète. C’est très inquiétant et laisse malheureusement présager du nouvel équilibre gouvernemental alors que le poste de ministre de l’Ecologie est vacant jusqu’aux élections« .
La semaine dernière, huit Prix Nobel de la Paix ont écrit au Président Sarkozy – ainsi qu’aux autres chefs de gouvernements européens – l’exhortant à soutenir les efforts de la Commission européenne pour maintenir les sables bitumineux hors d’Europe. Cela fait suite à une lettre qu’ils avaient envoyée au Président Obama lui demandant de rejeter le projet d’oléoduc Keystone XL – prévu pour transporter des sables bitumineux du Canada vers les États-Unis -, décision qu’Obama a effectivement prise il y a un mois.
Darek Urbaniak, chargé de campagne sur les Industries extractives aux Amis de la Terre Europe explique : « Nous espérons que les gouvernements européens suivront l’exemple d’Obama et auront le courage de dire non aux carburants fortement polluants tels que les sables bitumineux ou les huiles de schistes. Ce sont les sources les plus sales de carburant pour les transports et elles pourraient mettre en péril l’habilité de l’Europe à atteindre ses objectifs de lutte contre le changement climatique. »
La dangereuse addiction de l’Europe aux énergies fossiles, ainsi que le déclin de la production de pétrole conventionnel, a mené les compagnies pétrolières à investir lourdement dans des exploitations de pétrole non conventionnel de plus en plus polluantes et risquées. La production de pétrole à partir de sables bitumineux engendre de trois à cinq fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel, et provoque des impacts irréversibles sur les populations locales et l’environnement.
Pour Geert Ritsema, coordinateur des campagnes aux Amis de la Terre Pays-Bas, « Les projets pétroliers deviennent chaque année plus destructeurs. Cette tendance doit s’arrêter. Il est temps que le gouvernement néerlandais regarde plus loin que les seuls intérêts financiers de Shell, et choisisse des carburants plus propres. »
Contact presse :
Caroline Prak, Les Amis de la Terre France : + 33 (0) 1 48 51 18 96 / +33 (0) 6 86 41 53 43,
Pour plus d’informations sur la directive, cliquez ici.
NOTES :
[1] Afin de réduire les gaz à effets de serre des carburants pour les transports, la Commission européenne propose d’affecter des valeurs différentes aux sources de carburants selon leur intensité carbone. Cela pourrait être un frein important à la présence, sur le marché européen, des carburants très polluants, tels que les sables bitumineux, les huiles de schiste ou le charbon liquéfié.
L’article 7a de la Directive sur la qualité des carburants, adopté en 2009, fixe un objectif contraignant pour réduire les émissions de C02 dans les transports de 6 % d’ici à 2020. Dans ce cadre, la Commission européenne a adopté en octobre 2011 une proposition pour affecter des valeurs d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour différentes sources de carburants. S’appuyant sur des études scientifiques, elle propose pour les sables bitumineux, une valeur de GES de 107g de CO2 par mégajoule d’énergie produite. La valeur par défaut du pétrole conventionnel est de 87,5g CO2/mj, soit 23% de moins. La Commission propose une valeur de 131,3g CO2/mj pour les schistes bitumineux et de 172g pour le charbon liquéfié.
Par ailleurs, parmi d’autres preuves de ce lobby, Les Amis de la Terre Europe se sont procuré deux lettres, envoyées par le gouvernement canadien à la Commission européenne en octobre et décembre 2011, menaçant d’une plainte à l’OMC. Télécharger les lettres : Lettre d’octobre 2011 – Lettre de décembre 2011 – Réponse de la Commission européenne.
[3] L’exploitation des sables bitumineux au Canada détruit de grandes zones de forêts boréales et de tourbières, produit d’énormes quantités de déchets toxiques, pollue l’air et l’eau, dévaste la faune sauvage locale et menace les modes de vie traditionnels des communautés indigènes. Pour plus d’information, consulter les documents suivants :
– Note de synthèse Impacts sociaux et environnementaux de l’exploitation des sables bitumineux : les cas du Canada et de Madagascar
– Fiche explicative Sables bitumineux : impacts sur les peuples, le climat, et l’environnement – Du Canada à l’Afrique,
– Rapport des Amis de la Terre Europe Les sables bitumineux alimentent la crise climatique, sapent la sécurité énergétique de l’UE et nuisent aux objectifs de développement, mai 2010.