Agriculteurs et écolos, nous refusons d’être catalogués comme ennemis de la mobilisation
Un collectif d’organisations et d’associations dont les Amis de la Terre, Greenpeace, Extinction Rébellion affichent leur soutien aux manifestants et annoncent les rejoindre. publié le 27 janvier 2024
Nous nous adressons à tous les agriculteurs et agricultrices ayant manifesté
leur colère ces derniers jours, mais aussi à toutes celles et ceux qui
hésiteraient encore à les rejoindre. Nous, organisations écologistes,
paysannes et militantes pour un autre modèle agricole depuis des décennies
partageons cette colère, et refusons le discours dominant qui voudrait faire
de nous vos ennemis.
Nous sommes en colère parce que nous savons que la destruction des
conditions de vie des paysan.ne.s comme la destruction des écosystèmes
profitent aux mêmes personnes, et que ce ne sont ni vous ni nous.
Depuis les tout débuts des mouvements écologistes, nous nous sommes
toujours mobilisés avec détermination sur la question du modèle agricole et
des conditions de travail et de vie des agriculteurs. Parce que nous savons
l’importance considérable de l’agriculture sur l’environnement : ainsi la
qualité de la terre, de l’air, de l’eau, de ce que nous mangeons, et bien sûr le
climat, dépendent de ce que nous cultivons et élevons et de la manière dont
nous le faisons.
Nous avons lutté contre les traités de libre-échange, pour la souveraineté
alimentaire et pour que chaque pays – et chaque paysan.ne – puisse vivre de
son agriculture et la faire vivre plutôt que de la soumettre à la concurrence
internationale. Nous avons manifesté main dans la main avec les
agriculteurs contre la grande braderie du monde paysan à la finance, contre
le Tafta (avec les Etats-Unis), le Ceta (avec le Canada), le Mercosur (avec
l’Amérique latine), maintenant les traités de libre-échange avec la Nouvelle-
Zélande, le Chili et le Kenya soutenus par Emmanuel Macron.
Le principe d’une sécurité sociale de
l’alimentation
Nous avons en tant que consommateurs et militant.e.s soutenu l’agriculture
paysanne, créé et promu les Amaps, les circuits courts, l’agriculture bio,
nous avons mis la main à la pâte jusqu’à mettre de l’épargne au service de
nouvelles installations. Nous appelons depuis longtemps à ce qu’il y ait au
moins un million de paysan.ne.s en France, et nous savons l’urgence qu’il y
a à trouver des repreneurs, car dans moins de dix ans maintenant la moitié
des agriculteurs du pays partira à la retraite. Et même si c’est loin d’être
assez, ce sont déjà des milliers de militant.e.s écologistes qui ont entrepris
des reconversions en agriculture pour s’y mettre concrètement.
C’est encore pour cela que nous sommes nombreuses et nombreux à
défendre désormais le principe d’une sécurité sociale de l’alimentation, un
système de solidarité entre consommateurs et producteurs qui permette à
ces derniers de vivre décemment de leur travail et de reprendre la main sur
notre alimentation.
Dans le domaine de l’agriculture comme dans d’autres, nous discernons
bien aussi toute l’ambiguïté des normes. Certaines peuvent bel et bien
protéger la santé des travailleurs, la fertilité des terres, les ressources en
eau… Mais sous des prétextes vertueux, elles sont parfois aussi conçues
pour impliquer des contraintes techniques, pratiques et une aseptisation du
métier telles qu’elles vont dans le sens de la disparition des petites fermes
au profit de ceux qui peuvent s’industrialiser et s’endetter plus encore. Il n’y
a pas lieu de s’attaquer sans discrimination aux normes environnementales
mais de les financer de manière à maintenir les revenus et d’en rendre
l’application compatible avec la pratique paysanne.
Alors nous sommes nombreux à avoir soutenu et proposé sans succès une
autre PAC, qui aide réellement aux reconversions et pour ne pas vous
abandonner face à des normes environnementales imposées sans aucune
contrepartie derrière pour les appliquer concrètement et de manière juste.
Même et surtout quand nous nous battons contre des projets agricoles,
contre des mégabassines, ou des élevages industriels aux proportions
absurdes : nous le faisons systématiquement avec des agriculteurs, et pour
le monde paysan. Parce qu’il est injuste et hypocrite que quelques
agriculteurs s’accaparent l’eau au détriment de ceux qui cherchent à
produire autrement. Parce que les fermes-usines contre lesquelles nous
nous battons détruisent de l’emploi paysan et mettent une pression déloyale
sur les petits éleveurs qui sont contraints de s’aligner ou de mettre la clé
sous la porte. Et tout ça au bénéfice de grands groupes qui les poussent à
des élevages toujours plus grands pour leur racheter leurs produits à des
prix dérisoires – c’est par exemple la stratégie du groupe Duc révélée par
une enquête.
L’échec et le drame d’un modèle
productiviste
Stopper ces projets, c’est défendre un modèle agricole qui protège le vivant
mais surtout qui permet au reste du monde paysan de vivre dignement d’un
travail de qualité.
Car, qui est à l’origine de la chute du nombre de paysan.ne.s à moins de 500
000 en France ? A l’origine des suicides d’agriculteurs chaque jour, des
montagnes de dettes ? A l’origine des obligations de rendements toujours
plus importantes, de la concentration toujours plus forte des terres dans les
mains de quelques-uns, des prix toujours plus bas de ce que vous produisez
? Les prix agricoles ont baissé de 10 % en moyenne rien que l’année écoulée,
tandis que l’inflation bondissait et les bénéfices des grands groupes agroindustriels
et de la grande distribution également.
Cet échec et ce drame, ce sont ceux d’un modèle productiviste, poussé par la
grande distribution et des gouvernements successifs depuis des décennies,
contre lesquels nous alertons depuis tout ce temps.
Le modèle agricole que nous défendons se bat précisément contre les causes
de ces drames. Mais aussi contre l’autoritarisme qui s’offre comme une
solution, alors qu’en excluant plus qu’en rassemblant, jamais l’extrême
droite n’a été du côté des travailleurs.
Depuis toujours, nous sommes les alliés des paysans. Et contrairement à ce
que racontent la propagande du gouvernement ou les discours autoritaires
qui attisent la haine entre nous pour mieux s’engraisser sur nos vies : nous
continuerons à être vos alliés, parce que c’est une question de survie.
Alors c’est en tant qu’alliés que nous appelons à vous rejoindre dans vos
actions les jours qui viennent pour porter ce message, et pour défendre le
monde paysan.
Nous serons là avec différents points fixes pour discuter avec tous les
agriculteurs qui le veulent, et ensemble rappeler que les véritables
responsables de la crise que vit la profession ne sont ni les consommateurs
ni les écolos – mais bien la lâcheté des gouvernements successifs, la grande
distribution et l’agro-business qui s’engraissent pendant que tant d’entre
vous se tuent à la tâche.
Nous refusons de laisser des industriels possédant des milliers d’hectares, le
gouvernement ou encore les éditorialistes de CNews bien au chaud dans
leurs bureaux parisiens nous traiter comme la cause de la crise que subit le
monde paysan depuis si longtemps.
Nous préférons construire ensemble un modèle qui profite aux agriculteurs,
aux consommateurs et à la vie, comme il aurait toujours dû l’être. Et nous
serons ensemble dans la rue pour en discuter et manifester, car oui, il est
bien possible d’être militant à la fois pour l’environnement et pour
l’agriculture de demain.
Premiers signataires : Alix Brun pour les Youth for Climate, Jean-François
Deleume, porte-parole Alerte des médecins sur les pesticides, Cyril Dion,
réalisateur et écrivain, Simon Duteil et Murielle Guilbert, co-porte-paroles
de l’Union syndicale Solidaires, Khaled Gaiji, président des Amis de la
Terre, Antoine Gatet, président de France Nature Environnement, Hanzo
pour Extinction Rebellion, Axel Lopez pour la coalition Résistance aux
fermes-usines, Gilbert Mitterrand, président de la Fondation Danielle-
Mitterrand, Lotta Nouki, porte-parole des Soulèvements de la Terre, Sandy
Olivar Calvo, chargée de campagne Agriculture et Alimentation chez
Greenpeace France, Alessandro Pignocchi, auteur de bandes dessinées,
Priscille de Poncins, secrétaire de Chrétiens unis pour la Terre, Jérémie
Suissa, délégué général de Notre affaire à tous, Emma Tosini, porte-parole
de Alternatiba, Victor Vauquois, co-coordinateur de Terres de luttes…
leur colère ces derniers jours, mais aussi à toutes celles et ceux qui
hésiteraient encore à les rejoindre. Nous, organisations écologistes,
paysannes et militantes pour un autre modèle agricole depuis des décennies
partageons cette colère, et refusons le discours dominant qui voudrait faire
de nous vos ennemis.
Nous sommes en colère parce que nous savons que la destruction des
conditions de vie des paysan.ne.s comme la destruction des écosystèmes
profitent aux mêmes personnes, et que ce ne sont ni vous ni nous.
Depuis les tout débuts des mouvements écologistes, nous nous sommes
toujours mobilisés avec détermination sur la question du modèle agricole et
des conditions de travail et de vie des agriculteurs. Parce que nous savons
l’importance considérable de l’agriculture sur l’environnement : ainsi la
qualité de la terre, de l’air, de l’eau, de ce que nous mangeons, et bien sûr le
climat, dépendent de ce que nous cultivons et élevons et de la manière dont
nous le faisons.
Nous avons lutté contre les traités de libre-échange, pour la souveraineté
alimentaire et pour que chaque pays – et chaque paysan.ne – puisse vivre de
son agriculture et la faire vivre plutôt que de la soumettre à la concurrence
internationale. Nous avons manifesté main dans la main avec les
agriculteurs contre la grande braderie du monde paysan à la finance, contre
le Tafta (avec les Etats-Unis), le Ceta (avec le Canada), le Mercosur (avec
l’Amérique latine), maintenant les traités de libre-échange avec la Nouvelle-
Zélande, le Chili et le Kenya soutenus par Emmanuel Macron.
Le principe d’une sécurité sociale de
l’alimentation
Nous avons en tant que consommateurs et militant.e.s soutenu l’agriculture
paysanne, créé et promu les Amaps, les circuits courts, l’agriculture bio,
nous avons mis la main à la pâte jusqu’à mettre de l’épargne au service de
nouvelles installations. Nous appelons depuis longtemps à ce qu’il y ait au
moins un million de paysan.ne.s en France, et nous savons l’urgence qu’il y
a à trouver des repreneurs, car dans moins de dix ans maintenant la moitié
des agriculteurs du pays partira à la retraite. Et même si c’est loin d’être
assez, ce sont déjà des milliers de militant.e.s écologistes qui ont entrepris
des reconversions en agriculture pour s’y mettre concrètement.
C’est encore pour cela que nous sommes nombreuses et nombreux à
défendre désormais le principe d’une sécurité sociale de l’alimentation, un
système de solidarité entre consommateurs et producteurs qui permette à
ces derniers de vivre décemment de leur travail et de reprendre la main sur
notre alimentation.
Dans le domaine de l’agriculture comme dans d’autres, nous discernons
bien aussi toute l’ambiguïté des normes. Certaines peuvent bel et bien
protéger la santé des travailleurs, la fertilité des terres, les ressources en
eau… Mais sous des prétextes vertueux, elles sont parfois aussi conçues
pour impliquer des contraintes techniques, pratiques et une aseptisation du
métier telles qu’elles vont dans le sens de la disparition des petites fermes
au profit de ceux qui peuvent s’industrialiser et s’endetter plus encore. Il n’y
a pas lieu de s’attaquer sans discrimination aux normes environnementales
mais de les financer de manière à maintenir les revenus et d’en rendre
l’application compatible avec la pratique paysanne.
Alors nous sommes nombreux à avoir soutenu et proposé sans succès une
autre PAC, qui aide réellement aux reconversions et pour ne pas vous
abandonner face à des normes environnementales imposées sans aucune
contrepartie derrière pour les appliquer concrètement et de manière juste.
Même et surtout quand nous nous battons contre des projets agricoles,
contre des mégabassines, ou des élevages industriels aux proportions
absurdes : nous le faisons systématiquement avec des agriculteurs, et pour
le monde paysan. Parce qu’il est injuste et hypocrite que quelques
agriculteurs s’accaparent l’eau au détriment de ceux qui cherchent à
produire autrement. Parce que les fermes-usines contre lesquelles nous
nous battons détruisent de l’emploi paysan et mettent une pression déloyale
sur les petits éleveurs qui sont contraints de s’aligner ou de mettre la clé
sous la porte. Et tout ça au bénéfice de grands groupes qui les poussent à
des élevages toujours plus grands pour leur racheter leurs produits à des
prix dérisoires – c’est par exemple la stratégie du groupe Duc révélée par
une enquête.
L’échec et le drame d’un modèle
productiviste
Stopper ces projets, c’est défendre un modèle agricole qui protège le vivant
mais surtout qui permet au reste du monde paysan de vivre dignement d’un
travail de qualité.
Car, qui est à l’origine de la chute du nombre de paysan.ne.s à moins de 500
000 en France ? A l’origine des suicides d’agriculteurs chaque jour, des
montagnes de dettes ? A l’origine des obligations de rendements toujours
plus importantes, de la concentration toujours plus forte des terres dans les
mains de quelques-uns, des prix toujours plus bas de ce que vous produisez
? Les prix agricoles ont baissé de 10 % en moyenne rien que l’année écoulée,
tandis que l’inflation bondissait et les bénéfices des grands groupes agroindustriels
et de la grande distribution également.
Cet échec et ce drame, ce sont ceux d’un modèle productiviste, poussé par la
grande distribution et des gouvernements successifs depuis des décennies,
contre lesquels nous alertons depuis tout ce temps.
Le modèle agricole que nous défendons se bat précisément contre les causes
de ces drames. Mais aussi contre l’autoritarisme qui s’offre comme une
solution, alors qu’en excluant plus qu’en rassemblant, jamais l’extrême
droite n’a été du côté des travailleurs.
Depuis toujours, nous sommes les alliés des paysans. Et contrairement à ce
que racontent la propagande du gouvernement ou les discours autoritaires
qui attisent la haine entre nous pour mieux s’engraisser sur nos vies : nous
continuerons à être vos alliés, parce que c’est une question de survie.
Alors c’est en tant qu’alliés que nous appelons à vous rejoindre dans vos
actions les jours qui viennent pour porter ce message, et pour défendre le
monde paysan.
Nous serons là avec différents points fixes pour discuter avec tous les
agriculteurs qui le veulent, et ensemble rappeler que les véritables
responsables de la crise que vit la profession ne sont ni les consommateurs
ni les écolos – mais bien la lâcheté des gouvernements successifs, la grande
distribution et l’agro-business qui s’engraissent pendant que tant d’entre
vous se tuent à la tâche.
Nous refusons de laisser des industriels possédant des milliers d’hectares, le
gouvernement ou encore les éditorialistes de CNews bien au chaud dans
leurs bureaux parisiens nous traiter comme la cause de la crise que subit le
monde paysan depuis si longtemps.
Nous préférons construire ensemble un modèle qui profite aux agriculteurs,
aux consommateurs et à la vie, comme il aurait toujours dû l’être. Et nous
serons ensemble dans la rue pour en discuter et manifester, car oui, il est
bien possible d’être militant à la fois pour l’environnement et pour
l’agriculture de demain.
Premiers signataires : Alix Brun pour les Youth for Climate, Jean-François
Deleume, porte-parole Alerte des médecins sur les pesticides, Cyril Dion,
réalisateur et écrivain, Simon Duteil et Murielle Guilbert, co-porte-paroles
de l’Union syndicale Solidaires, Khaled Gaiji, président des Amis de la
Terre, Antoine Gatet, président de France Nature Environnement, Hanzo
pour Extinction Rebellion, Axel Lopez pour la coalition Résistance aux
fermes-usines, Gilbert Mitterrand, président de la Fondation Danielle-
Mitterrand, Lotta Nouki, porte-parole des Soulèvements de la Terre, Sandy
Olivar Calvo, chargée de campagne Agriculture et Alimentation chez
Greenpeace France, Alessandro Pignocchi, auteur de bandes dessinées,
Priscille de Poncins, secrétaire de Chrétiens unis pour la Terre, Jérémie
Suissa, délégué général de Notre affaire à tous, Emma Tosini, porte-parole
de Alternatiba, Victor Vauquois, co-coordinateur de Terres de luttes…