Aviation civile et taxe sur les carburants
Les automobilistes paient des taxes sur les carburants. La SNCF paie des taxes sur l’électricité. Les compagnies aériennes, elles, bénéficient d’une niche fiscale. Pas de taxe sur le kérosène ni de TVA sur les billets internationaux. C’est pourtant le transport qui pollue le plus !
L’aviation civile jouit d’un statut fiscal très avantageux, puisque le kérosène est le seul carburant issu du pétrole exonéré de taxes.
Une convention de 1944
Cette particularité remonte à l’immédiat après-guerre quand les États-Unis ont voulu donner de l’activité à leurs usines d’avions militaires en favorisant l’aviation civile et les liaisons internationales. La Convention de Chicago adoptée en 1944 prévoit ainsi que le carburant d’un avion ne peut pas être taxé à l’arrivée. De nombreux pays ont alors signé des accords bilatéraux excluant la taxation au départ comme à l’arrivée.
Des billets 12 % moins chers
Les avions sont donc exonérés de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE), ce qui crée une distorsion de concurrence avec les autres modes de transport. Le train, par exemple, paye la Contribution au service public de l’électricité (CSPE). La TVA ne s’applique pas non plus sur les billets d’avion pour les liaisons internationales (taux réduit à 10 % pour les vols intérieurs). C’est ainsi que pour certaines liaisons l’avion est moins cher que le train ! L’exonération de TICPE réduit à elle seule le prix des billets de 12 %.
40 fois plus polluant que le TGV
Le transport aérien est pourtant davantage polluant.1 L’empreinte carbone d’un vol en avion est de 145 grammes de CO2 par passager contre 100 grammes environ pour le transport en voiture. C’est 40 fois plus que le transport par TGV. Paradoxalement, la pollution des vols internationaux n’est pas imputée aux États dans les accords internationaux sur le climat comme le protocole de Kyoto. L’aviation est réputée contribuer à 3 % des émissions globales des gaz à effet de serre, mais le GIEC (Groupe Intergouvernemental pour l’Étude du Climat) estime qu’en réalité sa part est deux à quatre fois plus importante.
Quotas de CO2
La Commission européenne a cependant impliqué depuis 2012 l’aviation dans son système d’échange de quotas d’émission des gaz à effet de serre. Ce système ne taxe cependant que les vols intra-européens et accorde 80 % de quotas gratuits aux compagnies aériennes. Certains pays appliquent une taxe au kérosène, sur leurs vols intérieurs, comme les États-Unis, le Japon, le Brésil et la Suisse, mais la crainte d’être moins concurrentiel à l’international neutralise les tentatives des états de taxer le kérosène des liaisons internationales.
3 milliards d’euros en jeu pour la France
La taxation des vols intérieurs en France permettrait pourtant de recueillir quelque 500 millions d’euros. Le manque à gagner se monte à 3 milliards d’euros si l’on prend en compte tous les vols au départ et à l’arrivée sur le territoire français. Dit autrement, chaque foyer fiscal donne 80 € pour le transport aérien. Une niche fiscale qui profite avant tout aux 20 % les plus aisés puisque les trois quarts des places dans les avions sont utilisées par les 20 % les plus riches. 2
Une manne qui pourrait servir au ferroviaire
Le secteur de l’aviation projette un doublement de son trafic d’ici 2040 avec 1200 chantiers aéroportuaires prévus dans le monde. Les émissions de GES de l’aviation seraient déjà responsables de 3 à 5% du réchauffement climatique et pour l’Agence Européenne de l’Environnement (EEA), elles « représenteront 22% des émissions globales en 2050 si aucune action n’est entreprise. » Face aux critiques, l’aviation déploie un « Greenwashing » basé sur un schéma de compensation carbone, incluant agro-carburants et rêves de progrès techniques. La Convention de Chicago n’interdit pas la taxation des vols intérieurs qui représentent 20 % du trafic en France. Elle permettrait d’orienter les utilisateurs vers des moyens de transport plus écologique. On pourrait alors utiliser les ressources générées pour enrichir l’offre ferroviaire, les longues distances comme celles desservies par les trains Intercités que les gouvernements successifs ont eu tendance à réduire.
Le maintien de l’exonération du kérosène est incompatible avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre auxquels s’est engagée la France lors de l’Accord de Paris. Limiter l’augmentation de la température à 2°C n’est pas atteignable sans agir sur le transport aérien !