Communiqué : LYON TURIN : la sortie du tunnel par le haut, c’est le respect de la Convention Alpine.
Communiqué du 20 décembre 2016 - CIPRA France, Environn’Mont-Blanc, FRAPNA Savoie, FRAPNA Union, Les Amis de la Terre Isère-Savoie-Haute Savoie, Association pour le Respect du Site du Mont Blanc (ARSMB), Challes terres citoyennes, Mountain Wilderness, Vivre et Agir en Maurienne (VAM)- Les Amis de la Confédération Paysanne
LYON TURIN : la sortie du tunnel par le haut, c’est le respect de la Convention Alpine.
Ce 22 décembre, le Gouvernement demande aux Députés de ratifier sans débat l’accord franco italien du 24 février 2015, autorisant le démarrage des travaux de la section transfrontière de la nouvelle ligne Lyon Turin, après plus de 30 ans de procédures et d’accords internationaux successifs avec leurs cortèges d’avenants, protocoles, annexes parmi lesquels même les juristes avertis s’égarent.
Nous alertons les parlementaires, avec la plus grande vigueur, sur les faits suivants.
– Contrairement à ce qu’évoque Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères dans le texte de présentation de la loi mise au vote ce 22 décembre, ce projet de nouvelle ligne Lyon Turin est contraire à la CONVENTION ALPINE et notamment son Protocole Transport ratifié par la France le 11 juillet 2005 (et, pour rappel, par l’Union Européenne en 2013… suite à une 1ère signature par M. Jacques Barrot, alors Commissaire Européen aux Transports en 2006).
– En effet, le projet de nouvelle liaison contrevient à tous les alinéas de l’article 3 du Protocole Transport fixant les objectifs et engagements que s’obligent les pays alpins…. parce qu’il existe une autre solution mieux appropriée et plus efficace ! En effet, il peut être discuté le fait que le projet de nouvelle ligne soit une amélioration au regard du transport routier actuel (ce que ne manquent pas de souligner les promoteurs de la nouvelle ligne). Mais en aucun cas, ce projet pour lequel plus de 26 milliards seront engagés (tunnel et accès), répond mieux aux exigences du Protocole Transport que l’optimisation et l’utilisation immédiate de la ligne existante de transport ferré, passant par le tunnel ferré actuel du Mont Cenis… Ligne utilisée, ce jour, à moins de 20 % de sa capacité.
– La consommation de plus de 1500 ha de terres agricoles et d’espaces naturels , la perturbation majeure des réseaux hydrologiques de montagne (on rappelle que toutes les sources du village du Bourget ont été taries, du seul fait des reconnaissances préalables… ), les dépôts de déblais dont certains toxiques, la destruction d’espèces protégées… figurent parmi les conséquences environnementales irréversibles. L’Autorité Environnementale est très critique sur les moyens mis en œuvre pour limiter ces conséquences et sur les justifications du projet.
– Les avis du Conseil Général des Ponts et Chaussées (1998 puis 2003), du rapport Brossier-FNAUT (1999), de la Cour des Comptes (2012 puis 2014), le rapport Duron (2013), de la SNCF elle-même, etc…. sont défavorables au projet.
– Le financement de la part française du projet n’est pas défini : le Gouvernement qui ne sait pas encore comment financer cette part de 10 milliards…….demande donc un chèque en blanc aux Députés. Sans Débat Public sur le projet de surcroit……. Qui peut l’accepter sans devenir comptable?
– La rentabilité du projet n’est pas acquise. Comment ne pas s’interroger sur l’équilibre de sa gestion après le dépôt de bilan de l’entreprise en charge d’une ligne équivalente traversant les Pyrénées (Perpignan-Figueras), pourtant moins couteuse et bénéficiant d’un environnement plus favorable, 5 ans seulement après sa mise en service ?…
– Par ailleurs, la pollution des vallées alpines a des explications simples et les responsabilités sont évidentes. L’une d’elles tient à cette simple vérité : Depuis 15 ans, les vallées et les populations alpines auraient pu bénéficier d’un réel report modal de la route sur le train (ferroutage) si le projet du Lyon Turin n’était pas venu, sans cesse, décourager tous les investissements et optimisation des équipements existants ! L’Etat s’est appliqué, avec une attention remarquée, et malgré nos incessantes interpellations, à réduire le ferroutage à la portion congrue : aujourd’hui, l’« autoroute ferroviaire alpine » totalise 4 allers retours par jour entre Aiton et Orbassano….. alors que l’objectif initial était fixé par les Etats entre 20 à 30 trains par jour et par sens (accord franco italien du 29.01.2001)….et que nous pouvons même faire mieux sur la ligne existante !
Nous disposons d’écrits des promoteurs du Lyon Turin incitant les pouvoirs publics à ne pas relancer l’Autoroute Ferroviaire Alpine au risque que cela puisse démontrer l’inutilité du Lyon Turin sur le court terme.
Rien, sinon l’aveuglement technocratique, empêchent l’utilisation renforcée de la ligne existante. Il est possible de faire démarrer l’Autoroute Ferroviaire dés Ambérieu ou même Dijon en quelques mois : la ligne existante a été mise au gabarit GB1 (la norme permettant le chargement de plus de 80 % des camions !) depuis 2010. Qu’est-ce qu’on attend ? Pendant tout ce temps, nous comptons les décès prématurés liés à la pollution dramatique de l’air…
– Enfin, la nouvelle ligne du Lyon Turin, si elle devait se réaliser, ne réduira pas la fréquentation des camions dans les Alpes … avant au moins 20 ans, date optimiste d’achèvement des travaux ! Or, il est impossible d’attendre encore 20 ans sans devenir complice de la mise en danger de la vie d’autrui.
Mesdames Messieurs les Députés, votre responsabilité, au travers de votre vote ce 22 décembre, est engagée.
Enfin, point aggravant malgré son évidence : disposer d’une ligne nouvelle n’induira aucune obligation des camions à utiliser le ferroutage. Plus qu’une nouvelle ligne ferroviaire à 26 milliards, l’urgence du Gouvernement et des Parlementaires est d’imposer des cadres réglementaires et fiscaux qui, aujourd’hui font défaut à une réelle politique de transfert modal. L’inversion des priorités ne fait qu’affaiblir plus encore le projet !
Mesdames et Messieurs les Députés, nous nous interrogeons gravement sur l’ensemble de manipulations et d’omissions autour de ce projet qui, toujours, est poussé pour passer en force… Pourquoi faire compliqué et hors de prix lorsqu’on peut faire simple, immédiatement et pas cher? Pourquoi une telle désinformation des parlementaires au plus niveau de l’Etat ?
Ce projet de 26 milliards est il une priorité au moment où le pays a des besoins majeurs pour rénover son infrastructure ferroviaire de base, au moment où la grande vitesse et la stratégie ferroviaire des 20 dernières années sont remises en cause? Ne vaut il pas mieux reporter ce projet, se donner le temps de mieux l’évaluer et d’étudier les solutions alternatives, de trouver les bons compromis, au bénéfice de tous….. ?
Il suffit d’engager, immédiatement, avec nos amis italiens et espagnols, le transfert modal en améliorant les capacités de l’Autoroute Ferroviaire, en créant une Autoroute de la mer en Méditerranée (pour réduire la pression à Vintimille), en réduisant le volume des marchandises transportées et en relocalisant les économies…
Autant d’objectifs contenus dans la Convention Alpine qu’il suffit de mettre en œuvre au lieu de prolonger la fuite en avant.