Epandages aériens de pesticides
« Les Landes, terre de mission pour l’écologie », cette expression empruntée à Marie-Claire Dupouy, fondatrice des Amis de la Terre Landes, résume parfaitement la situation de notre département dominé par les grandes coopératives agro-industrielles qui structurent toute la filière agricole.
Sylviculture et monoculture du maïs qui est aux mains de la coopérative Maïsadour créée en 1973 constituent les deux piliers de l’économie landaise. Il ne faut pas oublier non plus la présence de la 1re coopérative européenne, Euralis, basée dans les Pyrénées-Atlantiques, dont le poids se fait sentir sur nombre d’exploitations landaises. Aujourd’hui, les Landes sont le premier département producteur de maïs doux en France avec près de 55 % de la production nationale. Afin de résister à la concurrence asiatique, un pôle agro-industriel s’est créé voici deux ans, se hissant au 1er rang européen en unissant les trois coopératives Maïsadour, Euralis et Vivadour à Bonduelle pour fonder Soléal. Cette dernière sort 300 millions de boîtes de conserves par an (maïs, haricots verts, asperges) et travaille avec 700 producteurs landais. Leur main-mise et, en arrière-plan, le poids des grands semenciers, expliquent l’importance de l’Association du Groupement des Producteurs de Maïs, AGPM, qui, avec Euralis, a été à l’origine des demandes de dérogations pour des épandages aériens de pesticides déposées auprès de la Préfecture durant l’été 2012 afin de lutter contre le risque de chrysale du maïs (une chenille foreuse de l’épi).
Depuis 2009 une Directive Européenne puis la loi Grenelle 2 ont interdit les épandages aériens de pesticides, trop dangereux car difficiles à contrôler ; mais un arrêté du 31 mai 2011, puis une circulaire du 5 mars 2012, obtenus sous la pression des lobbies de l’agrochimie, ont autorisé les préfets à accorder des dérogations. Dérogations que le préfet des Landes a largement données en juillet-août 2012, suivant en cela l’avis favorable du Conseil général.
Fin avril 2012, les Amis de la Terre avaient été alertés par une adhérente, Laurence Motoman, qui avait eu connaissance, par des apiculteurs inquiets, des demandes de dérogations pour les cultures de maïs doux. D’abord restreintes à trois communes et 8000 ha, les autorisations d’épandages ont été accordées, le 13 août, à 42 autres communes, dont 16 des 17 communes du Parc Naturel Régional des Landes de Gascogne, soit 11000 ha.
Durant juillet, le quotidien régional Sud-Ouest est resté sourd aux communiqués communs Amis de la Terre-Sepanso. Le 10 juillet, le Collectif landais contre les épandages aériens de pesticides, coordonné par les Amis de la Terre 40, s’est donc constitué avec ces deux associations, plus Attac Landes Côte Sud, le Civam Bio 40 et Indecosa CGT 40. L’ensemble des conseillers généraux, interpellé par courrier, n’a jamais répondu. Nous ont manifesté leur soutien quelques maires, une députée et une sénatrice récemment élues et un seul parti politique, EELV. L’absence de réel soutien politique et de relais presse, nous a donc amenés à lancer une pétition sur Internet en direction de tous nos réseaux ainsi qu’une version papier, qui a été signée sur plusieurs marchés du département. La population et les touristes ont réservé un accueil sans réserves à notre action. Fin juillet enfin, la presse a commencé à relayer notre action. A la mi-août, quatre autres associations nous ont rejoints : Confédération paysanne, Slow Food, Terre Active et France-Libertés. Cette publicité donnée à une pratique interdite, que la plupart pensait disparue, a certainement fait reculer l’AGPM et Euralis car, finalement, seuls cinq épandages ont été demandés. A cette occasion, sous la pression du lobby AGPM, la Préfecture s’est livrée à un petit jeu de cache-cache avec les documents de demandes de dérogations qui l’a conduite à plusieurs violations de la Convention d’Aarhus (celle-ci fait obligation aux autorités de donner sur le site préfectoral toutes les informations relatives à l’environnement au public).
La pétition d’environ 5500 signatures a été remise par une délégation du Collectif au Secrétaire général de la Préfecture au cours d’un entretien approfondi le 11 septembre 2012. Puis nous avons déposé un dossier détaillé entre les mains d’un conseiller technique du Ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, venu en visite à Dax le samedi 22 septembre. Mais nous continuons la veille. Pour le moment, (juillet 2013), aucune demande de dérogation n’a été déposée auprès du CODERST. La météo y est sans doute pour quelque chose, le maïs n’ayant pu être semé que tardivement en raison du froid et surtout de pluies abondantes. Mais nous pensons aussi que notre action a joué un rôle dans le recul des grands maïsiculteurs.