Lettre à Mme Borne sur les transports dans les Alpes
Nous adressons cette lettre car il est grand temps de prendre les mesures pour améliorer la qualité de l’air et lutter contre le réchauffement climatique. Dans les Alpes, il est indispensable de réduire dès maintenant le trafic routier de marchandises et améliorer la qualité des dessertes ferroviaires du quotidien pour les voyageurs.
Chambéry, le 29 mai 2022
A Mme Élisabeth Borne, Première Ministre
Madame la Première Ministre,
Nous vous adressons la présente lettre car vous connaissez parfaitement la situation dans notre Région alpine pour avoir été Directrice de cabinet de Madame Royal, puis Ministre chargée des Transports, puis Ministre de la Transition Écologique, outre le fait que vous avez eu à présider la RATP. Votre expérience dans l’entreprise Eiffage en tant que directrice des concessions vous a également permis de connaître de « l’intérieur » les questions des grands projets.
Il est grand temps de prendre les mesures pour améliorer la qualité de l’air et lutter contre le réchauffement climatique. Ces mesures passent par une lutte acharnée contre l’artificialisation des terres notamment agricoles que la crise actuelle sur le marché des céréales ne fait que confirmer.
Dans les Alpes, il est indispensable de réduire dès maintenant le trafic routier de marchandises et améliorer la qualité des dessertes ferroviaires du quotidien pour les voyageurs.
Pourtant depuis 2012, ce sont plus de 200 millions d’euros qui ont été versés par l’Etat (FDPITMA) sous forme de subventions pour financer une nouvelle voie de circulation routière au tunnel du Fréjus, présentée initialement comme une galerie de sécurité exclusivement réservée aux véhicules incendie ou d’évacuation.
Comme Ministre chargée des Transports puis de la Transition Écologique, vous avez couvert cette situation en affirmant que l’État jouait son rôle d’actionnaire. Vous le savez, dans les faits, l’État a utilisé les bénéfices de la pollution routière de la vallée de l’Arve pour financer une nouvelle infrastructure routière au tunnel du Fréjus et par conséquent la pollution de la vallée de la Maurienne.
L’argent nécessaire au réseau ferré régional et notamment les doublements des voies ferrées entre Aix-les-Bains et Annecy ou encore Chambéry et Saint André le Gaz qui permettraient de réduire de façon massive le trafic routier des voitures est utilisé pour un projet Lyon-Turin inutile dont il est démontré qu’il ne repose que sur des prévisions
fantaisistes et qu’il contribue à polluer la vallée de la Maurienne en émettant plus de gaz à effet de serre qu’il n’en fera économiser à terme.
En 2018, le Conseil d’Orientation des Infrastructures vous a remis un rapport unanime concluant à l’absence d’intérêt socio-économique de ce projet et à la nécessité d’utiliser la voie ferrée existante entre la France et l’Italie au prix de quelques centaines de millions pour financer les équipements, une plateforme de chargement et des services inter-modaux pour les marchandises.
Vous avez été destinataire en février 2019 d’un courrier commun des Amis de la Terre et de la FNTR vous demandant la mise en service rapide de navettes ferroviaires entre la France et l’Italie avec un engagement des transporteurs routiers de supporter cette
initiative.
La prise en compte de ces propositions aurait permis d’anticiper les conséquences de la fermeture du tunnel du Mont-Blanc pour travaux et d’éviter le transfert des camions vers la vallée de la Maurienne avec les détériorations environnementales et de santé publique qui en résultent. Il est urgent de mettre en place ces services de report modal
et nous vous demandons de vous y engager.
Nous vous confirmons que nous restons opposés au projet Lyon-Turin comme l’ont été depuis l’origine toutes les administrations centrales qui ont conclu au rejet de ce projet.
L’urgence n’est pas de lancer des travaux pour une deuxième ligne ferroviaire Lyon-Turin. La ligne existe déjà ! Il faut utiliser immédiatement les infrastructures existantes pour reporter les marchandises de la route vers le rail pour revenir à une utilisation telle qu’elle a existée jusqu’en 2000 et qui est conforme à votre décision du 18 avril 2019 et aux conclusions du COI. L’urgence est de mobiliser les moyens de tractions et de lancer un plan de formation de conducteurs fret pour répondre à la demande des transporteurs routiers.
L’urgence pour les habitants de la région c’est de doubler les voies uniques pour tripler le nombre de trains permettant ainsi de voyager avec une régularité accrue et une fréquence supérieure.
Nous constatons que la condamnation de l’État à une astreinte de 10 millions d’euros pour son inaction en matière d’amélioration de la qualité de l’air n’a pas eu d’effet sur
la politique environnementale du précédent gouvernement. Dans les Alpes, la situation est pire puisque les bénéfices tirés des sur-péages routiers aux tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus sont utilisés pour renforcer le mode des tunnels routiers. Or, la France s’est engagée auprès de l’Europe à utiliser ces bénéfices pour le transfert des marchandises de la route vers le rail. Depuis 20 ans tous les gouvernements qui se sont succédés n’ont eu de cesse de déclarer leur attachement au transport ferroviaire des marchandises mais dans les faits nous assistons à un déclin permanent du fret ferroviaire.
Il est de votre responsabilité d’impulser une politique de rupture avec les pratiques passées et de rupture avec la trajectoire climatique actuelle.
La ligne ferroviaire existante entre la France et l’Italie est utilisée à moins de 20 % de ses capacités. Elle permet à très court terme de diminuer la pollution des vallées alpines et de réduire les émissions de gaz à effet de serre en transférant sur une plateforme à Ambronay dans l’Ain les marchandises d’au moins 700.000 poids lourds par an.
Les choix de dévaster les terres agricoles, alors que la France n’est plus autosuffisante pour son alimentation, de doubler par un deuxième tube de circulation le tunnel routier du Fréjus, de mettre en péril les nappes phréatiques, les captages d’eau potable en construisant un projet Lyon-Turin à plusieurs dizaines de milliards d’euros sur la base de prévisions fausses sont irresponsables. Vous avez la possibilité d’orienter les financements vers les besoins des habitants de la Région, pour une amélioration de la qualité de l’air dans les plus brefs délais. Tout cela, en réduisant considérablement la dépense publique.
Les bénéfices tirés des péages routiers dans les deux tunnels alpins doivent être utilisés pour l’inter-modalité, les milliards nécessaires au Lyon-Turin sont bien supérieurs aux besoins financiers pour les doublements des voies ferrées, l’achat de matériels roulants, le financement des services de report modal, la circulation régulière de trains du quotidien, ou encore la formation des conducteurs de fret.
Nous vous demandons d’agir immédiatement en ouvrant le chantier du report modal avec les organisations professionnelles de transporteurs routiers, en annulant la décision de Frédéric Cuvillier d’ouverture à la circulation de la galerie de sécurité du tunnel du Fréjus en violation non seulement de la Déclaration d’utilité publique, mais également du jugement du Tribunal administratif de Grenoble.
Vous respecterez ainsi le travail des hauts fonctionnaires, des associations environnementales mais surtout vous gagnerez le respect des générations futures car vous agirez dans le sens des recommandations du GIEC.
Nous vous prions, Madame la Première Ministre, d’agréer nos sincères salutations.
Marc Peyronnard – FNE Savoie
Alain Boulogne – CIPRA
Annie Collombet et Philippe Delhomme – Vivre et Agir en Maurienne
Vincent Neyrinck – Mountain Wilderness
Alain Nahmias – Association pour le respect du Site du Mont Blanc
Jean Marie Hubert – Les Amis de la Terre Haute Savoie
Christophe Lebrun – Les Amis de la Terre Savoie
Aurélie Bermond – Association pour la Sauvegarde du Site du Moulin (73)
Charles Antoine Bouttaz – Collectif Contre le Lyon Turin Les Marches (73)
Patrick Bourdais – Collectif Contre le Lyon Turin Chapareillan (38)
Pascal Badin – Collectif d’Aiton (73)