Lutte locale : 51 artistes face à l’autoroute 51
Le projet d’autoroute A51 conçu dans les années 1970 est un véritable serpent de mer. Il a buté dès le début sur des questions de tracés, de faisabilité, de coûts et d’opportunité. Puis il a été l’objet d’innombrables rapports et études. Et refait surface aujourd’hui.
Inscrit au Schéma directeur national des infrastructures de transports (SNIT) en 1988, le projet d’autoroute A51 a été l’objet de nombreuses controverses et d’enjeux politiques mais aussi de décisions contradictoires entre des options politiques et celles des services de l’Etat. Finalement il a été supprimé du SNIT après le Grenelle de l’environnement en 2007.
Malheureusement, il apparaît que dans l’esprit de certains élus et responsables économiques, les arguments d’utilité sociale, d’utilisation raisonnée des finances publiques, de ménagement de l’environnement n’ont pas encore fait leur chemin : les velléités de relance du projet se sont fait jour à nouveau. C’est ainsi qu’André Vallini, ancien président du Conseil général de l’Isère (et candidat à sa succession) a, depuis 18 mois, relancé publiquement le projet et effectué auprès du ministre des Transports des démarches qui ont abouti à la réinscription au SNIT de la poursuite du projet d’autoroute A51 entre le Col du Fau et Gap. La mobilisation reprend forme, notamment par le biais de l’action « 51 Artistes face à l’autoroute A51 ».
A chaque région son grand projet inutile
En Rhône Alpes, la dose a été quadruplée. Au passé, il y eut Superphénix à Malville, en cours de démontage au long cours. Ouf ! Ce n’est plus qu’un dangereux vestige à élire au patrimoine de l’inhumanité. Au présent et au futur compliqué, il y a la ligne Lyon/Turin, dossier très coûteux, à l’issue encore incertaine (voir page 15). En plus modeste, mais teigneux comme un grand, et très symbolique, le projet Pierre et Vacances de Center Parcs dans la forêt des Chambarans, d’une actualité brûlante, car les ressources en eau sont concernées. Et enfin, pour faire bonne mesure, un revenez- y du siècle passé, l’autoroute A51 Grenoble/Gap/Sisteron qu’on croyait enterrée ; c’était sans compter la mégalomanie récidivante de certains « grands élus » qui voient là un marchepied commode pour élargir leur assise de pouvoir. Que faire ? Reprendre les dossiers et les moyens d’il y a vingt ans, contre un éventuel redémarrage du chantier à l’entrée du Trièves ? Arguments techniques et économiques contre arguments économiques et techniques ? La procédure de débat public (2004) est allée jusqu’au bout de ce scénario, se situant sur le plan de la rationalité. Or les défenseurs du projet, aujourd’hui, sont pour la plupart dans le champ de la pensée magique et de l’irrationnel (ex : « l’autoroute est l’outil indispensable du désenclavement et du développement »).
Donc ne vaut-il pas mieux faire un pas de côté et se placer dans un autre registre, celui des valeurs nouvelles émergeant ici et là et venant sur le devant de la scène : lenteur/tranquillité/harmonie/beauté ? Tout ce qui nous est offert dans ces pays du Trièves, du Champsaur et de la vallée du Buëch, jusqu’ici largement préservés de l’action des aménageurs. Tout ce qui peut nourrir nos imaginaires et dont nous avons besoin pour faire mieux que survivre. Alors ?
La beauté d’utilité publique
Alors, ce fut un appel aux artistes, car Brassens et Ferrat l’ont dit : « Les artistes ne peuvent pas changer le monde, mais ils peuvent donner la conscience à chacun de la nécessité de le changer ». Un appel pour leur demander de s’exprimer à partir de ces lieux menacés, selon leur inspiration et leur mode de création. Puis de confier leurs oeuvres au petit collectif organisateur d’une exposition à Grenoble d’abord (du 11 au 21 mars 2015 – salle de l’Ancien Musée de Peinture de Grenoble), puis en itinérance de bourgs en villages jusque fin octobre 2015, jusqu’à Gap et Sisteron.
Des soutiens ? Il en faut, même s’il ne s’agit que de changer les regards sur un monde à préserver. Cette entreprise bénéficie des parrainages de Gilles Clément, le « jardinier planétaire », et d’Alain Hervé, l’écrivain voyageur- journaliste, auteur de L’Homme sauvage et de Merci la Terre, créateur de la revue mythique « Le Sauvage », importateur en France des Amis de la Terre (nous espérons bien le faire venir à Grenoble pour l’inauguration de l’exposition et pour une rencontre avec le groupe des Amis de la Terre de l’Isère).
L’initiative bénéficie depuis l’origine d’un partenariat avec Mountain Wilderness ; et enfin du soutien de la nouvelle municipalité de Grenoble, ce qui n’est pas tout à fait une surprise.
Les Amis de la Terre de l’Isère forment un voeu : que cette initiative rencontre l’adhésion des Amis de la Terre partout en France, pour qu’elle soit reprise sous cette forme ou sous une autre. Il ne s’agit de rien moins que de proclamer la beauté d’utilité publique.
> POUR LE COLLECTIF, JEAN JONOT
Les Amis de la Terre Isère
Ami de la Terre depuis 1977
P.S. : en préambule de l’exposition, trois panneaux présenteront les données factuelles d’ordre technique et économique concernant le projet d’autoroute et les alternatives proposées par les opposants. Les gentils organisateurs n’ont pas perdu leur mémoire d’anciens combattants contre le chantier de l’autoroute il y a vingt ans.