Municipales 2014 à Paris : la pollution de l’air en question
Les Amis de la Terre Paris ont interpellé les candidats à la Mairie de Paris sur leur politique de mobilité et de lutte contre la pollution de l’air. Trois réponses nous ont été adressées: d’une part par Mme Nathalie Kosciusko Morizet (NKM), tête de liste de l’UMP, d’autre part par Mme Anne Hidalgo (AH), tête de liste du parti socialiste et enfin celle de Mr Christophe Najdovski (CN) tête de liste d’EELV. Nous concluons que les propositions des deux candidates manquent d’audace pour arriver à gommer les épisodes de pollution qui se succèdent trop fréquemment seule celle du candidat écologiste esquisse une volonté plus affirmée qui ne se traduit pas dans les mesures proposées.
Pour mémoire, le questionnaire comportait 6 questions plus ou moins ouvertes, destinées à évaluer leur implication dans la lutte contre la pollution, accompagné d’une lettre attirant l’attention sur la mauvaise qualité de l’air stagnant à un niveau inacceptable pour la santé publique.
La guerre des bilans
Les deux candidats, en introduction de leurs lettres, dressent tout d’abord un bilan des actions de la précédente mandature : AH met en avant le bilan, selon elle très positif, des actions conduites par la municipalité socialiste depuis 2001 ; NKM critique vigoureusement cette autosatisfaction, et rend responsable de la pollution la municipalité socialiste, coupable selon elle d’avoir organisé une asphyxie de la capitale par ses mesures anti-voiture.
Les mesures citées par AH sont réelles, la municipalité a en effet, mis en place des actions visibles dans ces domaines depuis 2001. Force est de constater qu’elles n’ont pas été suffisantes pour obtenir des résultats concrets sur la qualité de l’air.
Les chiffres sur la baisse des émissions cités sont intéressants, mais les sources méritent d’être citées pour être analysés. la baisse du trafic automobile de 25% pourrait provenir d’une étude de l’IAURIF qui annonce -23,4% de la circulation automobile dans Paris Intra-muros. Une étude par un organisme indépendant sans lien avec les pouvoirs publics aurait été préférable.
L’accusation du gouvernement sur le diesel et le ferroviaire sert d’excuse à Anne Hidalgo pour limiter la responsabilité de la municipalité socialiste sur les résultats concernant la qualité de l’air.
Les accusations de NKM concernant « l’embolie » liée à la suppression de places de parking, la création des voies de bus et de vélo, sont dénuées de fondement.
En revanche, il est vraisemblable que les mesures concernant les véhicules antérieurs à 1997 et la baisse de 10% de la vitesse sur le périphérique seraient sans effets notables
Faire porter la responsabilité de l’échec des ZAPA à la municipalité, n’est certainement pas le reflet de cet épisode qui a tourné court
Les Amis de la terre considèrent en effet que la réduction de la pollution passe nécessairement par une réduction de la place accordée à la voiture dans l’espace public, et que les mesures citées vont dans le bon sens, même si elles ne sont pas suffisantes.
Ces polémiques ne font progresser ni le débat ni la lutte contre la pollution de l’air.
Enfin, CN se tiens à l’écart de ces polémiques mais souligne son souhait de voir mis en place les mesures de circulation alternée, de contournement de l’agglomération par les poids lourds et de gratuité des transports en commun, conformément aux dispositions légales, pour faire face aux pics de pollution répétés.
Analyse des réponses au questionnaire
1. Pensez-vous que la réduction de la pollution de l’air soit un sujet prioritaire de votre prochaine mandature ? A quel niveau le classeriez-vous parmi les autres priorités ?
Réponses apportées :
NKM répond que « la dégradation de la qualité de l’air dans notre capitale, véritable enjeu de sécurité publique, est au coeur de mes préoccupations ».
AH répond que « La qualité de l’air, et plus largement la qualité environnementale de la capitale, ne sont pas seulement une grande priorité au coeur de mon programme ; elles sont des exigences déclinées dans chacune de mes propositions, qu’elles soient relatives au logement, au traitement des déchets ou aux modes de circulation »
CN répond : « La pollution de l’air est une des six priorités de ma campagne…. »
Aucune des deux candidates ne répond donc précisément aux questions posées qui visaient à tenter de leur faire définir des priorités, elles se contentent d’affirmer l’importance du sujet de façon assez vague.
2. L’indice ATMO, calculé par AIRPARIF, exprime dans un langage simple la qualité moyenne de l’air ambiant à Paris. En 2013, cette qualité a été « mauvaise » pendant 25 jours, « médiocre » pendant 48 jours et « moyenne » pendant 64 jours.
Quel est, selon vous, le niveau acceptable ?
CN répond : « Le niveau acceptable est le niveau bon. »
Le seul candidat à répondre le plus clairement à cette question.
3. Envisagez-vous de vous engager sur des objectifs chiffrés de résultat sur la qualité de l’air auprès des parisiens, pour la fin de votre mandature, si oui lesquels ?
NKM ne répond pas à ces deux questions.
AH apporte une réponse à ces deux questions, en affirmant que l’objectif est « bon ou très bon 365 jours par an », tout en précisant que ce résultat ne peut être en un seul mandat. C’est un moyen certes de prendre en compte les questions, mais aussi de ne pas y répondre…
CN répond : « Oui, je souhaite parvenir à 0 jours ou la qualité de l’air est « mauvaise » et réduire à 36 jours au maximum le nombre de jours ou elle est moyenne, soit 10% de l’année au maximum. »
Aucune candidate ne semble donc prête à s’engager sur des objectifs chiffrés sur la qualité de l’air, les deux se contentent d’énumérer des moyens. Peut-être ne sont-elles pas convaincues de l’efficacité réelle de ces moyens pour réduire de façon mesurable la pollution de l’air…
Seul a exprimer une ambition aussi précise, nous déplorons tout de même, de la part du candidat écologiste, cette précaution oratoire qui consiste à formuler un souhait.
4. Quelles sont les mesures et les moyens nouveaux que vous prévoyez pour atteindre cet objectif ?
Les propositions sont analysées dans la dernière partie de ce document
5. Quelles sont celles que vous défendrez auprès des autres décideurs si elles ne sont pas de la seule prérogative de la mairie de Paris?
AH répond parfois à cette question en citant les organismes avec lesquels il faudra composer pour mettre en oeuvre certaines des mesures qu’elle propose.
Par contre CN répond par des mesures : circulation alternée et création de zones vertes avec interdiction de circulation. Pourquoi le Maire de Paris ne pourrait il pas avoir l’initiative d’aménagement des certaines zones interdites à la circulation ?
6. Quels moyens d’évaluation de leur efficacité sur la qualité de l’air comptez-vous mettre en place ?
AH tente de répondre à cette question en rappelant que l’efficacité de ses mesures devra être évaluée périodiquement par les mesures d’AIRPARIF.
Nous prenons acte qu’il s’agit là de prendre comme référence les valeurs des stations de mesures.
CN souhaite augmenter les moyens accordés aux mesures et prévention de la pollution et mettre en place des mesures spécifiques avec les réseaux médicaux.
Il sera nécessaire à CN de clarifier ces propositions qui restent trop générales et énigmatiques.
Analyse des propositions d’action des candidats
Propositions NKM et commentaires :
– Interdire Paris aux poids lourds et aux cars de tourisme polluants.
C’est une mesure qui mélange deux choses très différentes, exprimées de façon vague, et inapplicable.
Seuls les poids-lourds et cars « polluants » sont visés, ou sont-ils tous considérés comme polluants ? NKM affirme en introduction que « aucune mesure n’a été prise contre les cars de tourisme alors que 2000 d’entre eux circulent dans Paris en haute saison » Une proposition tout de même à la marge du trafic global de l’agglomération.
Faire de Paris la ville électrique en doublant le bonus écologique pour les TPE et les artisans.
Cela signifie à priori que la municipalité versera une somme doublant l’aide à l’achat d’un véhicule électrique (5.000 € actuellement). Cette mesure concrète méritera quelques précisions pour sa mise en œuvre et son financement. Le véhicule électrique doit par ailleurs rester limité dans son application, sinon ceci posera des problèmes de production et de concurrence des usages et de ressources naturelles.
Eradiquer le diesel de la flotte municipale.
Certes c’est un sujet à ne pas négliger. Mais ça restera une mesure d’exemplarité aux effets directs limités sur la qualité de l’air.
Lancer un plan d’urgence sur la qualité de l’air intérieur, particulièrement dans le métro et les établissements accueillant des publics vulnérables.
La qualité de l’air intérieur a en effet fait débat ces dernières années, notamment dans le métro. Ce « plan d’urgence » mérite quelques précisions pour dépasser l’effet d’annonce.
Donner une information enfin honnête sur le niveau de pollution à Paris_ C’est une accusation surprenante. Car l’information brute sur le niveau de pollution publiée par Airparif est précise et rigoureuse, c’est bien la seul chose qui soit appréciable actuellement.
S’agirait-il des niveaux de pollution de l’air intérieur ?
Démultiplier la pratique de vélo à Paris
Formule vague et imprécise, surtout en comparaison actions précises et concrètes engagées par la municipalité actuelle…
_ Multiplier par quatre les zones piétonnes
les zones vraiment piétonnes sont assez rares à Paris (rue Mouffetard…) il y a surtout des zones semi-piétonnes (zones 30 avec accès limité aux voitures). De quoi parle-t-on exactement ? Il faudrait des chiffres linéaires et savoir quel est l’objectif précis. Mesure qui a l’air précise mais qui est en fait assez vague.
Créer un million de m2 d’espaces verts supplémentaires.
Cela représente 100 ha, 1km2, soit près de deux fois le cimetière du Père Lachaise. Comment libérer le foncier correspondant ?
Développer tout azimut les nouveaux modes de déplacement : co-voiturage, voitures partagées.
Il s’agit là plutôt d’initiatives qui entrent dans la sphère privée. Ce n’est pas vraiment une mesure de la compétence de la commune.
Se donner pour comme ambition un « paris à Energie positive » qui, à l’horizon 2050 produira plus d’énergie qu’il n’en consomme.
Une telle ambition nécessite un programme précis et des moyens qui ne sont pas précisés pour la mandature à venir.
Propositions AH et commentaires :
Multiplier le nombre de Vélib par deux, dont une partie électriques
C’est une proposition précise.
Doubler les pistes cyclables
Egalement une proposition assez concrète, même si elle pourrait être précisée pour être vraiment chiffrée (linéaire, type de piste). S’agit-il des pistes en site propre ? ou des voies partagées avec les TC ?
Favoriser l’auto-partage
Comme NKM, mesure incantatoire et peu précise. Quels moyens d’action de la commune ?
Travailler avec la RATP et la SNCF pour allonger les heures d’utilisation du métro
Mesure qui a le mérite d’indiquer qu’elle ne peut décider seule…
Travailler avec la RATP et la SNCF pour développer l’offre de transports collectifs
Mesure trop vague, même si l’intention mérite soulignée.
Etudier la possibilité d’installer une liaison téléphérique entre la gare de Lyon et la gare d’Austerlitz
Mesure anecdotique et peu réaliste à court terme
Développer la communication inter gares
Mesure incantatoire et peu précise
Achever la boucle du tramway des Maréchaux
Mesure cohérente avec les infrastructures déployées.
Appuyer la prolongation des lignes de métro
Mesure souhaitable mais pas concrète.
Créer un quartier piéton et de rues fermée aux voitures le WE dans chaque arrondissement
Pourquoi pas… mais symbolique pour traiter les problèmes de pollution chronique.
Majeure partie des rues limitées à 30 km/h
Tout ce qui peut ralentir le trafic, apaiser la vie dans la rue et impulser un transfert modal mérite d’être encouragé.
Faciliter le stationnement en proposant une application de réservation des places en sous-sol.
Faciliter le stationnement ne va jamais dans le sens de la réduction de la circulation des véhicules individuels… au moins cette mesure ne conduit pas à augmenter le nombre de places.
Je poursuivrai le soutient à la rénovation thermique déjà engagé
bilan assez décevant sur ce point de la municipalité précédente… il n’est pas compliqué de poursuivre à ce rythme !
20.000 arbres supplémentaires
Mesures précise et sympathique pour le cadre de vie, pas pour la pollution (sauf si les arbres prennent des places de parking…)
200 espaces plantés de toutes tailles
Justement, ça dépend de la taille…
100 ha de toitures et murs végétalisés
Il faut bien être dans l’air du temps, même s’il est pollué…
Propositions de CN :
–Mesures spécifiques au périphérique transformé en avenue écologique
Réduction de la vitesse et créer une voie express pour covoiturage, taxis, bus,…
Il serait intéressant de préciser comment un aménagement urbain de cette nature pourra se traduire dans une baisse significative des émissions polluantes
–Investir dans les transports en commun avec la Région et le STIF
L’intention est louable mais reste floue
-Pistes cyclables et équipements facilitant la pratique du vélo
Au cas particulier l’engagement aurait pu être plus précis pour évaluer l’ambition.
–Limiter la vitesse à 30 Km/h en ville et 50 Km/h la nuit sur le périf’
Tout ce qui peut ralentir le trafic, apaiser la cohabitation dans l’espace public et impulser un transfert modal mérite d’être encouragé.
Créer de nouveaux espaces verts
100 hectares + 50 hectares de petite ceinture.
-Interdire progressivement les véhicules diesels dans Paris
Cette proposition est très vague pour en évaluer l’intérêt.
–Offrir la gratuité des transports en commun aux parisiens qui se séparent de leur véhicule
Commentaires comparatifs
Les propositions d’Anne Hidalgo, si elles ne sont pas toujours précises, marquent une nette volonté de développer les transports en commun, alors que nous n’avons trouvé aucune proposition en faveur des Transports en commun dans le programme Nathalie Kosciusko-Morizet !
Les propositions d’AH se positionnent souvent en continuité de moyens déjà mis en place avec un certain succès (vélib, tramway, pistes cyclables, zones 30…). L’expérience a toutefois montré que ces mesures ne sont pas suffisantes pour améliorer significativement et concrètement la qualité de l’air.
Les propositions de NKM sont en comparaison peu précises et d’une portée très limitée.
Celles de CN sont relativement peu précises et plutôt décevantes par rapport aux engagements formulés sur l’ambition de qualité de l’air.
Les financements de ces programmes restent énigmatiques.
En conclusion,
Les Amis de la terre considèrent que la réduction de la pollution passe nécessairement par trois modes d’action complémentaires :
-mobiliser et impliquer les citoyens sur les enjeux de la pollution en adoptant un dispositif d’information et d’alerte restreignant les usages contributifs à la pollution,
-renforcer les transports en commun
-restreindre de la circulation automobile et une réduire de la place accordée à la voiture dans l’espace public, les deux candidates proposent une série de mesures mais évitent toute politique volontariste de réduction de la circulation automobile dans l’agglomération. La proposition du candidat écologiste manque de crédibilité et de conviction.