Porte de Montreuil : un projet d’urbanisme dépassé !
Une alliance dont les Amis de la Terre Paris font partie se bat pour modifier le projet d'urbanisme de la Ville de Paris sur la Porte de Montreuil.
Les Amis de la Terre Paris ont constitué une alliance avec Greenpeace Paris, Extinction Rebellion et les acteurs locaux comme le syndicat de puciers de la Porte de Montreuil et l’association des biffins de Paris « Amelior » pour s’opposer au projet actuel de la Ville de Paris et susciter d’autres alternatives. Pour cela, depuis quelques mois, l’alliance a tracté auprès des riverain.e.s pour faire connaître les incohérences du projet, susciter des discussions, recueillir des remarques et des adresses. Ensuite, durant l’hiver, l’alliance a organisé deux ateliers d’urbanisme avec les personnes rencontrées lors des tractages mais aussi des élus de Paris XXème, de Bagnolet et de Montreuil.
Cette mobilisation a été relayée par EELV Paris auprès de la Mairie de Paris. Ce qui freine le dossier.
Un programme hors-sol et défavorable aux quartiers populaires
La programmation de l’opération portée par Nexity prévoit une majorité de bureaux, alors que la ville de Paris connaît un taux de vacance record de ses immeubles de bureaux (4 082 000 m² de bureaux vacants en avril 2022).
Ces bureaux sont appelés à prendre place sur les emprises actuelles d’espaces verts mais aussi du marché aux puces se déroulant chaque samedi, dimanche et lundi porte de Montreuil.
Ce marché, drainant aussi bien Montreuillois.es, Bagnoltais.es qu’habitant.e.s des arrondissements de l’Est de Paris et des villes limitrophes, doit être relégué en rez-de-chaussée des immeubles bureaux pour “plus de confort et une montée en gamme”, selon les mots d’Olivia Polski, adjointe à la Maire de Paris en charge du commerce et de l’artisanat. Un projet de « montée en gamme » qui laissera sur le côté une part importante des puciers exerçant actuellement en plein-air porte de Montreuil et dont la logistique, notamment l’accessibilité des camions des puciers, laisse grandement à désirer.
Un tel programme risque d’évincer les usages et l’animation populaires du lieu pour les remplacer par un quartier bureau inanimé le soir et le week-end, ne faisant donc plus profiter aux commerçants de la rue de Paris du dynamisme du marché aux puces. Au bout du compte, ce projet représente une importante menace en termes de gentrification du quartier de la Porte de Montreuil, repoussant toujours plus loin de Paris et de ses aménités les populations précaires, incapables d’absorber la hausse des prix de l’immobilier favorisée par un tel projet.
Les éléments que nous dénonçons :
- Un projet contradictoire avec le projet de « ceinture verte » de la mairie de Paris.
- Un projet qui illustre la dérive dans la quête du foncier ayant actuellement cours à Paris, qui pousse à construire sur les derniers sols en pleine-terre et/ou sur des sites pollués.
- Un projet qui construit une barrière de bureau entre Paris et Montreuil, loin de la connexion souhaitée.
- La construction d’une couverture en béton sur les voies du périphérique a des coûts économique (plusieurs dizaines de millions d’euros) et écologique (émission de CO2 pour la construction et concentration des polluants) exorbitants.
- Un projet au bilan négatif en termes de végétalisation : la plantation d’arbres sur une dalle en béton ne pourra pas compenser l’abattage de 250 arbres matures en plein-terre.
- Un projet porté par Nexity contribuant à la privatisation de l’espace public, cédé par la ville de Paris par le biais de la Semapa.
- Un projet ajoutant des milliers de m2 de bureaux à Paris, souffrant pourtant d’une forte vacance de ses surfaces de bureaux à l’heure actuelle.
- Un projet précarisant puciers et biffins du marché aux puces de Montreuil.
- Un projet dénaturant l’ambiance populaire du lieu et contribuant à la gentrification du quartier.
Tout comprendre : la situation géographique
L’argument des nuisances cumulées
Le boulevard périphérique parisien est un des axes routiers les plus pollués d’Europe, en termes de pollution de l’air et de nuisances sonores.
Il n’est donc pas rare de trouver des zones classées « points noirs environnementaux » le long du périphérique. La porte de Montreuil en fait partie. Le projet proposé porte de Montreuil densifie donc délibérément une des zones les plus polluées de la région, sans pour autant agir pour réduire au préalable les sources de pollution à proximité.
Couvrir le périphérique, quels impacts ?
Les couvertures de portions du périphérique au niveau des portes d’entrées dans Paris sont censées créer des coutures urbaines avec les villes de banlieue et apaiser les abords du périphérique. Dans les faits, les couvertures construites au-dessus du périphérique concentrent les gaz polluants émis par la circulation routière aux entrées et sorties des tunnels créés. Pour cela, deux permis de construire de projets d’immeubles-ponts enjambant le périphérique (Mille Arbres et Ville Multistrates) ont été annulés en justice car une telle opération « est susceptible de porter atteinte à la santé publique » selon le tribunal administratif.
De plus, l’impact carbone d’une telle infrastructure est très élevé car nécessitant des milliers de m3 de béton pour sa construction. Or, l’industrie du ciment, constituant clé du béton, est responsable de 7% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit 2 fois plus que le secteur aérien.
L’argument de la réalité du « périphérique vert »
Les abords du boulevard périphérique constituent des réserves majeures de « nature en ville » dans l’agglomération parisienne. En effet, le périphérique est longé par 51 hectares de talus de pleine-terre plantés de milliers d’arbres. Ces arbres ont aujourd’hui atteint une maturité suffisante pour prodiguer tous leurs bénéfices écosystémiques (grandes surfaces d’ombre, abri de nombreuses espèces d’oiseaux, insectes et autres végétaux, captation du CO2, maintien des sols et absorption des eaux pluviales, etc.).
Le boulevard périphérique constitue donc déjà à l’heure actuelle une ceinture verte autour de Paris. Dans le contexte actuel, il est souhaitable de protéger, apaiser et relier les talus entre eux afin de créer un vaste corridor écologique autour de Paris, contribuant notamment à rafraîchir la ville en période estivale.
Or, bien que dans sa communication la ville de Paris affirme vouloir faire du boulevard périphérique une « ceinture verte », les opérations d’urbanisme qu’elle soutient contribuent à détruire le patrimoine végétal parisien pour laisser place aux constructions : exemple ici avec l’évolution de la Porte des Lilas.
Alors qu’un PLU bioclimatique est pourtant en cours d’élaboration, le projet Porte de Montreuil ne fait pas exception et prévoit l’abattage de 250 arbres matures (dont 76 ont déjà été abattus en avril 2022).
L’argument de la végétalisation
Malgré ces centaines d’abattages, la communication opérée autour du projet de la Porte de Montreuil vante une intervention en faveur de la végétalisation grâce à la plantation de nouveaux arbres sur la couverture en béton construite au-dessus du périphérique. Or, faute de pouvoir puiser de l’eau en profondeur dans le sol, ces végétaux seront très fragiles et ne résisteront pas aux canicules appelées à se multiplier dans le futur. Cette végétation précaire ne constitue en aucun cas une compensation des pertes engendrées par l’abattage de 250 arbres matures en pleine-terre. Le bilan du projet en termes de végétalisation ne peut donc être que négatif.
Une balade pour montrer l’incohérence du projet
En Avril, nous avons organisé deux « balades urbaines » pour développer nos arguments. Ces deux actions ont attiré une quinzaine de personnes dont des journalistes locaux.
On a d’abord expliqué le projet actuel : entre autres, construction d’un immeuble au-dessus du périphérique, alors que le même type de construction vient d’être retoqué par la justice dans le projet de la Porte Maillot, comblement du centre de la Porte de Montreuil, ce qui va couter très cher et va employer beaucoup de béton donc pas compatible avec le nécessaire baisse des émissions de GES. Le reste du projet concerne la construction d’immeubles de bureaux, de commerces et de logement le long du périphérique coté Montreuil/Bagnolet, ce qui va entraîner une hausse du trafic routier, incompatible avec le souhait de la Ville de Paris de passer le périphérique à 2 x 2 voies. Il y aura également une densification et à terme une gentrification de l’entrée de Montreuil. Tous les petits commerces du début de la Rue de Paris seront voués à disparaître. En bref, cela ne correspond pas l’objectif du « PLU bioclimatique » que nous vend la Mairie de Paris et l’objectif d’avoir une ville qui puisse rester vivable avec des canicules.
Nos demandes et propositions :
- Conserver et protéger tous les arbres du site et les surfaces de pleine-terre.
- Abandonner la construction de la dalle sur le périphérique.
- Abandonner la construction de bâtiments, notamment de bureaux, sur les talus.
- Rénover et entretenir l’anneau existant : vérification de la structure et traitement de sol.
- Rénover et entretenir la passerelle au bout du marché aux puces.
- Conserver le marché aux puces en extérieur. Y planter plus d’arbres pour prodiguer de l’ombre en été. Y aménager des locaux sanitaires fonctionnels (toilettes et point d’eau). Y installer le matériel nécessaire à la gestion des déchets du marché aux puces.
- Soutenir le marché en encourageant l’installation de nouveaux puciers et la régularisation des biffins.
- Aménager de larges pistes cyclables pour une meilleure sécurité des cyclistes.
- Aménager de larges trottoirs pour une meilleure sécurité des piétons.
- Ralentir la vitesse des véhicules motorisés sur le site.
- Mettre en place un projet d’urbanisme transitoire pour proposer une solution rapide et dynamiser le lieu en encourageant la concertation et la participation des habitants.
Une urgence à agir
Début Avril, un panneau affichant le permis de construire des bungalows de chantiers est apparu le long des grillages de la zone déjà en partie déboisée et qui est actuellement occupée par un campement de Roms. L’alliance est donc amenée à demander un recours juridique pour sursoir au début des travaux et à publier un communiqué de presse ce 31 Mai.