Affaire Chevron en Amazonie : portes ouvertes pour l’impunité
Plus de 200 organisations, mouvements, syndicats et communautés touchées par des sociétés transnationales dans le monde entier, regrettent la décision de la Cour Suprême du Canada, qui a rejeté l’appel des communautés affectées par Chevron – anciennement Texaco – en Amazonie équatorienne.
Les Amis de la Terre sont membres de la Campagne mondiale pour revendiquer la souveraineté des peuples, démanteler le pouvoir des multinationales et mettre fin à leur impunité. Nous réitérons la nécessité urgente d’établir un traité contraignant des Nations Unies sur les sociétés transnationales et les droits humains.
En 2015, les sept juges de la Cour Suprême du Canada ont décidé d’accepter la compétence pour mener à bien le « processus d’exécution » au Canada, en reconnaissant la légitimité de la décision de la Cour Suprême de l’Équateur sur l’affaire Chevron. Cette décision représentait un grand espoir pour les communautés autochtones de l’Union des personnes affectées par Chevron-Texaco en Équateur (UDAPT) que justice soit rendue. Cependant, le 23 mai 2018, la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté la demande, alléguant que Chevron Canada était une société autonome et indépendante de la société mère Chevron et que, par conséquent, il n’avait aucune obligation envers la justice équatorienne. Cela a représenté un autre coup dur pour le peuple autochtone équatorien, qui a présenté l’appel rejeté aujourd’hui.
Il convient de rappeler que les opérations de Chevron en Amazonie ont profondément et négativement affecté la vie des peuples autochtones, l’écosystème, l’eau et les biens communs. Entre 1964 et 1992, Texaco-Chevron a déversé près de 650 000 barils du pétrole brut et plus de 16 milliards de gallons d’eaux résiduaires dans les rivières et les sols de la forêt, affectant la santé et les modes de vie de plus de 30 000 autochtones et paysan-ne-s de différentes communautés. Les impacts dévastateurs de leurs activités en Équateur ont fait à ce que l’affaire soit connue sous le nom de « Tchernobyl en Amazonie ». Face à un désastre de cette ampleur, l’UDAPT lutte depuis plus de 25 ans et son objectif est maintenant de parvenir à l’exécution du jugement équatorien, dans le but de réparer les dommages environnementaux, sociaux et culturels causés par la société pétrolière. La sentence de la justice équatorienne est irrévocable et constitue la raison pour laquelle les victimes continueront à lutter pour l’accès à la justice dans d’autres juridictions étrangères jusqu’à ce que les dommages soient réparés.
Pour avoir plus d’informations sur le cas Chevron en Équateur, rendez-vous sur le site dédié
La décision de la Cour suprême du Canada montre encore une fois l’existence d’une architecture qui a toujours favorisé l’impunité des sociétés transnationales. L’affaire Chevron n’est pas unique. Compte tenu de l’ampleur et de la nature systématique des conflits sociaux et environnementaux générés par les sociétés transnationales dans le monde entier, la Campagne globale lance un appel aux États pour qu’ils avancent dans les négociations d’un traité international contraignant sur les sociétés transnationales et les droits humains. La campagne lance aussi un appel à la solidarité internationale auprès les communautés affectées par Chevron.
Communiqué des Amis de la Terre Canada
La Cour suprême du Canada refuse de rendre justice aux communautés autochtones en Équateur
Le 4 avril 2019, la Cour Suprême du Canada a refusé d’autoriser l’appel dans l’affaire historique des peuples autochtones de l’Équateur contre Chevron, qui est connue sous l’expression de “Tchernobyl amazonien” en raison de son impact dévastateur sur la région. Les plaignants équatoriens cherchent à faire exécuter un jugement de la plus haute instance de l’Équateur condamnant Chevron à payer plus de 9,5 milliards de dollars américains pour l’assainissement des régions polluées par l’exploitation délibérément négligente des champs pétroliers.
Cette décision représente un pas en arrière pour l’Union des communautés affectées par Chevron-Texaco (UDAPT) en Équateur et pour les victimes de crimes commis par des entreprises transnationales dans le monde. La Cour suprême du Canada aurait pu adopter une approche novatrice et tournée vers l’avenir en matière de responsabilité sociale des entreprises, de justice et d’équité en veillant à ce que les collectivités autochtones aient accès à la justice et à la réparation des dommages. En refusant d’autoriser l’appel, la Cour suprême a choisi de poursuivre l’interprétation des lois actuelles qui favorisent l’impunité des entreprises.
“Il est regrettable que les formalités juridiques et le manque d’argent constituent des obstacles à l’accès à la justice pour les communautés victimes de crimes commis par les transnationales. Malgré cette décision rendue au Canada, notre quête de justice se poursuivra et nous entamerons des poursuites judiciaires dans d’autres pays “, a déclaré Willian Lucitante, coordonnateur de l’UDAPT.
La Cour suprême du Canada avait auparavant reconnu cette poursuite comme étant un litige d’intérêt public. Toutefois les juges de la cour inférieure de l’Ontario ont déclaré qu’” il y a une différence entre la réalité économique et la réalité juridique “, estimant que les lois en vigueur devraient continuer à être appliquées. Si les lois étaient modifiées pour mieux correspondre à la réalité, la poursuite équatorienne pourrait avoir des répercussions sur les entreprises canadiennes et les obliger à faire passer les droits de la personne avant leurs intérêts commerciaux.
Pablo Fajardo, l’avocat des peuples autochtones et des paysans touchés par l’affaire Chevron, a déclaré : “Il est regrettable qu’un pays démontre une fois de plus que la structure de la justice est faite pour protéger et garantir l’impunité des sociétés transnationales. La Cour suprême du Canada n’a pas eu l’occasion d’entendre le bien-fondé de l’affaire équatorienne et a seulement décidé de ne pas accepter l’appel. Nos avocats n’ont pas eu l’occasion d’expliquer les ramifications de la structure juridique de Chevron, qui la protège des poursuites intentées par les personnes touchées par la négligence de leurs activités. C’est un précédent désastreux pour les luttes sociales, pour les droits et la justice”.
Cela fait plus de 25 ans que les communautés mènent des actions de justice et de réparation devant différents tribunaux. Ce procès est devenu un exemple emblématique de l’impunité qui permet aux sociétés transnationales de ne subir aucune sanction lorsqu’elles violent les droits humains et des peuples autochtones.
Pour plus d’informations, veuillez contacter :
- Doug Olthuis (United Steelworker) 416-859-9953; dolthuis@usw.ca
- Raul Burbano (Common Frontiers) 416 522 8615; burbano@rogers.com
- Rosa Peralta (Le Comité pour les droits humains en Amérique latine) 514-358-2227; solidared@cdhal.org
- Beatrice Olivastri (Friends of the Earth Canada) 613 724-8690; beatrice@foecanada.org