Le mandat Macron : un quinquennat sacrifié pour le climat et la justice sociale
Les années du mandat d’Emmanuel Macron sont des années perdues dans la course face à l’urgence climatique. Alors qu’il aurait dû dès 2017 instaurer des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le Président et candidat a enchaîné reculs et sabotages pour protéger les intérêts financiers des plus gros pollueurs.
Réduction des émissions : un échec lourd de conséquences
En fin de quinquennat, les émissions de gaz à effet de serre françaises stagnent toujours, alors qu’elles auraient déjà dû réduire drastiquement au regard de l’urgence climatique et de la responsabilité historique du pays.
Le gouvernement s’est permis de revoir à la baisse les objectifs que s’était fixée la France en 2015 en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet pour la période 2019-2023, les faisant passer de – 2,3% à – 1,5% par an. Cela ne l’a pas pourtant empêché de multiplier les coups de communication, se vantant même d’avoir atteint ce nouvel objectif dangereusement insuffisant.
L’État a été condamné par ses propres tribunaux pour inaction climatique du fait du non-respect de ses engagements et enjoint à respecter maintenir? sa trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Mais malgré les alertes scientifiques et les décisions de justice, l’ensemble des politiques mises en place suite à la loi climat d’Emmanuel Macron ne permettrait de réduire les émissions que de 10% d’ici 20301 – sans compter l’empreinte carbone liée à nos importations, qui, prise en compte, annulerait cette baisse –, alors que nous devrions les réduire de 55% d’ici la fin de la décennie.
Trahir les citoyen·nes pour mieux garantir une loi climat au rabais
L’expérience de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) aura permis de démontrer un point : lorsque des hommes et des femmes se réunissent – à la demande du gouvernement – avec l’ambition de transformer radicalement l’écologie en France en s’appuyant sur des expertises techniques, ils et elles font le choix de mesures ambitieuses, cohérentes et capables de restructurer les différents secteurs de la société.
Or, au lieu de mettre en œuvre le processus qu’il avait lui-même mis en place, Emmanuel Macron a préféré mentir de manière répétée aux citoyen·nes et s’assurer – dans la fabrication de la proposition de loi comme dans les débats parlementaires – que le résultat de leur travail soit neutralisé.
À l’Assemblée nationale, 21% des amendements ont été jugés irrecevables par l’exécutif et la majorité. Avec ce taux record d’amendements non soumis au débat, les parlementaires ont été tout simplement dépossédé·es de leurs fonctions.
Cette trahison de la CCC est d’autant plus critiquable que celle-ci avait la légitimité démocratique permettant l’adoption d’une loi climat ambitieuse. Par ailleurs, la consultation préalable des parties prenantes garantissait l’acceptabilité socio-économique des mesures portées. Cet exercice démocratique de façade a abouti – au rythme des “jokers” présidentiels et de la censure parlementaire – à une loi climat périmée à peine adoptée.
Un refus catégorique d’imposer des règles au secteur privé
Tout au long du mandat, le gouvernement a systématiquement refusé de poser des contraintes aux industries et entreprises très polluantes, et ce, même lorsqu’il a été question d’adopter certaines mesures évidentes dans le cadre de la loi climat.
La liste des exemples est longue : la publicité n’a finalement été visée par aucune interdiction significative ; les mesures limitant les lignes aériennes intérieures et l’extension des aéroports ont été largement affaiblies ; des demandes clés pour la transition agricole (comme la redevance sur les engrais azotés ou l’encadrement de l’élevage intensif) ont été mises en échec ; les entrepôts de e-commerce ont été exemptés du moratoire sur l’artificialisation des terres ; l’encadrement des activités polluantes des entreprises et des acteurs financiers a été balayé d’un revers de la main.
Emmanuel Macron nie également le besoin de plafonner le volume des activités dans les secteurs les plus polluants : production d’énergies fossiles, élevage, engrais, aérien, textile, électronique, BTP… Contester cette nécessité revient à nier l’urgence climatique et à nous condamner à subir un accroissement des émissions de gaz à effet de serre. L’horizon 2030 est crucial pour espérer respecter l’Accord de Paris et espérer éviter la catastrophe. La décarbonation de ces secteurs polluants sera longue, il est donc indispensable d’imposer dès à présent une réduction des volumes de certaines activités clés.
Face à la crise du covid, carte blanche pour les grandes entreprises
Le gouvernement est même allé plus loin en signant des chèques en blanc, – aides sans contreparties écologiques et sociales -, au secteur privé en réponse à la crise sanitaire. Alors que la pandémie et la relance auraient représenté une opportunité d’imposer un cap aux grandes entreprises et de faire infléchir leurs stratégies, nombre d’entre elles ont pu compter sur une nouvelle manne de capitaux publics sans remettre en cause ni leurs plans sociaux, ni le versement de dividendes mirobolants à leurs actionnaires, ni leurs projets climaticides.
Ceci est notamment le résultat du lobbying intense exercé par le secteur privé pendant la pandémie, en particulier durant le premier confinement. Alors que les grands groupes, invités jusque dans les cellules de crise du gouvernement, voyaient leur accès aux décideurs facilité, les associations et citoyen·nes se sont vu·es restreindre leurs possibilités de mobilisation et les parlementaires ont été largement marginalisé·es des processus décisionnels. S’abritant derrière la crise sanitaire, les industriels ont multiplié les attaques contre les régulations sociales et environnementales, pour capter la manne d’aides publiques débloquée suite à la crise.
Renault et Air France ont ainsi bénéficié d’une aide publique de plusieurs milliards d’euros. Un fonds de 20 milliards d’euros de sauvetage des entreprises « stratégiques » a par ailleurs été utilisé pour aider la firme parapétrolière Vallourec dont les difficultés dataient de bien avant la crise.
Un objectif 2030 en passe d’être sacrifié au profit de technologies incertaines et fausses solutions
La réponse au sous-financement chronique de la transition se fait encore attendre. Les investissements publics et privés requis pour tenir nos objectifs de décarbonation sont d’au moins 100 milliards d’euros par an2, or l’État n’investit que 15 milliards d’euros d’argent public par an pour la transition et 40 milliards en comptant les investissements privés – qui ne sont pas toujours orientés vers une réduction des émissions.
Du plan “France Relance” au plan “France 2030”, le gouvernement a continuellement ignoré les besoins réels de la transition environnementale et sociale. Il préfère miser massivement sur des technologies incertaines, au bénéfice écologique souvent contestable, et qui n’apporteraient des résultats potentiels qu’après 2030. C’est le cas de l’avion “vert”, de l’agriculture de précision, de l’hydrogène, ou encore des “mini-réacteurs” nucléaires. Le Président a pourtant annoncé bien plus d’investissements dans ces filières que dans d’autres solutions créatrices d’emplois et qui promettent une réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre : le développement des énergies renouvelables, la rénovation thermique des bâtiments, le ferroviaire, le renforcement du plan protéines végétales, ou encore la conversion des surfaces agricoles en bio3.
La France a aussi été l’ambassadrice d’une nouvelle offensive pro-gaz fossile et pro-nucléaire, notamment symbolisée par le sabotage en cours de la taxonomie verte européenne : là encore, ce texte qui visait à permettre la réorientation des flux financiers vers des secteurs de la transition est vidé de toute substance – avec la France aux manettes – en permettant au contraire de mobiliser toujours plus de capitaux pour de nouveaux projets gaziers et nucléaires.
D’une nouvelle explosion des inégalités…
Réformes injustes et reculs cruels des politiques de redistribution : diminution des APL, suppression de l’ISF, flat tax sur les revenus du capital, réforme de l’allocation chômage, destruction continue du service public, non-revalorisation du SMIC et des salaires des premiers de corvée… Ces mesures anti-sociales, portées dans un contexte de crise dont les plus vulnérables ont fait les frais en première ligne, ont alimenté une explosion des inégalités. La fortune des milliardaires dans le monde a plus augmenté en 19 mois de pandémie qu’au cours de la dernière décennie. En France, les 5 premières fortunes ont doublé leur richesse depuis le début de la pandémie et possèdent désormais à elles seules autant que les 40 % les plus pauvres.
Cet enrichissement sauvage a également un coût climatique. Les 10 % les plus riches de la planète sont responsables de près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre, quand à l’inverse, la moitié la moins riche de la population en a généré seulement 12 %. Les émissions des plus riches ont bondi plus vite que pour n’importe quel autre groupe depuis 1990.
Les grands profiteurs de cette crise sanitaire – qui s’est vite traduite par une crise sociale et économique – sont aussi les multinationales et leurs actionnaires. Le géant du e-commerce Amazon a ainsi triplé ses profits au premier semestre 2021. Les bénéfices du CAC 40 ont atteint un record en 2021 selon Bloomberg, totalisant 137 milliards d’euros. TotalEnergies et BNP Paribas, qui figurent dans le top 4 des entreprises françaises les plus polluantes, sont arrivées à de nouveaux sommets avec des bénéfices nets de respectivement 14 et 9 milliards d’euros.
Dans le même temps, les pauvres sont de plus en plus pauvres. Les travailleurs précaires – notamment les femmes –, les personnes migrantes et les jeunes ont vu leur situation se détériorer encore davantage. 7 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire pour vivre, soit 10 % de la population française, et 4 millions de personnes supplémentaires sont en situation de vulnérabilité à cause de la crise. La France compte 12 millions de personnes pauvres.
… Au mépris inédit des mouvements sociaux
Ce sont pourtant sur ces grands responsables de la crise – les multinationales et les plus riches qui en sont bien souvent les actionnaires – que doit porter le fardeau de la transformation écologique et sociale. Les soi-disant politiques climatiques qui grèvent encore davantage les plus précaires et lèvent toute contrainte sur ceux qui profitent lucrativement des activités climaticides sont une fausse solution. Le mouvement des Gilets jaunes, né du refus de l’imposition de la taxe carbone, l’a bien compris. Face à cette crise aux nombreux visages et aux injustices engendrées par les politiques du gouvernement, des vagues inédites de contestation se sont développées : du mouvement climat aux gilets jaunes, en passant par les grèves répétées de tous les corps professionnels – soignants, avocats, magistrats, cheminots, enseignants… Les personnes en “première ligne” face au Covid-19 sont devenues les premières lignes dans les cortèges des manifestations. À ces mobilisations légitimes et démocratiques, la réponse n’a pourtant été que répression croissante et violences policières, appuyées par de nouvelles lois sécuritaires et un dénigrement systématique de certains citoyen·nes et de pans entiers de la société.
Pour ne pas perdre 5 années de plus, à quelques semaines des élections présidentielles, exigeons des mesures concrètes et à la hauteur pour la justice sociale et le climat ! Le 12 mars, une grande marche “Look Up” aura lieu dans toute la France pour remettre ces priorités en haut de l’agenda politique et médiatique.
Selon l’étude d’impact associée au projet de loi climat et les calculs du député Matthieu Orphelin, la vingtaine de mesures du projet de loi qui ont pu être quantifiées mènent, en cumulé, à une baisse d’émissions de près de 12 millions de tonnes par an, soit 10 % du chemin à parcourir d’ici à 2030 pour atteindre les -40 % d’émissions en 2030. Source : Loi climat : une occasion (vraiment) manquée
À titre d’exemple, passer de 60 000 rénovations énergétiques complètes de logements à 700 000 par an coûterait environ 25 milliards d’euros par an. Le Monde, « Où trouver 25 milliards d’euros pour rénover 700 000 logements chaque année ? », 20 juin 2020.
Les exemples de mauvaises allocations des capitaux publics sont nombreux : pour ce qui est de la recherche, les investissements ne sont que de 0,007 % du PIB pour l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. La Tribune, “Plan d’investissement : les propositions choc des chercheurs pour verdir l’économie”, 15 septembre 2021.