Biodiversité : ville vivante, ville ouverte
La ville doit laisser passer la biodiversité. Cela nécessite une réappropriation de ses espaces par le vivant sauvage et cultivé, au détriment des espaces étanches et morts.
Avec 8 % du territoire français, la ville couvre déjà une part trop large de l’espace et sa croissance doit être inversée. Mais du point de vue écologique, la concentration urbaine offre un paradoxe. Une ville dense permet une bonne rationalisation énergétique grâce aux transports et aux bâtiments collectifs, mais une ville trop dense et trop étendue concentre les nuisances à tel point que les écosystèmes ont du mal à les absorber et à les traiter.
Serrée, mais pas trop
La question se complique si l’on tient compte des impératifs de la biodiversité. Les villes restent moins connues que les autres milieux, mais la plupart des écologues considèrent qu’il faut les rendre transparentes à la biodiversité, donc moins minérales. L’urbanisme devra être adapté à la circulation des espèces, notamment pour permettre aux milieux de s’adapter au réchauffement climatique – ce d’autant plus que villes et campagnes européennes sont très intriquées. Pour cela, la ville devra souvent être moins dense et prévoir des espaces
importants de circulation de la faune et de la flore. Cette contrainte impliquera de définir empiriquement des densités optimales en fonction de l’histoire et de la situation des tissus urbains. Dans les banlieues, il faudra détruire une bonne partie des zones pavillonnaires pour rendre des surfaces au maraîchage et aux milieux-relais qui l’accompagnent : talus, fossés, haies, mares, bois, etc. En zone dense, la multiplication et la gestion différenciée des jardins publics (voir La baleine n° 150), la généralisation des jardins partagés et des toits végétaux, et les espaces de circulation ferroviaire ou fluviale sont les plus adaptés.
Biodiversité et gestion des eaux
Heureusement, la lutte contre la minéralisation a pour alliée la bonne gestion des eaux. Les « infrastructures vertes » sont beaucoup plus efficaces et moins coûteuses que les procédés de traitement industriels (collecteurs et stations d’épuration), et les villes de New York, de Seattle ou de Berlin utilisent déjà des réseaux de fossés urbains qui assurent l’essentiel de l’épuration des eaux tout en épongeant les orages. Ces systèmes sont performants et permettent aux poissons et oiseaux de se reproduire. Car les études montrent que les animaux et les plantes ne sont généralement pas incommodés par le milieu urbain dès lors que les habitats qui leur sont nécessaires s’y trouvent et sont correctement maillés – ceci particulièrement pour les insectes et les autres invertébrés.
Il est parfaitement possible que la ville laisse sa place à la nature. L’évolution des documents d’urbanisme (PLU et SCOT) devra prendre en compte, de façon de plus en plus impérative, ces « trames vertes et bleues »… Mais comme ailleurs, cette nature aventureuse a besoin d’espace. Une raison supplémentaire pour condamner l’automobile, qui en est, en ville, la principale dévoreuse.
> LAURENT HUTINET