Action de collage
Action de collage "Stop fast-fashion" à Paris. Crédit : Mathilde Betis / Alternatiba Paris
Surproduction
21 novembre 2023

Black Friday : et si on mettait un stop à la fast-fashion ?

À l’approche du « vendredi noir » pour l’environnement et les droits humains, avec sept autres associations, nous lançons aujourd’hui une grande campagne d’interpellation pour exiger de Bruno Le Maire qu’il propose une loi encadrant l’industrie de la mode.

Bruno Le Maire, la société civile vous observe 👀

Aux côtés d’ActionAid France, Emmaüs France, Fashion Revolution France, France Nature Environnement, Halte à l’Obsolescence Programmée, Max Havelaar France et Zero Waste France, nous dénonçons les impacts environnementaux et humains de l’industrie de la mode. Alors que le Black Friday approche et que les incitations à la consommation se multiplient, nous rappelons que les choix individuels ne suffiront pas à résoudre un problème systémique. La meilleure manière de combattre la surconsommation, c’est d’abord de s’attaquer à la surproduction ! C’est pourquoi nous appelons le gouvernement à prendre des mesures concrètes pour réguler le secteur textile et enfin ralentir ses rythmes de production, pour le ramener vers une trajectoire soutenable tant au niveau social qu’environnemental.

Il y a quelques mois, Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, annonçait vouloir combattre la fast-fashion. Si les discours sont louables, les actes se font décidément toujours attendre (la prise en compte générale du secteur textile français, et par extension l’encadrement de la fast-fashion, fait partie des grands oubliés des annonces du gouvernement sur la planification écologique1)… Parce que nous n’avons plus le temps et qu’il est urgent que la fast-fashion fasse place à une mode plus durable, nous appelons un maximum de citoyennes et de citoyens à se mobiliser en interpellant Bruno Le Maire sur les réseaux sociaux ou par mail. Rejoignez le mouvement !

La fast-fashion, ou comment détricoter les droits humains et l’environnement

Caractérisée par une production effrénée de vêtements de mauvaise qualité et à bas coûts, la fast-fashion est incompatible avec le respect des limites planétaires et des droits des travailleur·euses du secteur. 10 ans après le drame du Rana Plaza, et alors que le productivisme et la société de consommation atteignent des sommets à l’occasion du Black Friday, il nous apparaît nécessaire de rappeler quelques chiffres. 🧐

L’industrie de la mode représente jusqu’à 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre2, et si nous ne ralentissons pas le rythme de croissance des volumes de production, ce chiffre pourrait monter à 26% en 20503. Au niveau mondial, le secteur textile représente 11% de l’utilisation des pesticides (dans le cadre de la culture des champs de coton)4, mais également 35% des rejets de micro-plastiques (notamment en raison de l’utilisation de fibres synthétiques)5.

Alors que nous avons déjà produit assez de vêtements pour habiller la planète jusqu’en 21006, ce ne sont pas moins de 150 milliards de vêtements qui sont produits chaque année7, dans des conditions de travail indignes. Au Bangladesh, où plus de 4 millions de travailleuses et travailleurs confectionnent des vêtements pour des marques principalement occidentales, le salaire minimum du secteur est de 105 euros seulement8, quand le salaire minimum vital est pourtant estimé à 497 euros9. Représentant 60 à 80% de la main d’œuvre du secteur, ce sont les femmes qui sont les plus exposées à ces violations de droits sociaux10.

La facture salée des enseignes de fast-fashion

Si les chiffres sur les tickets de caisse des marques de fast-fashion sont de plus en plus dérisoires, (un vêtement acheté sur le site de Shein coûte en moyenne 7,5 €11), la facture environnementale et sociale qui y est associée grimpe en flèche… Et ces impacts sont édifiants. Alors qu’H&M s’obstine à produire 3 milliards de vêtements chaque année12 et table sur une trajectoire croissante, le mastodonte suédois était responsable de 60 700 000 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre (incluant les scopes 1 et 2) en 202213. Zara n’est pas en reste : pendant que l’enseigne accorde seulement 2,08 € de salaire moyen pour la fabrication d’un article14, le groupe Inditex (auquel appartient Zara) se hisse au rang de champion de l’évasion fiscale15. Rien de beaucoup plus reluisant du côté de Primark… Si l’entreprise peut se targuer d’un chiffre d’affaires de 765,3 millions d’euros sur l’année 202216, en 2017 la direction de l’enseigne avait osé proposer à ses salarié·es une augmentation horaire de… 1 centime17. Cette provocation, qui avait évidemment fait rire jaune les salarié·es de l’entreprise, est révélatrice de l’écart abyssal entre les superprofits cumulés par les géants de l’industrie de la mode et le piétinement des droits sociaux des travailleurs et travailleuses de ce secteur.

La tendance ne va pas en s’améliorant. Le modèle économique de Shein, incarnation chinoise de l’ultra fast-fashion, nous offre un aperçu dramatique du pire de l’industrie de la mode. Promotions permanentes, techniques marketing toujours plus agressives, colonisation des espaces publicitaires… La marque de vente en ligne, qui cumule plus de 470 000 modèles de vêtements sur son site, fait travailler ses ouvrier·es jusqu’à 18 heures par jour, le tout pour seulement 4 centimes d’euros versés par article produit18. Sans surprise, les violations des droits humains vont de pair avec des impacts environnementaux dévastateurs : en ajoutant 7 200 nouveaux modèles par jour en moyenne sur son site internet, Shein se rend coupable quotidiennement de l’émission de 15 000 à 20 000 tonnes de CO219.

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Quand la mode surchauffe : Shein, ou la course destructrice vers toujours plus de vêtements

Pour révéler au grand jour la facture environnementale et sociale particulièrement salée des grandes enseignes de fast-fashion, des activistes ont mené des actions d’affichage sauvage dans plusieurs villes en France. À Paris, à Lyon, mais aussi à Dijon, à Rouen ou dans la Drôme, les groupes locaux des Amis de la Terre France et Alternatiba Paris ont investi les murs des villes et les vitrines des magasins. L’objectif de cette action était clair : sensibiliser le public aux dessous d’un ticket de caisse, mais surtout, inviter les passant·es à interpeller Bruno Le Maire pour qu’il impulse une loi mettant un stop à la fast-fashion.

Conscient·es de l’ampleur du phénomène et de l’urgence à agir, ne nous trompons pas de cible. Si des marques comme Shein, H&M, Zara ou Primark incarnent la triste caricature du pire de la mode, des sanctions ciblées sur ces entreprises ne sauront suffire.

Le gouvernement français peut et doit agir, en contraignant les marques de l’industrie de la mode à transformer leurs pratiques (mais aussi celles de leurs filiales et sous-traitants, tout au long de la chaîne de valeur) en profondeur.

C’est tout le secteur de la mode qu’il s’agit d’encadrer, pour préserver l’environnement, les écosystèmes et les droits humains.

Quand l’artivisme se mobilise pour dénoncer les impacts de l’industrie de la mode

Le jeudi 23 novembre, Alternatiba Paris et le collectif Le Bruit Qui Court se sont associés à la démarche des associations pour dénoncer les impacts environnementaux et sociaux de la fast-fashion. Devant le centre commercial des Halles à Paris, les activistes ont proposé une performance artistique dansée en étendant sur des cordes à linge des vêtements maculés de liquide rouge et noir, et sur lesquels on pouvait lire “victimes de la mode” ou encore “nous consommons leur exploitation”.

Pour consommer moins, il faut d’abord produire moins

Pierre Condamine

« Face à une industrie devenue experte dans la fabrication de nouveaux besoins de consommation, culpabiliser les choix des individus ne saurait résoudre ce problème systémique. Nous demandons au gouvernement d’être réellement ambitieux, en proposant une loi consistant à plafonner les volumes de production dans l’industrie de la mode. »

Pierre Condamine
Chargé de campagne surproduction aux Amis de la Terre France

Notes
1

Planification écologique : ce qu’il faut retenir, site du gouvernement, 26 septembre 2023

4

Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, Mesurer la durabilité des systèmes de culture du coton, 2015

9

Victimes de la Mode, ActionAid, septembre 2022

11

Kantar Worldpanel

12

Simone Preuss, How effective are H&M’s circularity efforts?, Fashion United, 19 février 2021

14

David Hachfeld, What makes up the price of a Zara hoody, Public Eye, 20 novembre 2019

15

Corporate tax avoidance: Zara caught tax shopping, The Greens/EFA in the European Parliament, 8 décembre 2016

19

Données croisées Refashion, rapport d’activité 2021 & Payet, J. Assessment of Carbon Footprint for the Textile Sector in France. Sustainability 2021, 13, 2422.