BNP Paribas & climat : des avancées mais une partie importante du chemin reste à faire
Interpellée par les ONG, les scientifiques et les étudiant·es à l’occasion de son AG 2024 (1), BNP Paribas a répondu sur ses soutiens aux énergies fossiles (2). Nous décryptons ses annonces : pourquoi elles ne vont pas assez loin, mais aussi quelles sont les avancées dont il faut se réjouir après des années de mobilisation des ONG.
BNP dit « faire le maximum pour que nos financements ne puissent en aucun cas contribuer au développement de nouvelles capacités »
Cette phrase est un pas notable dans la bonne direction, parce que BNP Paribas n’a pas toujours dit cela. En sous-texte, BNP reconnaît ainsi ce que les ONG n’ont cessé d’étayer et de répéter : lorsque la banque accorde des financements “généraux” – c’est-à-dire non précisément fléchés à une activité ou à un projet – à une entreprise qui développent les pétrole et gaz, elle contribue à cette expansion incompatible avec l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 °C. Car, comme l’exprimait le directeur de BNP Jean-Laurent Bonnafé au Sénat la semaine dernière, ces financements généraux peuvent financer “tout et son contraire” (3).
BNP dit qu’elle « s’abstient et s’abstiendra encore dans le futur de participer aux émissions obligataires conventionnelles des entreprises du secteur pétrolier et gazier actives dans l’exploration-production, acteurs diversifiés inclus »
Là aussi, c’est une bonne nouvelle. Car BNP Paribas est l’un des leaders du financement du secteur. Elle a ainsi accordé 23,9 milliards de dollars à l’expansion pétro-gazière entre 2021 et 2023, et 44 % de ces financements sont passés par des émissions d’obligations. Le fait que les “acteurs diversifiés” soient concernés est également une précision importante, car cela inclut les plus grandes entreprises pétro-gazières, dont BNP Paribas a été le 3ème financeur mondial entre 2021 et 2023 (4).
Mais d’importants problèmes se posent encore. Déjà BNP Paribas communique sur cette pratique mais a refusé de s’engager à l’inscrire noir sur blanc dans sa politique climatique ou son plan de vigilance, qui sont les textes qui fixent les règlent à suivre par la banque. Appelé à plusieurs reprises lors de son assemblée générale à adopter une telle mesure officielle, Jean-Laurent Bonnafé s’est contenté de répondre que “[leur] métier n’est pas de faire des déclarations” ou “de prendre des engagements”, demandant aux ONG de “[leur] faire confiance”. Rappelons s’il est nécessaire que ce n’est pas à la société civile de faire confiance aux multinationales, mais bien aux multinationales de se conformer à leurs propres engagements climatiques et a fortiori à la loi, notamment de respecter leur devoir de vigilance.
Par ailleurs, des zones d’ombre persistent sur la portée de cette annonce, qui pourraient masquer d’importantes failles. Premièrement, BNP Paribas pourrait se cacher derrière le terme d’émissions obligataires “conventionnelles” pour continuer à émettre des obligations soi-disant soutenables ou vertes (5). C’est le cas des sustainability-linked bonds (SLB), qui s’apparentent largement à du greenwashing et peuvent soutenir des entreprises qui portent de nouveaux projets d’énergies fossiles. Ensuite, BNP Paribas doit impérativement dissiper le flou sur les entreprises qui seront exclues de ces soutiens obligataires, et garantir l’exclusion de tous les développeurs de pétrole et gaz. Nous avons en la matière de bonnes raisons de douter : alors que BNP Paribas a communiqué n’avoir fait aucune émission obligataire au secteur pétro-gazier depuis mi-février 2023, les ONG ont relevé de telles obligations à trois groupes appartenant à la liste des entreprises qui portent des projets d’exploration et de production pétro-gazière : The Abu Dhabi National Energy Company, KOGAS et Orlen.
Notons-le finalement, cet engagement de BNP Paribas ne concerne que les activités d’exploration et de production, dites “upstream”. Elle laisse une fois de plus de côté des activités de transport et notamment les terminaux de gaz liquéfié (GNL), que la banque peut même encore financer via des financements directs de nouveaux projets.
BNP dit « diminuer graduellement la part de ses crédits généralistes qui peuvent être attribués à l’exploration et production ».
La première conclusion à tirer de cette déclaration : BNP Paribas applique un double standard. Elle refuse d’appliquer aux activités de crédits ce qu’elle dit appliquer aux émissions obligataires, et n’annonce pas l’arrêt de ses prêts aux entreprises actives dans l’exploration et la production pétro-gazière. Les prêts généraux représentent pourtant plus de 54 % des financements qu’elle a accordés à l’expansion des énergies fossiles entre 2021 et 2023 (4), et contribuent tout autant au développement du secteur. C’est ainsi qu’elle a participé en décembre dernier à un prêt de 3 milliards de dollars à ENI, major italienne qui prévoit de nouveaux projets pétro-gaziers dans 16 pays du monde et est à la manœuvre derrière de nombreuses bombes carbone.
Ce même double standard demeure pour les activités d’émissions d’actions, dont BNP Paribas ne parle pas. Si ces activités représentent une part bien plus marginale de ses financements fossiles – 1,3 % de ses financements à l’expansion des énergies fossiles entre 2021 et 2023 (4) –, elles restent cruciales pour les entreprises du secteur. C’est ainsi que BNP Paribas a participé en mars 2023 à l’émission de nouvelles actions du groupe ADNOC, 5ème plus gros développeur de pétrole et gaz au monde.
Notre demande à BNP
Alors que les impacts des dérèglements climatiques sont de plus en plus prégnants et dramatiques, nous appelons BNP Paribas à aller plus loin, en s’engageant fermement et formellement à cesser toute forme de soutien à l’expansion du pétrole et du gaz.
(1) Article de L’Affaire BNP, AG de BNP : des engagements pour le climat qui se font toujours attendre.
(2) Réponses formulées à l’oral lors de l’assemblée générale, ainsi que dans les réponses de BNP Paribas aux question écrites des scientifiques, étudiant·es, et de L’Affaire BNP. Communication de BNP Paribas sur les réseaux sociaux.
(3) Audition de Jean-Laurent Bonnafé devant la commission d’enquête du Sénat sur Total.
(4) Ces chiffres sont tous issues des données financières du rapport international Banking on Climate Chaos 2024.
(5) Laurence Pessez, directrice de la RSE de BNP Paribas, mentionne sur LinkedIn “nous ne participons pas aux émissions obligataires conventionnelles (c’est à dire pas vertes) émises par des entreprises actives dans l’exploration-production et le raffinage”.