BNP Paribas exporte le chaos climatique
La BNP joue un rôle central dans le financement d'un projet d'infrastructure d'énergie fossile extrême, le terminal de Texas LNG. Cette énorme installation menace les populations avoisinantes et pourrait détruire de façon irréversible les écosystèmes locaux. Ce projet est estimé à un coût de 2 milliards de dollars.
La BNP joue un rôle central dans l’organisation du financement d’un projet d’infrastructure d’énergie fossile extrême, le terminal de Texas LNG . Cette énorme installation dans le Texas du sud, destinée à exporter du gaz obtenu par fracturation hydraulique, menace les populations avoisinantes et pourrait détruire de façon irréversible les écosystèmes locaux. Ce projet, estimé à un coût de 2 milliards de dollars, nous enfermerait pour des décennies dans une source d’énergie fossile – le gaz naturel liquéfié – qui est pire pour les climats que le charbon. BNP Paribas doit s’en retirer immédiatement.
Exporter du gaz de schiste
Le boum des gaz de schiste aux USA a conduit à une surproduction en gaz que les entreprises cherchent aujourd’hui à exporter. Texas LNG est un des 60 terminaux d’exportation prévus en Amérique du Nord. Il n’y a aucun doute que gaz exporté via Texas LNG sera du gaz de schiste. L’entreprise du même nom veut s’approvisionner avec du gaz provenant du gisement de Eagle Fort Shale dans le Texas du sud, la paque tournante du gaz de schiste dans la région.
La France a interdit la fracturation hydraulique en 2011 pour des raisons totalement justifiées en lien avec les menaces pour les ressources en eau et un certain nombre d’autres conséquences sociales et écologiques. En soutenir à l’étranger l’expansion des infrastructures de gaz obtenu par fracturation hydraulique, BNP Paribas agit dans le meilleur des cas cyniquement et dans le pire, hypocritement.
Texas LNG, un projet pire que le charbon
Le terminal émettra directement des gaz à effet de serre équivalant à 620 000 tonnes de CO2 pour chaque année de fonctionnement .
Ces émissions directement dues au fonctionnement s’ajoutent aux énormes taux de pollution en amont et en aval auquel le terminal contribue et qu’il provoque. En aval, lorsque le gaz exporté par Texas LNG sera brûlé pour produire de l’électricité, il émettra plus de 12 millions de tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de 3,5 centrales au charbon . Et encore ce chiffre ne prend même pas en compte un taux réaliste de fuite de méthane sur toute la durée du cycle de vie du gaz qui ferait plus que doubler l’impact climatique du gaz exporté par Texas LNG. Si l’on tient compte des fuites de méthane, le gaz exporté par les installations de Texas LNG aura l’impact de 7 centrales au charbon.
Menaces sur les emplois
S’ils sont construits, les trois terminaux prévus dans la vallée du Rio Grande auront de graves répercussions sur les secteurs de la pêche, de la crevette et de l’écotourisme. Ils ont déjà suscité l’opposition de groupes d’ouvriers, d’association d’entreprises, de conseils municipaux locaux et d’un groupe de militants de terrain appelé Save RGV from LNG (Sauvez la vallée du Rio Grande du GNL) . Dans la vallée du Rio Grande, le tourisme vert induit à lui seul 6 600 emplois à temps complet ou partiel. La majorité des emplois créés par Texas LNG sont des postes temporaires en lien avec la construction. Il n’y aurait au maximum que 110 employés permanents.
Racisme environnemental et injustice écologiques
Ces répercussions sur une économie actuelle dépendant de la nature sont d’autant plus inquiétantes que Texas LNG et les deux autres terminaux seront construits près de Brownsville, centre administratif d’un comté rural dont la population est composées à 93 % d’Hispaniques ou de Latinos et qui est souvent en tête de la liste des villes les plus pauvres du pays . Plus de 35 % des habitants de ce secteur vivent en dessous du seuil de pauvreté, le taux le plus élevé de toutes les zones urbaines des Etats-Unis. La région est déjà aux prises avec de grandes inégalités sanitaires et ces aménagements émettraient dans l’atmosphère, des milliers de tonnes de produits polluants dangereux.
Menaces pour la biodiversité
Texas LNG est un des trois terminaux de GNL prévus juste en bordure de ce que le Service états-unien pour les poissons et la faune appelle “un des projets les plus grands et les plus réussis de restauration de zones humides côtières aux Etats-Unis” : la section Bahia Grande de la Réserve naturelle nationale de Laguna Atascosa, où la restauration des zones humides est toujours en cours. Les 8 800 ha de la réserve sont couverts presque pour moitié de zones humides, ce qui en fait un refuge sûr pour nombre d’espèces et pour la végétation locale, ainsi qu’une barrière anti-tempête vitale contre des événements météorologiques qui augmentent en nombre et en intensité avec les changements climatiques . Cette zone est un habitat essentiel pour l’ocelot et les faucons aplomado (Falco femoralis), deux des huis espèces menacées qui trouvent un habitat dans la réserve . En août 2015, il n’y avait plus que 53 ocelots dans tout le Texas, et ils étaient nombreux dans la pointe sud de l’Etat, là où les installations pour l’exportation de GNL sont prévues .
Droits des Peuples autochtones
L’aménagement de Texas LNG est aussi une menace pour le patrimoine culturel des Peuples autochtones, patrimoine que l’entreprise n’a pas suffisamment pris en considération. Le Service du Parc National notait dans ses commentaires officiels à la Commission fédérale de régulation de l’énergie que “le site du projet de terminal Texas LNG contient un des sites archéologiques de premier plan dans le comté de Cameron, le site de Garcia Pasture”. Ce site est d’une importance historique et culturelle toute particulière pour le groupe des Carrizo/Comecrudo du Texas, un peuple autochtone aussi connu sous le nom d’Esto’k Gna, qui est originaire du delta du Rio Grande dans le sud du Texas. Or, alors qu’ils auraient donc dû être considérés comme des parties prenantes importantes au projet, l’entreprise ne les a pas contactés.
Le consentement libre, préalable et éclairé des Peuples autochtones pour des projets qui ont des répercussions sur leurs territoires traditionnels est une règle qui devrait être utilisée par les concepteurs de projets et exigée par les banques, afin de garantir la protection des droits des Peuples autochtones.
Paradoxalement, si le projet était prévu juste de l’autre coté de la rivière, au Mexique, BNP Paribas devrait satisfaire à des exigences beaucoup plus strictes en vertu du respect des Principes de l’Equateur dont elle est signataire. Elle aurait notamment dû s’assurer que le projet a reçu l’accord libre, préalable et éclairé des Peuples autochtones qui en subissent les conséquences. L’exemple récent de l’oléoduc Dakota Access montre combien faire confiance aux lois des pays hôtes, même dans les pays les plus développés, pour empêcher les risques environnementaux et sociaux, s’avère être une position bien fragile.