arton2814
AgricultureMultinationales
12 octobre 2017

Burkina Faso : les mensonges de Monsanto

Au Burkina Faso, les jours de Monsanto sont comptés. La multinationale se retire du pays.

L’introduction de son coton OGM en 2009 ne s’y est pas vraiment passée comme prévu : présentée comme une solution miracle aux attaques de ravageurs, la nouvelle variété a surtout fini par ravager la qualité et la réputation du coton burkinabè. Retour sur une histoire qui a appauvri les paysan·ne·s et fragilisé davantage encore l’économie rurale.

Le coton est un élément fondamental dans l’économie du Burkina Faso (la filière concerne directement 30 % de ses 18 millions d’habitant·e·s), qui est aussi une des principales sources de revenu de la population. Ce pays d’Afrique de l’Ouest était réputé mondialement pour la qualité de sa fibre de coton, une production qui représente actuellement 70 % de ses exportations et 4 % de son PIB.

Welcome Monsanto

À la fin des années 1990, la filière fait face à des difficultés par l’apparition de parasites qui résistent aux insecticides. Ainsi la firme Monsanto propose son Coton dit « Bt », qui produit lui-même la toxine et donc permettrait de se passer d’insecticide, de diminuer les coûts de production et ainsi d’augmenter le rendement. La multinationale convainc le gouvernement du Burkina Faso ainsi que la Sofitex, principale société cotonnière du pays et l’Inera, institut de l’environnement et de recherche agricole burkinabè.

Violant le protocole de Cathagène, signé 3 ans plus tôt, les expérimentations commencent dès 2003 sans aucune étude d’impact au préalable, sans débat public et sans agence de contrôle. L’exigence d’une réglementation et d’un contrôle sur les risques biotechnologiques n’est pas respectée. L’agence nationale de biosécurité ne sera créée qu’en 2005, et l’apparition d’une législation sur les biotechnologie en 2006. Le coton Bt passe à la phase de production et commercialisation en 2008.

Etude indépendante

En parallèle, la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (COPAGEN) se crée en 2004, issue d’une multitude d’associations citoyennes et paysannes d’Afrique de l’Ouest. Elle représente la société civile dans les enjeux de souveraineté alimentaire et pour faire face à la privatisation des ressources génétiques. Elle a enquêté auprès de 203 producteurs·rices de coton et analysé les comptes des campagnes 2015 et 2016, pour connaître les réelles conséquences de la semence transgénique et dresser un bilan bien différent de celui de la firme. Méthodiquement, l’étude reprend point par point les promesses de Monsanto :

  • I – Les coûts de production ne diminuent pas avec le coton Bt : même si les dépenses d’insecticide ont diminué, le coût de la semence Monsanto est 18 fois plus élevé que la conventionnelle. À l’hectare, l’OGM coûte 7 % plus cher à produire, mais rapporté au kilo de coton mis en vente, le surcoût est de 32 %. Le poids de la graine OGM est également plus faible que celui de la conventionnelle, or la récolte (qui mêle fibres de coton et graines) est payée au poids aux producteurs·rices : pour une même quantité de fibres, les paysan·ne·s sont donc moins rémunéré·e·s.
  • II – Les rendements n’augmentent pas avec le coton Bt : le chiffre de 30 % de rendement supérieur était annoncé par les promoteurs du Bt, mais cette fable est elle aussi démentie par les producteurs·rices ayant participé à l’enquête. En moyenne, lors des récoltes de 2015 et 2016, le rendement OGM était de 7 % inférieur au conventionnel. La semence OGM perd de son efficacité d’année en année, une forme de « dégénérescence variétale » qui impose aux paysan·ne·s et à la filière de se réapprovisionner chaque année
    en semences modifiées plutôt que de réutiliser les graines issues de la production.
  • III – Contrairement aux dires de Monsanto, les revenus ne s’accroissent pas avec le coton Bt. La multinationale prédisait une augmentation de 64 % des profits des producteurs·rices. Or, avec un surcoût de production de 7 % et un rendement par hectare inférieur de 7 %, alors que le prix de vente reste identique pour les deux types de coton, les revenus diminuent de 14 % en moyenne.
  • IV – Le coton Bt ne contribue donc pas à l’amélioration des conditions de vie des paysan·ne·s burkinabè. Officiellement, c’était pourtant le souhait de Monsanto, une firme dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur au PIB du Burkina Faso (14 milliards contre 10,7 milliards de dollars en 2015), et dont les profits continuent d’augmenter (2 milliards de dollars en 2015).

L’étude soulève d’autres points comme l’apparition d’une résistance de la chenille ciblée par l’insecticide, ce qui force les paysan·ne·s à recourir aux traitements sur une culture pourtant censée pouvoir s’en passer. Elle fait également état d’une gestion des risques désordonnée, du manque de formation et d’informations des paysan·ne·s et d’une réglementation incomplète, ce qui aggrave le bilan des autorités burkinabè et de la multinationale.

Les OGM balayés

Depuis la fin de l’année 2014, à la suite du soulèvement populaire qui a « balayé » le régime de Compaoré, les libertés se sont accrues et notamment celle de s’exprimer sur le coton Bt. Par la suite, des collectifs se sont rassemblés pour « marcher contre Monsanto », et organiser la première Rencontre internationale de résistance (RIR) aux OGM en 2016. Face à cela, les autorités ont planifié un retrait progressif du coton Bt des surfaces cultivées, pour qu’en 2018, il n’y ait plus un seul champ de coton OGM cultivé. De plus, les sociétés cotonnières du pays ont demandé un dédommagement de 50 milliards de francs CFA à Monsanto pour les pertes liées à la vente du coton de moins bonne qualité.

Fin avril 2017, se tenait à Lorient, la seconde édition des RIR OGM, avec pour but de réunir les paysan·ne·s et les citoyen·ne·s des 5 continents derrière la lutte contre les OGM.

Bernard Besnier, militant de l’Association Survie.

Article paru dans « Billets d’Afrique » n° 268 – juin 2017.

Plus d’informations : http://survie.org/