C’est beau… La détermination citoyenne en action !
La valeur ajoutée des Amis de la Terre France, c’est l’articulation fine entre notre expertise, nos actions de sensibilisation, notre plaidoyer et nos actions réalisées à des moments stratégiques - pouvant aller jusqu’à la désobéissance civile - qui nous permettent d’obtenir des victoires propres à renverser le rapport de force.
Ce printemps, nous avons d’ailleurs multiplié les actions directes non-violentes pour faire face au “bussiness as usual”.
A Bordeaux, le groupe local Gironde et ses partenaires ont organisé un DIE-IN – véritable scène de crime aux pesticides – lors de l’inauguration de la Cité du Vin. Malgré le caractère non-violent de cette action, le cadrage policier disproportionné était à l’image de l’omerta que suscite cette question sur le vignoble. Cette tentative d’intimidation n’a pas altéré la détermination des militant-e-s venu-e-s en nombre briser cette loi du silence.
Et puis il y a eu le Match “Climat vs Profits” lancé contre BNP Paribas, 4ème banque internationale à financer l’industrie du charbon. Nous avons touché deux lieux symboliques : son Centre d’Affaires, là où elle spécule contre la planète, et les populations et Roland Garros, là où elle soigne son image de marque et sa réputation. Nous avons opposé à la banque notre pleine conscience de l’urgence climatique qui pousse à nous mettre en travers des logiques de profit incompatibles avec une juste transition vers le 100% renouvelable. Malgré l’absence de considération de notre interlocuteur, nous avons tou-te-s senti qu’un rapport de force venait de s’instaurer.
Ce rapport de force s’est clairement exprimé lors du blocage du “Sommet de Pau”. Des instants riches et intenses que nous vous relatons.
Bloquer le Sommet International des pétroliers : Mission accomplie !
Difficile de décrire à chaud les émotions que nous avons pu vivre à Pau lors du blocage du MCEDD, Sommet du forage et de l’exploration pétrolière offshore. Les chiffres pourraient parler d’eux mêmes : 500 activistes mobilisé-e-s , presque 10 actions non-violentes menées en 3 jours, plus de 20 000 euros récoltés grâce à une campagne de financement participatif, 5688 signataires de l’Appel, un objectif atteint : bloquer le sommet. Tout cela a été possible grâce à vous.
Mais les chiffres ne traduiront jamais la force, l’énergie, la détermination, ainsi que la fatigue qui ont rythmé ces 6 jours historiques pour la mobilisation citoyenne et non-violente en faveur de la justice climatique !
Oui, des militant-e-s armé-e-s de coussins et de peinture blanche ont passé les barrières du palais Beaumont de Pau et ses cordons de CRS pour empêcher que les pollueurs du climat et de l’océan puissent se réunir. Mais ce n’est que la pointe visible de l’iceberg. Car la préparation et la mise en œuvre de ces actions est le résultat d’un travail collectif minutieux dans lequel tous les niveaux d’engagement auront été fondamentaux.
En amont de chaque action il aura fallu s’occuper de la logistique du camp, de la préparation du matériel, des toilettes sèches, de l’accueil, de la préparation de nourriture. Tâches insurmontables sans le soutien et la bienveillance constants de la communauté Emmaüs Lescar Pau qui nous a hébergé-e-s.
Il aura fallu former à l’action et la résistance non-violentes, car de nombreuses personnes n’avaient jamais encore participé à des actions de façon générale. L’appréhension de la confrontation même non-violente, le besoin de se connaître et de créer des groupes affinitaires, tout cela nécessite du temps.
Enfin, chacun-e aura trouvé sa place dans les actions elles mêmes : premières-lignes, « peintres », cadreur-euses, communicant-e-s, médecins, avocat-e-s, animateur-rices de slogans, distributeur-rices de tracts etc. Une mosaïque de profils, d’âges et d’expériences. Voici notre force !
Finalement, à Pau, nous avons montré qu’avec détermination et à visage découvert, nous pouvons gagner. « Victoire », ce mot, nous l’entendrons sans doute de plus en plus souvent. Car ce n’est pas fini… ça ne fait que commencer.
Nos principes d’action
Le regard de Audrey Arjoune, militante pour la justice climatique
» Connais toi toi-même pour construire dans la durée ton engagement militant »
Le jour ou tout a basculé…
“Lorsque j’étais étudiante en droit, j’avais en tête de défendre les droits humains fondamentaux. Les années passent, les cours s’enchaînent… sans qu’à mes yeux cette cause soit convenablement abordée… Pourtant, j’ai essayé de la pousser, quitte à “bousculer mes professeurs” mais sans succès.
Mes ami-e-s me disaient… “Ne cherche pas Audrey, le système il est comme ça, oui les entreprises sont parfois plus puissantes que les états, oui il existe des manières de détourner les règles juridiques qu’une multinationale maîtrise, oui dans ta carrière tu utiliseras sans doute ce droit pour ton client”…
La question de savoir si j’étais à ma place s’est posée très vite…
Me résigner ? Plutôt partir ! C’est d’ailleurs ce que j’ai choisi de faire. Mon énergie devait servir une autre cause.”
Ma première action déterminée et non-violente
“Ma première action déterminée et non-violente, je l’ai vécue en Australie avec le collectif “QUIT COAL”. Hasard du calendrier, le collectif s’apprêtait à lancer une action spectaculaire : l’interruption d’une centrale à charbon.
Lorsque j’ai appris cela, les premières images qui me sont venues en tête étaient celles du militant de l’extrême qui gravit une centrale nucléaire… Je ne m’en sentais absolument pas capable… avant de comprendre qu’on n’attendait pas ça de moi.
Ce que j’ai découvert ce jour, c’est que je pouvais participer à une action sans forcément être en première ligne. Tout le monde est important dans l’aventure qui s’écrit, à la hauteur de ses envies et ses capacités.”
Les ingrédients incontournables pour participer à une action directe non-violente.
“Il ne faut jamais considérer “l’action directe” comme étant isolée. Elle est un levier de pression au service d’une campagne portée par un collectif sur le long-terme. Elle permet de mettre un coup de projecteur sur leur travail quotidien : construction d’une expertise, actions de sensibilisation, valorisation d’alternatives, plaidoyer législatif… C’est en articulant tout cela qu’on est légitime et qu’on obtient des victoires ! Il est donc fondamental, avant de se lancer dans l’action directe, de bien comprendre le collectif qui l’organise et la campagne qu’elle sert.”
Connais-toi toi-même… pour construire dans la durée ton engagement militant !
“Pour assurer le succès de sa participation à une action directe, mieux vaut lever toutes ses incertitudes. Et pour cela, ne pas zapper les temps de formation et de “briefing” en amont de chaque action. Ils servent à présenter la campagne, à partager le sens d’une action déterminée et non-violente, à connaître les autres participant-e-s et à se rapprocher de celles et ceux qui nous rassemblent. Et puis ça permet de rassurer sur l’organisation le jour J : oui, autour de moi, il y aura des personnes “clefs” qui garantissent la sécurité des biens et des personnes, qui interviennent, qui gardent les énergies hautes ! Oui, en cas de plan B, il faudra peut-être un peu improviser, mais il y a des méthodes pour le faire collectivement et en toute confiance. Oui, il y aura toujours une porte de sortie…
Nous avons le droit d’avoir des limites et nous devons les accepter avec sincérité… Car il y a des rôles pour tout le monde et ça ne rend pas sa participation moins importante. Le succès d’une action spectaculaire dépend autant “du groupe commando ultra-formé” que de toutes celles et ceux qui étaient là. Le but, ce n’est pas de pousser les participant-e-s à aller toujours plus vite, toujours plus haut, toujours plus risqué. Inutile de “se cramer” dès la première action parce que, croyant bien faire, on atteint ses propres limites… Le combat est encore long, mieux vaut un engagement dans la douceur, dans la durée…”
A toutes celles et ceux qui doutent encore – il faut oser ! Tu ressortiras d’une action directe non-violente avec la satisfaction d’avoir fait quelque chose d’utile et d’électrisant ! Souvent, je ressens une grande fierté, un sentiment de puissance : oui j’étais légitime, oui l’action était pertinente… Je fais ma part, je suis un des grains de sable qui enraye ce système qui ne me va pas… Je suis du “bon côté de l’histoire”.
CC Photo Tatjana Avramović/YFoEE