Charbon : les ONG publient un nouvel outil de désinvestissement pour les acteurs financiers
Montreuil, jeudi 29 juin - Les Amis de la Terre France et ses partenaires internationaux révèlent aujourd'hui les noms des 120 entreprises les plus agressives en termes de développement de nouvelles centrales à charbon au niveau mondial. En contradiction totale avec l'impératif climatique de fermeture du parc existant, 1600 nouvelles centrales représentant l'équivalent de 42,8% de la capacité mondiale actuelle, sont aujourd'hui en construction ou sont prévues dans 62 pays. L'organisation allemande urgewald, qui a contribué aux annonces de désinvestissement du fonds de pension norvégien et d'Allianz, a rassemblé une base de données sur ces 120 entreprises, qu'elle publie sur le site coalexit.org. Cette base de données se veut être un outil au service des politiques de désinvestissement des acteurs financiers.
Les Amis de la Terre s’associent à urgewald, BankTrack, Rainforest Action Network, Re:Common, Development Yes / Open-Pit No et Asian People’s Movement on Debt and Development pour révéler le nom des 120 entreprises les plus agressives en termes de développement de nouvelles centrales à charbon, les développeurs de charbon (1). Car bien que la stabilisation du climat exige la fermeture des centrales à charbon existantes d’ici 2030 dans les pays de l’OCDE et d’ici 2050 dans les autres, 1600 nouvelles centrales représentant plus de 840 GW sont en construction ou prévues dans 62 pays. Ces seules 120 entreprises prévoient 540 GW, soit les deux tiers de la nouvelle capacité totale prévue, ou 2,5 fois la capacité existante en Inde (2).
« Arrêter de financer ces entreprises devrait être la priorité des acteurs financiers sérieux en matière climatique. Mais nous avons réalisé que les banques et les investisseurs n’ont aucune idée de qui sont les entreprises derrière le développement de nouvelles centrales à charbon » déclare Heffa Schuecking, directrice d’urgewald, à l’origine de cette recherche. « Notre base de données vise à combler ce manque en leur fournissant un « who is who » du développement du charbon, et à leur permettre de prévenir réellement les risques de demain. Aujourd’hui, et bien que la majeure partie de ces 120 entreprises soient asiatiques (3), les grandes banques et investisseurs européens continuent de financer le développement du charbon. Les inconditionnels présents dans tous les portefeuilles incluent NTPC, le premier développeur, ou encore KEPCO et Marubeni ».
Car les politiques de désinvestissement jusque-là adoptées se fondent principalement sur le pourcentage de charbon dans les revenus ou la production d’électricité, un critère ne permet pas de couvrir les entreprises qui sont très diversifiées, comme Marubeni – qui prévoit 13 GW dans 9 pays dont plusieurs n’ont pas ou très peu de charbon actuellement (Botswana, Egypt, Mongolie et Myanmar). Échappent également aux radars des acteurs financiers les entreprises qui ne sont pas étiquetées comme des producteurs d’électricité, certaines n’étant pas même des entreprises originellement du secteur énergétique. Sont par exemple présents l’entreprise pétrolière vietnamienne Petrovietnam qui prévoit 3600 MW de nouvelle capacité charbon, ou le producteur malaysien d’encre pour imprimante ToyoInk.
« Même le pourcentage que nous recommandons, à savoir de 30%, ne permettrait de couvrir qu’un tiers des développeurs de charbon, d’où notre plaidoyer depuis 2015 en faveur d’un critère complémentaire strict fondé sur les plans de développement des entreprises. Nous publierons des données actualisées à la rentrée sur les soutiens des banques et investisseurs français à ces entreprises, mais celles dont nous disposons déjà nous permettent de dire qu’aucun n’est épargné, tous continuent de soutenir la construction de nouvelles centrales à charbon, que ce soit en Asie ou en Afrique, et même parfois en Europe. Elles ont donc quelques semaines pour avancer sur ce sujet et suivre l’exemple du néerlandais ABN AMRO (4) en excluant explicitement ces entreprises de leurs soutiens » poursuit Lucie Pinson, chargée de campagne Finance privée des Amis de la Terre France.
Yann Louvel, coordinateur de la campagne Energie-Climat de BankTrack conclut : « Les acteurs financier aiment se cacher derrière les décisions des gouvernements mais sur les 64 pays dans lesquels sont prévus de nouvelles centrales, 14 n’ont aucune capacité charbon actuellement. C’est notamment le cas de l’Egypte qui n’a pas une seule centrale à charbon mais où plus de 17000 MW pourraient être construits, notamment avec l’aide d’entreprises non égyptiennes comme ACWA Power et Shanghai Electric. De nombreux autres pays verraient leur capacité charbon exploser, comme le Pakistan qui passerait de 190 MW à 15,278 MW, soit une augmentation de 8,000%. Alors que des pays historiquement très charbonnés comme les USA et la Chine font marche arrière sur le charbon, les banques et investisseurs ne doivent pas contribuer à enfermer de nouveaux pays dans une dépendance climaticide. Il leur faut donc adopter ou mettre à jour d’urgence leurs politiques sectorielles pour exclure les entreprises derrière ces projets, que nous révélons aujourd’hui « .
Contact presse : Lucie Pinson, chargée de campagne Finance privée, 0679543715, lucie.pinson@amisdelaterre.org
(1) La liste noire des développeurs de charbon est disponible sur le site coalexit.org. Elle ne reflète que la part en MW véritablement détenue par des entreprises et ne couvre pas leur rôle comme sous-traitants ou fournisseurs d’équipement. Une base de données plus large sur le secteur du charbon dans son ensemble sera publiée à l’automne.
(2) Ces chiffres sont fondés sur la base de données Global Coal Plant Tracker de CoalSwarm, lequel recense les centrales à charbon existantes et prévues au niveau international.
(3) Le plus gros développeur est l’indien National Thermal Power Corporation (NTPC) qui prévoit plus de 38 GW en Inde et au Bangladesh. Suivent ensuite les entreprises chinoises SPIC (31587 MW), China Datang (28945 MW), Shenhua (26014 MW), China Huadian (25810 MW), China Huaneng (20750 MW) et China Guodian (17250 MW). L’ensemble des entreprises chinoises représentent 43% des projets de la liste noire, mais 1/6ème sont prévus dans des pays asiatiques et africains autres.
(4) La politique d’ABN AMRO est disponible ici.
Photo: Manifestation contre le projet de centrale à charbon de Rampal par NTPC au Bangladesh. Crédit photo : Rainforest Action Network