Mugisa Peteyete
Multinationales
27 juin 2023

Inédit : les communautés ougandaises attaquent Total en justice

Après plus de trois ans de débats procéduraux dans le cadre d’une première action en justice contre les projets de Total en Ouganda, la société civile n’a pas dit son dernier mot.

La bataille judiciaire contre Total reprend en France ! Aujourd’hui, 26 personnes affectées, le défenseur des droits humains Maxwell Atuhura et cinq associations ougandaises et françaises (AFIEGO, les Amis de la Terre France, NAPE/Amis de la Terre Ouganda, Survie et TASHA Research Institute) assignent Total en justice.

L’objectif ? Demander réparation pour les violations des droits humains causées par les projets Tilenga et EACOP, opérés par Total en Ouganda.

Une action en justice inédite

Les projets Tilenga et EACOP, développés par Total, sont désormais emblématiques dans la lutte contre le géant pétrolier français. Pour cause, ces projets sont emblématiques des ravages environnementaux et des violations des droits humains liés au pétrole partout dans le monde.

Par cette nouvelle action justice fondée sur la loi sur le devoir de vigilance des multinationales, les associations et membres des communautés affectées mobilisent cette fois-ci le volet « réparation » de la loi (et non le volet « prévention ») et visent à obtenir l’indemnisation des préjudices subis du fait des violations commises dans le cadre des projets de Total en Ouganda.

Les associations et personnes affectées ont rassemblé les preuves démontrant que Total a failli à ses obligations. Et ces failles sont nombreuses… En effet, pour satisfaire à ses obligations de vigilance, Total aurait dû identifier les risques de violations des droits humains et faire le nécessaire pour éviter leur réalisation et y remédier. Or, la multinationale n’a pas agi en conséquence, même après que les risques se sont réalisés et ont été largement documentés et dénoncés par la société civile, et alors que de telles violations étaient parfaitement identifiables et prévisibles dans un pays autoritaire comme l’Ouganda.

Publication
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Presse

Total au tribunal : les communautés ougandaises attaquent le géant pétrolier français

Des violations à conjuguer au pluriel

Le méga-projet pétrolier, articulé autour de Tilenga (projet d’extraction pétrolière qui prévoit le forage de plus de 400 puits de pétrole) et EACOP (l’oléoduc chauffé le plus long au monde), implique des violations des droits humains au caractère multiple.

  • Dans le cadre de Tilenga et EACOP, plus de 118 000 personnes sont expropriées totalement ou partiellement.
  • De nombreuses personnes affectées ont été contraintes de céder leurs terres à Total sous la pression, sans leur consentement.
  • Surtout, elles ont été interdites de cultiver librement leurs terres pendant plus de trois ou quatre ans, avant tout versement d’une compensation, alors que leurs terres constituent bien souvent leur unique moyen de subsistance.
  • Cette situation a engendré de graves pénuries alimentaires, voire des famines dans certaines familles, violant donc leur droit à l’alimentation. Pour celles qui ont finalement reçu une indemnisation pour leurs terres et cultures, celle-ci s’est avérée insuffisante et donc injuste.
  • Par ailleurs, la construction d’une usine de traitement du pétrole, dans le cadre du projet Tilenga, a causé de graves inondations dans certains villages, impactant fortement les terres agricoles.
  • Enfin, les membres des communautés ou des associations s’opposant publiquement à Tilenga et EACOP ont été menacées, harcelées et arrêtées, violant leur droit à la liberté d’expression et d’opinion.

De telles pratiques sont inacceptables et inhumaines. C’est pourquoi les communautés se tournent vers la justice française !

« Les pressions étaient vraiment très fortes : ils sont venus chez nous plusieurs fois pour nous intimider et nous forcer à signer. »

Kisembo Rugadya
personne affectée par les projets de Total
Publication
couverture du rapport
Rapport

Un cauchemar nommé Total

Un difficile accès à la justice

L’accès à la justice est un véritable parcours du combattant pour les communautés affectées par les projets dévastateurs des multinationales aux quatre coins du globe. En effet, encore aujourd’hui, la charge de la preuve repose sur les personnes affectées et les associations, et non sur les entreprises accusées : ce ne sont pas aux multinationales de prouver qu’elles respectent leur devoir de vigilance, mais ce sont aux personnes affectées de prouver les préjudices subis et leur lien de causalité avec la faute commise par l’entreprise, c’est-à-dire les manquements au devoir de vigilance dans le cadre de ses activités ou celles de ses filiales ou sous-traitants. Or, collecter des preuves est très difficile et coûteux, et même dangereux dans des pays comme l’Ouganda. Cela est donc dissuasif et constitue à obstacle pour l’accès effectif à la justice.

Les communautés ougandaises, dont les droits ont été bafoués et piétinés, doivent être indemnisées et obtenir réparation.