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Communiqué de presse5 avril 2019

À bientôt au tribunal ! Les Amis de la Terre Pays-Bas assignent Shell pour un procès climatique historique

La Haye, 5 avril 2019. Aujourd’hui, les Amis de la Terre Pays-Bas remettront à Shell, au nom de plus de 30 000 personnes de 70 pays, une assignation pour obliger formellement l’entreprise à cesser de détruire le climat.

Cette assignation de 205 pages sera remise à Shell cet après-midi dans son siège international de La Haye par les Amis de la Terre Pays-Bas, ActionAid Pays-Bas, Both ENDS, Fossielvrij Pays-Bas, Greenpeace Pays-Bas, les Jeunes Amis de la Terre Pays-Bas, Waddenvereniging 1, et par un groupe de 500 co-requérants.

Donald Pols, directeur des Amis de la Terre Pays-Bas commente : « Les directeurs de Shell ne veulent toujours pas dire adieu au pétrole et au gaz. Ils sont en train de pousser le monde au fond du gouffre. Le juge peut éviter qu’il en soit ainsi ».

Dans l’assignation, les Amis de la Terre Pays-Bas expliquent brièvement pourquoi ils intentent ce procès climatique sans précédent : ils montrent que l’entreprise connaissait depuis longtemps le problème du changement climatique 2 et décrivent en quoi elle y a contribué. Alors que Shell reconnaît que l’industrie fossile a la responsabilité d’agir face au dérèglement du climat et déclare qu’elle « soutient avec force » l’Accord de Paris, elle continue de faire du lobbying contre les politiques climatiques et d’investir des milliards dans l’extraction de pétrole et de gaz. Cette attitude est incompatible avec les objectifs climatiques mondiaux.

En effet, le rapport 2018 du GIEC (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat) 3, une pièce à conviction fondamentale dans cette affaire, souligne l’importance de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré pour protéger les écosystèmes et la vie humaine, et décrit les effets dévastateurs et potentiellement irréversibles de « toute augmentation supplémentaire de la température, aussi minime soit-elle ».

L’assignation prouve que les ambitions actuelles de Shell en matière de climat ne garantissent aucune diminution des émissions et qu’elles contribueraient en fait à dépasser de beaucoup la limite de 1,5 degré de réchauffement planétaire. Les requérants soutiennent que Shell manque à son devoir de diligence et met en danger les droits humains en amoindrissant sciemment les possibilités du monde de rester en-deçà de 1,5º C.

En outre, les requérants affirment que Shell viole les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme 4 – droit à la vie et droit au respect de la vie privée et familiale. Dans l’affaire historique d’Urgenda contre les Pays-Bas 5, la cour d’appel néerlandaise a créé un précédent en statuant que le fait de ne pas atteindre les objectifs climatiques constitue une violation des droits des citoyens. La cour a ordonné à l’État néerlandais de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 25 % d’ici à 2020.

L’avocat Roger Cox qui, représentait précédemment Urgenda, dirige maintenant l’action judiciaire des Amis de la Terre contre Shell. Selon lui, « Ce qui rend unique ce cas, si nous gagnons, c’est que Shell, en tant qu’une des plus grandes multinationales du monde, serait légalement contraint à changer son modèle économique. Nous nous attendons également à ce que cela ait un effet sur les autres entreprises du secteur des énergies fossiles, augmentant la pression pour qu’elles changent. »

Si les requérants ont gain de cause, le tribunal décidera que, d’ici à 2030, Shell devra réduire ses émissions de CO2 de 45 % par rapport à celles de 2010, et les porter à zéro pour 2050, comme prévu par l’Accord de Paris. Cela aurait de fortes implications, car Shell serait forcée de se détourner des énergies fossiles.

Sara Shaw, coordinatrice du programme Justice climatique & énergie des Amis de la Terre International, explique : « Dans des documents des années 1990 qui ont été divulgués 6, Shell prédisait que les organisations écologistes allaient un jour poursuivre en justice l’entreprise si celle-ci n’écoutait pas les avertissement de ses propres chercheurs. Ce jour est arrivé. La multiplication des procès climatiques 7 va obliger les multinationales climaticides comme Shell à rendre des comptes, et finira par les obliger à s’arrêter net  ».

Juliette Renaud, chargée de campagne senior sur la Régulation des multinationales aux Amis de la Terre France conclut : «  Le lancement de cette action contre Shell vient rappeler une fois de plus la nécessité de normes contraignantes pour mettre fin à l’impunité dont jouissent actuellement les multinationales, malgré les impacts croissants de leurs activités sur les populations, l’environnement et le climat. Elle s’inscrit dans la même logique que la loi pionnière sur le devoir de vigilance pour laquelle nous nous sommes battus en France, et que notre mobilisation pour l’adoption d’un traité à l’ONU  ».


Références et notes à l’intention des rédacteurs :

Le résumé de l’assignation est disponible ici.

La version intégrale de l’assignation est disponible ici.

Interview avec Roger Cox, avocat principal chargé de l’action en justice des Amis de la Terre contre Shell.

L’année dernière, les Amis de la Terre Pays-Bas ont lancé le procès contre Shell en lui adressant, le 3 avril 2018, un mise en demeure, disponible ici.

Réponse de Shell du 28 mai 2018 à la lettre des Amis de la Terre Pays-Bas.

Notes
1

En février 2019, ActionAid Pays-Bas, Both ENDS Pays-Bas, Fossielvrij NL, Greenpeace Pays-Bas, les Jeunes Amis de la Terre Pays-Bas, Waddenvereniging, ont rejoint les Amis de la Terre Pays-Bas / Milieudefensie en tant que co-requérants.

5

Plus d’information su l’action en justice d’Urgenda sur le climat contre le gouvernement néerlandais.

7

Plusieurs procès qui ont tenu des entreprises pollueuses pour responsables du changement climatique existent dans le monde. En 2016, un agriculteur péruvien a poursuivi en justice la société charbonnière allemande RWE pour sa contribution à la fonte des glaciers. En 2017, plusieurs villes et États nord-américains ont intenté des procès contre Shell, BP, ExxonMobil et Chevron. En France, en 2018, un groupe d’organisations et de municipalités a annoncé qu’ils lanceraient une potentielle action contre Total.