À la veille du Climate Finance Day, les banques françaises échouent à présenter des politiques cohérentes de sortie des énergies fossiles
Société Générale, Natixis et Crédit Mutuel ont annoncé de nouveaux engagements de retrait des énergies fossiles. Reclaim Finance et les Amis de la Terre font le tri entre les avancées et le greenwashing. Ils dénoncent, cinq ans après l’Accord de Paris, leur incapacité à se mettre en ordre de marche pour répondre à l’urgence climatique.
“Les annonces qui ont eu lieu aujourd’hui résument bien les enjeux de redirection des flux financiers vers la transition écologique. Il faut en finir pour de vrai avec le charbon tout en s’attelant au plus vite au secteur gazier et pétrolier, afin de ne pas prendre encore plus de retard sur le nécessaire alignement des flux financiers sur une trajectoire 1,5°C”, commente Lucie Pinson, fondatrice et directrice générale de Reclaim Finance.
Elle ajoute : “Mais elles trahissent aussi l’incapacité des banques, Société Générale en tête, à y répondre. La pâleur des annonces rappelle une fois de plus la nécessité de réguler rapidement le secteur financier afin d’enclencher des réelles ruptures et de stopper l’expansion des énergies fossiles”.
Faisant suite à l’engagement pris par la Place de Paris le 2 juillet 2019, Natixis vient de préciser les modalités de sa politique charbon. Non seulement elle ne s’aligne pas avec les meilleures pratiques de la Place financière, mais elle recule sur certaines mesures annoncées auparavant 1. D’après le Coal Policy Tool qui note l’intégralité des politiques adoptées par les acteurs financiers ayant plus de 10 milliards d’actifs, 15 acteurs financiers français regroupés dans 10 groupes financiers ont tenu promesse et adopté des politiques robustes de sortie du charbon, 6 groupes n’en sont pas loin, mais plus de 10 n’ont toujours que des politiques lacunaires et insuffisantes 2.
Après une décennie de révisions périodiques de leurs politiques sectorielles sur le charbon et cinq ans après la COP21, les acteurs financiers restent en outre incapable de répondre à l’urgence de planifier la sortie de l’ensemble des énergies fossiles.
Société Générale a dit ce matin s’engager à réduire son exposition au gaz et au pétrole de 10% d’ici 2025, mais n’indique pas comment hormis son intention de mettre un terme à ses “financements de l’extraction de pétrole et gaz onshore aux Etats-Unis” 3.
Société Générale reste malheureusement fidèle à sa position de grande retardataire du climat. Il est facile d’annoncer en grande pompe une sortie toute relative des pétrole et gaz, d’autant plus quand on ne s’astreint pas à détailler la moindre mesure concrète et ambitieuse pour y parvenir.
Elle poursuit : “Elle fait mine de s’attaquer à l’industrie des pétrole et gaz de schiste américaine, un pas qui pourrait sembler significatif venant d’une banque qui n’a pas cessé de marteler que le gaz de schiste est une énergie de transition 4. Mais cet engagement fait déjà la démonstration de ses lacunes : comme Crédit Agricole et Natixis il y a quelques mois 5, Société Générale ne compte pas renoncer au développement massif de nouvelles infrastructures pétrolières et gazières, pipelines et terminaux de gaz liquéfié, aux Etats-Unis et ailleurs 6”.
Crédit Mutuel s’est par ailleurs engagé à réduire son empreinte carbone de 15% d’ici 2023 7. Il doit désormais faire suite à son engagement de février dernier et adopter des critères d’exclusion des “entreprises qui n’ont pas de plan public et crédible et comportant des échéances précises de sortie des hydrocarbures non conventionnels” 8.
Présent demain matin au Climate Finance Day, Bruno Le Maire ne manquera pas de dresser un bilan de la mobilisation de la Place financière française pour le climat. Reclaim Finance et les Amis de la Terre l’appellent à la lucidité et à l’action. Deux ans jour pour jour après avoir pris la parole pour exiger des acteurs financiers la fin de leurs soutiens aux secteurs polluants, le ministre doit sanctionner les acteurs qui n’auraient pas tenu promesse sur le climat et obliger l’adoption de mesures visant une sortie des énergies fossiles par tous les acteurs financiers.
Voir l’annonce de Natixis et l’analyse de Reclaim Finance.
Voir le Coal Policy Tool international et sa version dédiée aux acteurs français. Si le Coal Policy Tool ne répertorie que les engagements charbon des acteurs avec plus de 10 milliards de dollars d’actifs, la version française prend également en compte des acteurs avec moins d’actifs. Meeschaert y apparaît comme ayant également une politique robuste de sortie du charbon, augmentant le nombre de groupes financiers français à avoir tenu promesse à 16.
Les 16 acteurs financiers français avec une politique robuste de sortie du charbon appartiennent au groupe AG2R La Mondiale, AXA, CNP Assurances, Crédit Agricole, Crédit Mutuel, La Banque Postale Asset Management, Macif, Meeschaert, OFI Asset Management et SCOR en tant qu’investisseur.
Les 6 groupes financiers français à avoir une politique proche de ce qu’il faudrait sont BNP Paribas, la CDC, la Française, MACSF, Natixis et Société générale.
Parmi ceux qui en sont loin se trouvent Carmignac Gestion, Covéa, Groupama, Oddo BHF AM, SMA, Tobbam, Tikehau Capital, ou encore SCOR en tant que réassureur.
Voir l’annonce de Société Générale et l’analyse de Reclaim Finance.
Lettre ouverte de Société Générale mentionnant que “le gaz, y compris le gaz de schiste, est une énergie de transition nécessaire”.
Analyse des Amis de la Terre et de Reclaim Finance des annonces des acteurs financiers à l’occasion de leurs assemblées générales 2020.
Rapport des Amis de la Terre et de Reclaim Finance de mai 2020 révélant la surexposition des acteurs financiers à l’industrie du schiste, Société Générale en tête.
Interview de Nicolas Théry, Président du Crédit Mutuel Alliance Fédérale dans le JDD dimanche 25 octobre.
Voir l’annonce de Crédit Mutuel et le communiqué de presse diffusé en février 2020.