AG de Total et sables bitumineux : la voix de deux scientifiques internationaux contre les lobbies des pétroliers et du Canada
Montreuil, le 17 mai 2013 – Deux scientifiques de renommée internationale James Hansen et Mark Jaccard sont présents aujourd’hui à Paris dans le cadre d’une tournée européenne.
Ils rappellent aux décideurs français et européens que la lutte contre le changement climatique ne peut attendre et qu’il est absolument nécessaire de renoncer à l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels. Alors que la multinationale française Total tient ce matin son Assemblée générale, une semaine après la visite européenne du ministre des Ressources naturelles du Canada, Joe Oliver, venu promouvoir les sables bitumineux canadiens, les Amis de la Terre demandent aux décideurs français et à Total d’engager une véritable transition énergétique et de cesser toute exploitation d’hydrocarbures non conventionnels.
Votée en 2008, la révision de la Directive européenne sur la Qualité des carburants n’a toujours pas été mise en œuvre, alors qu’elle constituerait un outil inédit pour freiner l’importation de sources de carburants très polluantes (1). Elle permettrait donc de décourager leur production dans le monde entier, notamment dans des zones toujours plus fragiles comme à Madagascar ou au Congo (2).
Juliette Renaud, chargée de campagne sur les Industries extractives aux Amis de la Terre France s’indigne : « Ce retard est dû au lobby féroce exercé par les compagnies pétrolières et le gouvernement canadien, qui s’entêtent à vouloir développer l’exploitation des sables bitumineux, plaçant leurs intérêts économiques et financiers avant le bien-être et les droits des populations locales, et avant la protection de l’environnement et du climat ».
Invité mardi dernier par le Parlement européen pour une conférence, le climatologue James Hansen a alerté : « Si nous voulons sérieusement contenir le réchauffement climatique en deçà de 2 °C, ce qui provoquerait déjà une augmentation de 6 mètres du niveau de la mer, alors nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d’exploiter les sables bitumineux ou d’autres hydrocarbures non conventionnels. Cela signifierait un « game over » pour le climat, et laisserait à nos enfants une situation incontrôlable de changements irrémédiables. Nos parents ne connaissaient pas l’impact de la combustion des énergies fossiles ; mais les preuves scientifiques sont maintenant claires : dans le futur, on ne pourra que « prétendre » que nous ne savions pas ».
Des arguments auxquels Total fait la sourde oreille, se targuant au contraire de vouloir « Repousser les limites » : « Explorer des zones inconnues ou jusqu’alors difficiles d’accès, travailler sur de nouvelles thématiques géologiques prometteuses… C’est l’expression de la stratégie d’exploration plus ambitieuse de notre Groupe » (3).
Quant à Mark Jaccard, scientifique canadien ancien membre du GIEC, qui intervenait à cette même conférence, il s’est dit outré du comportement du gouvernement de son pays, qui va jusqu’à menacer l’UE de déposer une plainte à l’OMC : « La directive européenne sur la Qualité des carburants va simplement étiqueter les carburants issus des sables bitumineux avec une valeur correcte d’émissions carbone, afin de rendre compte des quantités supplémentaires d’énergie utilisées pour les extraire du sol. Ce n’est ni une interdiction, ni une taxe à l’importation. Donc le lobby intense exercé actuellement par le gouvernement du Canada semble disproportionné (4), qui plus est venant d’un pays qui est sorti de Kyoto et qui est sur la voie de manquer son propre objectif de réduction d’émissions carbone par plus de 20 %, en grande partie à cause de l’extraction des sables bitumineux ».
Juliette Renaud conclut : « Nous réitérons notre demande à Total de cesser immédiatement ces projets d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, et que cette multinationale se responsabilise pour les dégâts qu’elle commet dans le monde entier. Les Amis de la Terre demandent aussi au gouvernement français d’être plus courageux que son prédécesseur (5), en ne cédant pas aux pressions de ces lobbies et en soutenant clairement les efforts de la Commission européenne en disant « non » aux sources de carburants polluantes comme les sables bitumineux et les huiles de schiste (6) ».
Contacts presse :
• Caroline Prak, Les Amis de la Terre : 06 86 41 53 43 / 01 48 51 18 96 – caroline.prak@amisdelaterre.org
• Juliette Renaud, Les Amis de la Terre : 06 37 65 56 40 / 01 48 51 18 92 – juliette.renaud@amisdelaterre.org
Notes :
(1) Pour plus d’informations sur la Directive européenne sur la Qualité des carburants et la campagne des Amis de la Terre « Sables bitumineux : halte au pouvoir des lobbies ! »
(2) Sur les projets de sables bitumineux à Madagascar, lire le rapport des Amis de la Terre France, Madagascar : nouvel eldorado des compagnies minières et pétrolières (novembre 2012)
(3) Total, L’essentiel 2012-2013, p.17.
(4) Pour plus d’informations sur le lobby exercé par le gouvernement canadien en Europe, lire le dernier rapport des Amis de la Terre Europe, Keeping their head in the sands : Canada’s EU Fuel Quality Directive lobby diary (janvier 2013).
(5) Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la France n’avait pas voté en faveur de la proposition de la Commission européenne sur les modalités de mise en œuvre de la directive sur la Qualité des carburants. Pour plus d’informations, lire les communiqués de presse des Amis de la Terre ici et là.
(6) Un nouveau vote est attendu dans les prochains mois, au Conseil Environnement de l’Union européenne. Les Amis de la Terre ont donc lancé une pétition adressée à la ministre de l’Écologie Delphine Batho. Pour la signer, cliquez ici.