Alstom : retour sur 7 ans d’affaires de corruption
Zagreb et Montreuil, 2 Octobre 2014 - Une analyse du réseau CEE Bankwatch publiée aujourd'hui [1] dénonce le choix des entreprises française Alstom et japonaise Marubeni, qui ont été retenues par l'appel d'offre pour le projet de centrale à charbon Plomin C en Croatie.
Leurs antécédents, et notamment plusieurs condamnations pour corruption, devraient alarmer le public croate et les investisseurs potentiels du projet.
Alstom et/ou son personnel ont été jugés coupables de délits de corruption dans au moins sept affaires dans différents pays au cours des sept dernières années. Ils font également l’objet d’enquêtes en cours, comme par exemple le cas de la centrale à lignite de Sostanj en Slovénie. Récemment, le bureau anti-corruption anglais, le Serious Fraud Office, a condamné la branche Alstom Network UK pour avoir versé environ 8,5 millions de dollars en pots-de-vin entre 2000 et 2006 pour remporter des contrats de transport en Inde, Pologne et Tunisie. Alstom a été mis sous observation par le ministère des Finances norvégien depuis 2011 après que le Conseil d’Ethique a recommandé en 2010 d’exclure Alstom SA du Fonds de pension gouvernemental-étranger [2].
« Après avoir vu l’exemple de Sostanj en Slovénie, où les procureurs enquêtent sur les actes de corruption d’Alstom, il est assez choquant de constater que c’est cette même compagnie qui a été sélectionnée par l’appel d’offres en Croatie, juste à côté », constate Pippa Gallop du Réseau CEE Bankwatch. « Sostanj est aujourd’hui une débâcle, un projet ruineux où de nombreuses erreurs ont été faites, erreurs que les autorités sont impuissantes à corriger aujourd’hui. Nous ne voulons pas d’un nouveau Sostanj en Croatie : les acteurs français, et notamment les entreprises, doivent cesser leurs investissements dans le charbon, qui a des impacts sur le climat, la santé des individus et les conditions de vie des travailleurs du secteur » dénonce Malika Peyraut, des Amis de la Terre.
Quant à Marubeni, le partenaire d’Alstom pour ce projet, l’entreprise a été impliquée dans deux cas majeurs de corruption en trois ans, pour lesquels elle doit payer respectivement des pénalités de 88 et 54,6 millions de dollars. En conséquence, la compagnie s’est vue interdite de prêts de la part de l’Agence de Coopération Internationale japonaise pour neuf mois à partir de mars 2014.
« Le choix de ces deux compagnies est une énorme preuve de confiance de la part autorités croates », explique Pippa Gallop, du réseau CEE Bankwatch. « Leurs antécédents devraient imposer un devoir de vigilance aux autorités croates. Quant aux institutions qui envisagent de financer cette nouvelle unité de charbon, elles doivent mener une étude scrupuleuse du projet [3]. »
La construction de la nouvelle unité de charbon Plomin C est contestée depuis des années en raison de son impact potentiel sur les communautés et le climat, mais aussi pour des raisons de viabilité et de légalité :
– le projet repose sur l’importation du charbon, et ne permettra donc pas de réduire la dépendance énergétique de la Croatie ;
– l’ancien directeur de la construction de l’unité Plomin 2, au même endroit, a estimé que le projet ne serait pas viable économiquement [ 4] ;
– afin de surmonter ces inconvénients, le promoteur du projet, HEP, offre aux investisseurs un accord d’achat d’électricité de long terme pour acheter au moins 50 % de l’électricité produite pendant au moins 25 ans. Selon l’analyse de l’organisation juridique hongroise EMLA, cet accord est certainement illégal selon la législation européenne des aides d’État [5].
Notes:
_ * Pour en savoir plus sur le projet Plomin C, et l’ensemble des aspects problématiques entourant ce projet, consulter : « Bienvenue à la Croatie, mais pas aux nouvelles centrales d’EDF! » et http://bankwatch.org/our-work/projects/plomin-coal-power-plant-croatia
_ [1] Le rapport est disponible sur : http://bankwatch.org/sites/default/files/briefing-Plomin-AlstomMarubeniCorruption.pdf
[2] Ministry of Finance: Government Pension Fund Global: Company placed on observation list, 06.12.2011, http://www.regjeringen.no/en/archive/Stoltenbergs-2nd-Government/Ministry-of-Finance/Nyheter-og-pressemeldinger/nyheter/2011/government-pension-fund-global-company-p.html?id=665635
[3] Pour l’heure il n’est pas clair quelles banques envisagent le financement de Plomin C. Plusieurs banques publiques et commerciales avec lesquelles Bankwatch, Les Amis de la Terre Croatie / Zelena Akcija et Banktrack ont été en contact, ont nié toute participation.
[4] Voir http://slidesha.re/18JYncL pour un calcul par le Professeur Enco Tireli utilisant le Guide de l’analyse coût-bénéfice de la Commission européenne. Il examine également différents scénarios de prix d’émissions de CO2 et a conclu que Plomin C ne serait pas économiquement acceptable même avec un prix du CO2 à 4 euros la tonne.
[5] Voir http://bankwatch.org/sites/default/files/PlominC-legalopinion-publicsummary-22Apr2014.pdf
-> Alstom a été plusieurs fois nominée aux Prix Pinocchio pour différentes activités. L’entreprise a aussi été nominée pour ses activités de corruption au « Public Eye Awards » en 2013: http://bankwatch.org/news-media/for-journalists/press-releases/alstom-nominated-prestigious-public-eye-awards
Contacts :
Caroline Prak, Les Amis de la Terre, caroline.prak@amisdelaterre.org, 06 86 41 53 43
Pippa Gallop, CEE Bankwatch Network, pippa.gallop@bankwatch.org, +385 99 755 9787
Bernard Ivcic, Zelena akcija/Friends of the Earth Croatia bernard@zelena-akcija.hr, +385 99 314 9138