Au Gouvernement et dans les territoires, la bataille pour le moratoire est engagée.
Paris, le 7 juillet 2020 - Si la nomination de Barbara Pompili est perçue comme un signal positif pour le moratoire sur les équipements commerciaux en périphérie, les procédures d’autorisations de nombreux projets se poursuivent et d’importants doutes subsistent quant à l’ambition réelle du Gouvernement.
Le soutien affiché du Président de la République au moratoire sur les équipements commerciaux en périphérie proposé par la Convention Citoyenne pour le Climat a donné de l’espoir aux 68 collectifs en lutte sur leur territoire contre des projets de zones commerciales ou d’entrepôts de e-commerce.
La nomination de Barbara Pompili au Ministère de l’Environnement deux semaines après qu’elle ait pris publiquement fait et cause pour le moratoire représente un autre signal positif.
Ce lundi, les collectifs ont envoyé une lettre ouverte au Président pour exiger la mise en oeuvre immédiate et sans manipulation de la parole Présidentielle. Hier soir, ils se sont rendus devant leur Préfecture, responsable de l’autorisation de ces projets, pour l’y déposer.
La victoire des alliances EELV dans des Métropoles concernées par des projets a également donné lieu à des positionnements forts des nouveaux édiles : la nouvelle Maire et Présidente de la Métropole de Nantes, s’est opposée à l’implantation d’Amazon à Carquefou dès le lendemain de son élection 1. A Lyon, l’implantation d’un projet de 160 000m2 à proximité de la Métropole a fait l’objet d’importants débats pendant les municipales 2et les verts qui y sont farouchement opposés ont remporté ville et Métropole. La Région Nouvelle Aquitaine vient de se positionner contre l’implantation d’Alibaba à Belin-Beliet 3…
Tout semble paver la voie vers une victoire pour les opposants aux projets, mais la réalité apparaît plus complexe. De nombreuses collectivités n’ont pas renoncé à leurs projets d’entrepôts ou de centres commerciaux. L’enquêteur public vient de donner un avis favorable à la construction d’un projet d’entrepôt Amazon de 190 000m2 sur des terres agricoles à Ensisheim en Alsace 4, et celui de 76 000 m² à Belfort pourrait être autorisé dans les prochains jours. Pour éviter que le moratoire légal n’arrive trop tard pour de nombreux projets, les collectifs ont demandé le gel immédiat de toutes les procédures en cours.
Les Amis de la Terre alertent sur le fait que les résistances ne se trouvent pas que dans les territoires. Les arbitrages ne sont toujours pas réglés au plus haut niveau de l’Etat.
“Il est possible que le Gouvernement n’ait pas l’intention d’adopter un vrai moratoire et ménage des portes de sorties aux élus locaux et aux entreprises de la grande distribution, du e-commerce, aux foncières immobilières… »
Alma Dufour complète : “L’inefficacité totale de la Loi ELAN pour limiter les implantations en périphérie, démontre qu’on peut se montrer volontariste sur un sujet tout en rédigeant un texte qui ne change absolument rien.”
Les Amis de la Terre identifient plusieurs failles au mécanisme. Alors que c’était l’intention des citoyens de la Convention Citoyenne pour le Climat, les entrepôts de e-commerce ne sont pas explicitement inclus dans la mesure. Pourtant, leur impact sur le changement climatique, l’artificialisation, les destructions d’emplois et la désertification des centres villes est encore plus important que celui des zones commerciales.
La mesure ne semble pas non plus prendre en compte les “réserves foncières”, des milliers d’hectares de terrains naturels ou agricoles déjà classés constructibles par les élus pour attirer de gros projets immobiliers. A Ensisheim, Dambach-la-Ville, Fournès, les projets d’Amazon vont ainsi artificialiser des terres agricoles classées commerciales et industrielles.
Enfin, la possibilité de reprise de bâtiments existants pour les transformer en entrepôt e-commerce ou zone commerciale ne règle pas les enjeux de surproduction, alors que les émissions liées à nos importations sont déjà supérieures aux émissions nationales. Elle ne règle pas non plus la question de la désertification des centres villes et de la destruction d’emplois au moment où plus de 26 000 emplois sont menacés à court terme dans le commerce non alimentaire 5.
Alma Dufour conclut: “Nous redoutons le poids du lobby des foncières immobilière, de la grande distribution, du e-commerce, des élus locaux, qui pourrait l’emporter sur l’ambition affichée par le Président de la République. Concernant les implantations d’Amazon et d’Alibaba nous nous trouvons à un carrefour. S’ils ne sont pas inclus dans la mesure qui bloque leurs concurrents, le Gouvernement leur ferait un véritable pont d’or pour se développer en France. Nous savons d’ores et déjà que des pressions américaines et chinoises pourraient peser sur la décision du Gouvernement”.
NafNaf, Conforama, Célio, Orchestra, la Halle, André… toutes ces entreprises sont en procédures de sauvegarde, notamment car les banques et la Banque publique d’investissement ont refusé de leur prêter de l’argent. Si certaines ont trouvé des repreneurs, des plans sociaux sont déjà annoncés et il n’est pas certain que des nouvelles vagues de licenciements aient lieu par la suite.