Banques privées : arrêtez d’investir dans le nucléaire !
Paris et Nimègue (Pays-Bas), le 17 mars 2011 - La catastrophe nucléaire au Japon est un rappel triste et urgent des risques inhérents à l'énergie nucléaire. Ces risques sont malheureusement largement sous-estimés par les banques privées qui financent ce secteur, parmi lesquelles BNP Paribas fait figure de leader mondial avec des investissements dans le nucléaire de 13,5 milliards d’euros entre 2000 et 2009, tandis que la Société Générale et le Crédit Agricole font aussi partie du "top 5" des banques les plus "radioactives" du monde. A la lumière de l'actuelle catastrophe nucléaire au Japon, qui s'aggrave de jour en jour, la coalition "Nuclear banks, no thanks" (1), dont font partie les Amis de la Terre France, réitère aux banques sa demande d'arrêter d'investir dans l'énergie nucléaire.
Aujourd’hui nos pensées et nos préoccupations vont au peuple japonais, qui, au lieu de pouvoir se concentrer sur la reconstruction après un tremblement de terre et un tsunami dévastateurs, doit maintenant faire face à une crise d’origine humaine causée par des réacteurs nucléaires qui échappent à tout contrôle.
La catastrophe nucléaire qui est en train de se dérouler au Japon a mis à bas tous les arguments des défenseurs du nucléaire, selon lesquels cette source d’énergie est sans danger et fiable. Les événements sonnent pour les banques comme un avertissement des hauts risques qu’elles encourent en investissant dans le secteur nucléaire. Jan Beranek, coordinateur de la campagne nucléaire de Greenpeace International commente : « La situation dramatique de plusieurs réacteurs à la fois est la preuve que les réacteurs nucléaires sont une source d’énergie dangereuse et sale, et qu’ils seront toujours vulnérables face à la potentielle combinaison mortelle de l’erreur humaine, des défauts de conception et des catastrophes naturelles« .
Les Amis de la Terre et leurs partenaires de la coalition Nuclear Banks, No Thanks rejettent l’argument selon lequel le monde aurait besoin d’énergie nucléaire pour lutter contre le changement climatique. Juliette Renaud, chargée de campagne sur la Responsabilité des acteurs financiers aux Amis de la Terre France explique : « Le choix binaire entre les combustibles nucléaires ou fossiles comme source d’énergie pour le futur est un faux débat. Les banques doivent arrêter de financer les énergies fossiles et nucléaire et soutenir le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique qui représentent la seule alternative acceptable« .
Récemment, de nombreuses banques, dont en France, BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et CIC, ont été invitées à financer un certain nombre de projets nucléaires dans des pays où l’industrie nucléaire tente de prendre plus d’importance, après des pertes de marchés aux États-Unis et en Europe dans les décennies précédentes. Ainsi, on peut citer le projet de centrale nucléaire de Jaitapur (2), sur la côté Ouest de l’Inde, dont la construction se ferait dans une zone à la limite de trois failles tectoniques, avec de potentiels tremblements de terre pouvant atteindre le niveau 7 sur l’échelle de Richter. Les communautés locales sont fortement mobilisées contre ce projet, au prix de l’arrestation de centaines de personnes par les autorités indiennes récemment. Par ailleurs, on retrouve des préoccupations et problèmes similaires sur le projet de centrale nucléaire d’Angra 3 au Brésil, pour lequel aucune analyse de risque n’a été réalisée, alors qu’un consortium de six banques mené par la Société Générale vient de faire une proposition de prêt (3). Le projet rencontre aussi l’opposition ferme des mouvements environnementalistes brésiliens.
La catastrophe au Japon aura des conséquences sur les investissements dans le nucléaire, alors que les politiques dans ce secteur sont revues d’urgence dans le monde entier. En Europe, la Suisse et l’Allemagne ont déjà suspendu le renouvellement des centrales nucléaires et les processus prolongeant leur durée de vie. Ainsi, selon la chancelière Angela Merkel, « les événements au Japon nous ont appris qu’une chose, que toutes les données scientifiques montraient comme impossible, pouvait devenir réalité malgré tout« . Il semblerait que les rêves d’investissement nucléaire en Inde puissent être menacés, avec le retrait de plusieurs banques du projet de Jaitapur (4).
Yann Louvel, coordinateur des campagnes climat et énergie du réseau BankTrack, conclut : « Si jamais les banques avaient besoin d’un autre argument montrant que leur implication au travers du financement de l’énergie nucléaire comprenait un risque inhérent, la catastrophe nippone apporte un triste exemple. N’importe quelle banque alimentant encore l’industrie nucléaire avec ses prêts et investissements devrait se rendre à l’évidence et se détourner du nucléaire pour aller vers les énergies renouvelables« .
Contact presse : Caroline Prak, Les Amis de la Terre, 01 48 51 18 96 / 06 86 41 53 43
(1) La coalition est composée d’organisations de la société civile parmi lesquelles le réseau BankTrack, Greenpeace International, Greenpeace France, Les Amis de la Terre (France), Urgewald (Allemagne), Antiatomszene (Autriche), CRBM (Italie), WISE (Pays-Bas) et le Nuclear Information and Resource Service (Etats-Unis). www.nuclearbanks.org
(2) Les banques approchées pour le financement de Jaitapur sont BNP Paribas, Citigroup, Crédit Agricole, Deutsche Bank, HSBC, JP MorganChase, Natixis, Santander, Société Générale et Standard Chartered. Par ailleurs, le potentiel octroi d’une garantie par la Coface, l’agence de crédit à l’exportation française, est d’une importance cruciale pour le projet. Pour plus d’informations, cliquez ici.
(3) En plus de la Société Générale, le consortium de banques est composé des françaises BNP Paribas, Crédit Agricole, Crédit Mutuel-CIC, et des espagnoles BBVA et Santander. Elles ont répondu à l’appel d’offre en janvier 2011. Pour plus d’informations, cliquez ici.
(4) http://www.bloomberg.com/news/2011-03-14/japan-earthquake-threatens-singh-s-175-billion-nuclear-dream.html. Commerzbank et Deutsche Bank ont décidé de ne pas participer au financement de ce projet, cette décision ayant été prise avant la catastrophe de Fukushima.