Black Friday : 10 associations interpellent Bruno Le Maire pour en finir avec la fast-fashion
Communiqué de presse inter-associatif co-signé par : Action Aid France, Alternatiba Paris, Les Amis de la Terre France, le Bruit qui court, Emmaüs France, Fashion Revolution France, France Nature Environnement, Halte à l’Obsolescence Programmée, Max Havelaar Franc et Zero Waste France.
Des activistes du collectif le Bruit qui court, accompagnés d’Alternatiba Paris et d’une coalition de 8 associations (Action Aid France, Les Amis de la Terre France, Emmaüs France, Fashion Revolution France, France Nature Environnement, Halte à l’Obsolescence Programmée, Max Havelaar France et Zero Waste France) ont mené une action contre la fast-fashion et ses impacts aujourd’hui, aux Halles, dans le centre de Paris. À l’occasion du Black Friday, ils et elles ont mené une performance artistique pour visibiliser les atteintes aux droits humains et à l’environnement provoquées par l’industrie de la mode. Cette performance s’inscrit dans le cadre d’une campagne qui vise à interpeller le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, pour lui demander la mise en place d’une loi contraignant les marques à respecter les droits humains et l’environnement.
Alors qu’au Bangladesh, deuxième pays exportateur de textile au monde, les travailleuses et travailleurs du secteur se sont révoltés ces dernières semaines contre leurs salaires indécents et ont été réprimés dans la violence par le gouvernement, en France, une grande coalition vient d’être lancée pour demander un encadrement de l’industrie de la mode et en particulier des enseignes de fast-fashion.
Ce 23 novembre, aux Halles, les activistes ont proposé une performance artistique, étendant en rythme des vêtements sur des cordes à linge ; vêtements sur lesquels on pouvait lire les messages : “victimes de la mode” ou encore “nous consommons leur exploitation”, maculés de liquide rouge et noir, symbolisant les violations de droits humains et les atteintes à l’environnement liées à la production démesurée de vêtements.
La mobilisation s’est étendue dans plusieurs villes en France : à Paris, Lyon, mais aussi à Dijon, à Rouen ou dans la Drôme avec des collages d’affiches sur des vitrines dénonçant notamment les impacts environnementaux et sociaux de Shein, Primark, H&M et Zara.
“Il faut lutter contre les abus de la fast-fashion » Bruno Le Maire aux Université d’été de l’économie de demain 2023
Depuis mardi, la coalition appelle les citoyens à se mobiliser en ligne pour exiger que Bruno Le Maire et le gouvernement agissent, enfin, face aux problématiques sociales et environnementales posées par la fast-fashion. Alors que cet été il avait annoncé vouloir “lutter contre les abus de la fast-fashion”, des mesures ambitieuses se font toujours attendre. À noter l’absence de la prise en compte du secteur de la mode au sein de la planification écologique qui semblait pourtant être le cadre parfait afin d’amorcer une transition durable au sein d’un secteur en difficulté économique.
10 ans après l’effondrement du Rana Plaza, cette semaine de mobilisation vise à dénoncer une industrie textile de plus en plus insoutenable. La surproduction croissante du secteur aggrave toujours plus les conditions de production, les pollutions engendrées et les déchets générés ; si bien que le secteur textile représente désormais jusqu’à 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (United Nations Climate Change, 2018), et 26 % en 2050 si le rythme actuel d’augmentation des volumes de production se poursuit (Ademe, La Mode sans dessus-dessous, 2022.). 150 milliards de vêtements sont produits chaque année (https://www.weforum.org/agenda/2016/04/our-love-of-cheap-clothing-has-a-hidden-cost-it-s-time-the-fashion-industry-changed/ ), dans des conditions qui ne respectent pas la dignité humaine : salaires très en deçà des minimums vitaux, travail forcé (ou), travail des enfants, journées de seize heures, heures supplémentaires non rémunérées…
Ainsi, au Bangladesh par exemple, où plus de 4 millions de travailleuses et travailleurs confectionnent des vêtements pour des marques très majoritairement occidentales, le salaire minimum du secteur, qui vient d’être augmenté suite à des manifestations historiques, est de 105 euros (12 500 takas), l’un des plus faibles au monde. Le salaire minimum vital est pourtant estimé à 497 euros dans ce pays. Ces violations touchent surtout les femmes, qui représentent 80% de la main-d’œuvre du secteur.
En moyenne, une personne consomme 40% de vêtements de plus qu’il y a 20 ans et les conserve moitié moins longtemps. Une fois jetés, ces vêtements ne parviennent pas toujours à être orientés vers des filières de réemploi, en raison de leur mauvaise qualité. Et les solutions de recyclage ne sont pas suffisamment performantes et/ou développées : moins de 1 % des fibres utilisées pour produire des vêtements est recyclé en vêtements neufs. À toutes les étapes, l’impact environnemental est majeur : la fabrication de textiles relâche des produits chimiques dans l’eau, de même que des microplastiques tout au long de l’utilisation des produits puis à leur fin de vie.
Face à ce constat alarmant, le gouvernement français a le pouvoir et le devoir de réagir en obligeant les marques à changer profondément leurs pratiques et celles de leurs sous-traitants, tout au long de la chaîne de valeur. La solution ne peut et ne doit pas reposer sur les consommateurs, car la problématique est systémique et les marges de manœuvre sont importantes du côté des marques qui engrangent des superprofits. Seule une décision forte du gouvernement passant par une loi contraignante au niveau national aura un effet systémique qui améliorera vraiment les conditions de vie des travailleuses et travailleurs.
Photos de la performance à retrouver ici.
Citations
ActionAid France : “L’exploitation massive de celles et ceux qui fabriquent nos vêtements doit cesser ! Les salaires de misère, les conditions de travail indignes, les cadences infernales, les violences de genre dans les usines doivent cesser ! Que pouvons-nous faire depuis la France ? Soutenir les luttes des travailleuses qui s’organisent au Bangladesh et dans le monde pour demander la dignité, et exiger de nos pouvoirs publics l’encadrement des multinationales de l’industrie.”
Amis de la Terre France : “Avec 150 milliards de vêtements produits par an dans le monde, la surproduction de l’industrie textile est devenue une bombe climatique et humaine qu’il est urgent de désamorcer. Face à une industrie devenue experte dans la fabrication de nouveaux besoins de consommation, faire reposer l’action sur le choix des individus ne sera jamais une solution. Nous demandons au gouvernement d’être réellement ambitieux en plafonnant les volumes de production des enseignes de fast-fashion. Pour consommer moins, il faut avant tout produire moins. »
Emmaüs France : “Nous achetons chaque année près de 48 pièces textiles neuves. Derrière ce chiffre, une production effrénée de vêtements, consommatrice de ressources, émettrice de CO2, qui bafoue trop souvent la dignité des hommes, des femmes et parfois des enfants derrière les machines. Il faut en finir avec les ravages de la fast-fashion, et soutenir la production locale, raisonnée, éco-conçue, et le réemploi des vêtements utilisés.”
Fashion Revolution France : “Nous avons produit à ce jour assez de vêtements pour habiller la planète jusqu’en 2100. L’industrie de la mode, et elle n’est pas la seule, s’appuie sur le travail forcé et le travail des enfants. Le droit à un travail justement rémunéré est inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme. Demandons-nous de quelle civilisation nous avons envie !”
France Nature Environnement : “Surproduction, produits de mauvaise qualité & dangereux pour la santé, exploitation humaine… L’industrie textile est hors de contrôle et il est urgent de la réguler. Rien qu’en France, chaque année, 700 000 tonnes de vêtements sont jetées, deux fois plus qu’il y a trente ans.”
Halte à l’Obsolescence Programmée : “La fast fashion est un modèle qui va à l’encontre de l’allongement de la durée de vie des produits et de l’économie circulaire. La production de biens à bas coût, sans respect pour les droits humains, ne pourra jamais être vue comme vertueuse. Elle nous fait croire que ce mode de consommation est possible, viable et nous incite à acheter toujours plus. Mais c’est tout simplement insoutenable ! L’obsolescence accélérée des textiles de mauvaise qualité à bas prix doit cesser. »
Zero Waste France : “La fast fashion, c’est littéralement une mode jetable, qui n’a plus aucune valeur, ni matérielle, ni émotionnelle. De plus en plus de vêtements sont mis en marché chaque année, avec une durée d’utilisation de plus en plus courte et une fin de vie peu enviable. Moins de 10% des textiles et chaussures collectés connaissent une seconde vie en France ; une grande partie est exportée à l’autre bout du monde, où ils finissent brûlés à ciel ouvert ou dans des décharges sauvages ; près d’un tiers est déchiqueté pour faire du rembourrage ou des chiffons ; le reste est incinéré. Il est temps de ralentir et de proposer d’autres modèles de production et de communication.”
Max Havelaar France : “Actuellement, les ouvrières du textile au Bangladesh gagnent moins de 100 euros par mois, c’est deux fois moins que la demande des syndicats et que ce qui est nécessaire pour vivre dans des conditions décentes. C’est inacceptable ! Nous soutenons leur combat et réclamons un salaire vital pour ces travailleuses. Il faut s’attaquer aux causes profondes des abus du modèle : les pratiques commerciales et le prix. Les ouvrières n’ont pas le temps pour des demies-mesures, nous demandons au gouvernement des mesures fortes pour enfin respecter les droits des personnes qui fabriquent nos vêtements.”