Climate Finance Day : le gouvernement français et la place financière à la dérive sur le climat
Les Amis de la Terre et Reclaim Finance dressent un bilan lucide des nouveaux engagements climat de la Caisse des Dépôts et des annonces faites par Bruno Le Maire à l'occasion du Climate Finance Day.
Alors que les acteurs de la finance et de l’industrie fossile sont réunis à Paris à l’occasion du Climate Finance Day, le Groupe Caisse des Dépôts (CDC) vient d’annoncer de nouvelles mesures sur le climat. Reclaim Finance et les Amis de la Terre France déplorent le manque d’ambition de ces engagements face à l’urgence absolue de freiner l’expansion des énergies fossiles dans le monde. Si le Ministre de l’Economie et des Finances a par ailleurs reconnu que les stratégies de sortie du charbon des acteurs financiers privés étaient disparates et que ces derniers devaient aller au-delà en adoptant une stratégie de sortie du pétrole non-conventionnel, il n’a pas apporté de solution pour les y contraindre. Les ONG appellent le gouvernement à réguler les acteurs financiers privés pour réduire leurs financements dans toutes les énergies fossiles et à faire preuve d’une réelle exemplarité concernant les institutions financières publiques.
La CDC 1 améliore très légèrement sa politique sur le charbon en adoptant des seuils d’exclusion fondés sur la production absolue des entreprises. Mais de nombreux critères lui manquent pour se doter d’une politique robuste de sortie, telle que requise par l’engagement de Place pris le 2 juillet 2019. La CDC ne s’engage pas même à réduire à zéro sa propre exposition au charbon et ne fait qu’inciter les entreprises telles qu’Engie à adopter un plan de sortie du charbon. Ainsi, elle reste parmi la majorité des acteurs financiers français qui n’ont pas pleinement tenu promesse 2.
Le Ministre Bruno Le Maire a d’ailleurs reconnu que toutes les politiques ne se valaient pas et que les approches devaient être harmonisées et alignées sur les meilleures pratiques.
Avec une exclusion des entreprises tirant plus de 10% de leurs revenus d’activités dans les pétrole et gaz de schiste, sables bitumineux et ressources issues de la zone arctique, l’annonce de la CDC va beaucoup plus loin que celles faites par les banques françaises ou OFI Asset Management. Mais si la CDC a bien identifié les enjeux qui se posent sur le secteur des hydrocarbures, les mesures proposées sont bien loin de répondre à l’urgence climatique. C’est d’autant plus critiquable que c’est une institution financière publique, qui devrait à ce titre montrer la marche à suivre à tous les acteurs financiers.
Les scientifiques sont clairs : pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C d’ici la fin du siècle, il faut arrêter dès aujourd’hui d’exploiter toute nouvelle réserve d’hydrocarbures et de développer toute nouvelle infrastructure polluante. Or, en l’état, sa politique lui permet de soutenir de nouveaux projets gaziers partout dans le monde. En outre, la CDC pourra continuer de soutenir Total ou de nombreuses autres entreprises actives dans le secteur, sans les obliger à renoncer immédiatement à leurs nouveaux projets d’hydrocarbures – y compris dans les secteurs pourtant identifiés comme les plus risqués par la CDC, tels que les pétrole et gaz de schiste et les projets situés en Arctique.
“Sur le charbon comme sur les autres énergies fossiles, la CDC entend inciter les entreprises sans avoir à brandir la menace d’un désinvestissement en cas d’échec de l’engagement ou oser même leur demander explicitement d’arrêter d’aggraver la situation via le développement de nouveaux projets pétroliers et gaziers. Une partie du problème se trouve dans le fait que la CDC comme le gouvernement refusent de reconnaître que le gaz n’est pas une solution pour la transition énergétique. Nous le disons pour eux : le développement de nouvelles réserves gazières est tout autant un problème que celui du secteur pétrolier”, déclare Lucie Pinson, fondatrice et directrice générale de Reclaim Finance.
Bruno Le Maire a également appelé l’ensemble des acteurs financiers à se doter au plus vite d’une stratégie de sortie du pétrole non-conventionnel. Il a par ailleurs vanté sa nouvelle stratégie climat pour les financements export, pourtant bien loin d’être alignée avec la science car laissant la possibilité à la France de soutenir l’exploration d’hydrocarbures jusqu’en 2035 à l’étranger.
Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre, conclut : “Il est en effet impératif d’aller dès ce jour au-delà du charbon, mais le gouvernement doit réguler et non inciter les acteurs financiers, et ne peut pas cantonner le défi climatique au seul pétrole non-conventionnel. Si Bruno Le Maire souhaite répliquer sa politique sur les financements export aux acteurs financiers privés, il doit a minima imposer une tolérance zéro vis-à-vis des pétrole et gaz non-conventionnels. En reculant chaque année le moment pour prendre des mesures de rupture et cesser d’alimenter l’industrie fossile, les institutions financières publiques comme privées font la démonstration de leur incapacité à répondre à l’urgence climatique”.
Contacts presse
Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre, lorette.philippot@amisdelaterre.org, 06 40 18 82 84.
Lucie Pinson, fondatrice et directrice générale de Reclaim Finance, lucie@reclaimfinance.org, 06 79 54 37 15.
Voir le Coal Policy Tool international et sa version dédiée aux acteurs français.
16 acteurs financiers français, membres de 10 groupes, ont une politique robuste de sortie du charbon : AG2R La Mondiale, AXA, CNP Assurances, Crédit Agricole, Crédit Mutuel, La Banque Postale AM, Macif, Meeschaert, OFI AM et SCOR en tant qu’investisseur.
6 groupes financiers français ont une politique proche de ce qu’il faudrait mais encore insuffisante : la CDC, BNP Paribas, la Française, MACSF, Natixis et Société Générale.
Parmi ceux qui en sont loin se trouvent : Carmignac Gestion, Covéa, Groupama, ODDO BHF AM, SMA, Tobam, Tikehau Capital, ou encore SCOR en tant que réassureur.