Consommation : méfiance face à l’absence d’information sur les pièces détachées
Pour tous les biens de consommation mis sur le marché pour la première fois à compter du 1er mars 2015, un affichage de la durée ou de la date de disponibilité des pièces détachées devrait apparaître dans les rayons.
Votée par les députés et sénateurs dans le cadre de la « loi Consommation », cette mesure devait aider le consommateur à choisir des produits réparables et donc plus durables. Mais, sa portée a été considérablement affaiblie : les fabricants qui ne fournissent pas de pièces détachées n’auront aucune information à donner !
En juillet 2014, associations de consommateurs et de protection de l’environnement interpellaient la secrétaire d’État à la Consommation 1, Carole Delga, sur le projet de décret relatif à l’information sur la durée ou la date de disponibilité des pièces détachées. Les associations craignaient que le décret ne permette pas une meilleure information du consommateur sur la réparabilité des produits, et donc que le décret n’ait pas l’impact que le législateur a souhaité lui donner. Leur demande a minima : que les fabricants qui ne fournissent pas de pièces détachées affichent la mention : « Le fabricant n’est pas en mesure de garantir la disponibilité des pièces détachées ».
Le décret publié en décembre 2014 2 était ambigu, mais la réponse de Carole Delga 3 reçue début janvier 2015 est plus claire : les fabricants qui ne proposent pas de pièces détachées n’ont pas d’obligation d’information car : « Le Gouvernement ne souhaite pas retenir à la charge des professionnels une information négative tendant à porter à la connaissance des consommateurs l’absence de disponibilités des pièces détachées ». Conséquence : les fabricants qui conçoivent des biens irréparables donc jetables pourront continuer leurs mensonges par omission et le consommateur aura beaucoup de difficulté à identifier les biens de consommation réellement vertueux.
« Les Amis de la Terre militent pour que les fabricants aient l’obligation de fournir les pièces détachées essentielles au fonctionnement du bien pendant 10 ans. C’est le b.a.ba pour éviter, la mise au rebut de biens dans leur intégralité, et essentiel pour soutenir le secteur de la réparation. Chaque année, un Français produit entre 17 et 23 kg de déchets électriques et électroniques et depuis 2009, plus de 37 % des emplois de réparateurs d’électroménager ont disparu 4 » rappelle Camille Lecomte, Chargée de campagne Modes de production et de consommation responsables aux Amis de la Terre.
L’extension de la durée de garantie à 10 ans reste la mesure phare qui permettrait de produire moins de déchets et de sauver des emplois, en garantissant que les biens sont conçus pour durer et être réparés et en incitant les consommateurs à opter pour la réparation. La dernière étude de l’ADEME rappelle que : « Le statut sous garantie ou hors garantie d’un produit est sans aucun doute le premier facteur influençant la demande de réparation d’un produit par son détenteur. » 5.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte 6 a introduit un délit d’obsolescence programmée mais les mesures pour allonger la durée de vie des produits continuent de se faire attendre : abandon de l’affichage obligatoire de la durée de vie des produits, et aucun amendement déposé pour étendre la durée légale de garantie ou imposer la mise à disposition des pièces détachées.
Décret n° 2014-1482 du 9 décembre 2014 relatif aux obligations d’information et de fourniture concernant les pièces détachées indispensables à l’utilisation d’un bien : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029881868&dateTexte=&categorieLien=id
Extrait : « l’information délivrée par le fabricant ou l’importateur de biens meubles au vendeur professionnel, portant sur la période pendant laquelle ou la date jusqu’à laquelle les pièces détachées indispensables à l’utilisation d’un bien sont disponibles, doit figurer sur tout document commercial ou sur tout support durable accompagnant la vente de biens meubles. Cette information est portée à la connaissance du consommateur par le vendeur, de manière visible et lisible, avant la conclusion de la vente, sur tout support adapté. Elle figure, également, sur le bon de commande s’il existe, ou sur tout autre support durable constatant ou accompagnant la vente. »
ADEME, Panorama de l’offre de réparation en France, Actualisation 2014, Rapport, Octobre 2014, p. 32-33
ADEME, Panorama de l’offre de réparation en France, Actualisation 2014, Synthèse, Octobre 2014, p. 15.
Projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (petite loi) : http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2014-2015/264.html