Convention citoyenne pour le climat : entre bidouillage et cynisme
Après avoir refusé de transmettre sans-filtre les propositions d’ordre budgétaire de la Convention citoyenne pour le climat lors de la loi de finances discutée au Parlement à l’automne, le gouvernement continue de garder la main sur le projet de loi en distillant au compte-gouttes les informations depuis le début de la semaine.
Aucun document préparatoire, quelques notes transmises pendant les réunions avec les 150 personnes tirées au sort et les parlementaires conviés : la démocratie participative a du plomb dans l’aile.
« Si à la fin de vos travaux vous donnez des textes de loi, des choses précises, là je m’engage à ce qu’ils soient donnés ou au Parlement ou au peuple français tels que vous les proposerez », avait annoncé Emmanuel Macron. Face à cette promesse, les 150 personnes tirées au sort de la Convention citoyenne s’étaient efforcées de proposer des traductions juridiques très précises, appuyées par un groupe d’experts juridiques. Sur l’enjeu de la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’agriculture, la Convention citoyenne pour le climat avait identifié l’enjeu des engrais chimiques qui contribuent fortement à la crise climatique. Premier consommateur d’Europe de ces intrants (souvent à base de nitrates d’ammonium, substance qui a explosé dans le port de Beyrouth ou encore dans l’usine AZF à Toulouse), la France importe les 2/3 de sa consommation et dépend fortement des énergies fossiles nécessaires à leur fabrication. Le coût environnemental des engrais chimiques sur le climat mais aussi sur l’eau et l’air avec les pollutions aux nitrates et à l’ammoniac n’est pourtant aucunement inclus dans leur prix et largement supporté par la société.
La Convention citoyenne pour le climat a donc proposé d’instaurer le paiement d’une redevance sur ces engrais chimiques dont les recettes peuvent servir à financer les alternatives proposées dans les autres mesures des 150 citoyens, formant ainsi un ensemble cohérent et juste. Ce budget estimé à plus de 500 millions d’euros par an pourrait en effet permettre de financer le déploiement massif de l’agriculture biologique. C’était un engagement présidentiel : atteindre 15 % de la surface agricole française en bio d’ici 2022. Aujourd’hui, nous sommes encore loin du compte avec seulement 8,5 % de la surface en agriculture biologique.
Depuis cet été, le ministère de l’agriculture s’est employé à saper cette mesure avant même que celle-ci n’arrive devant le Parlement, à coup de notes internes qui n’ont pas été partagées avec la Convention citoyenne. Résultat des courses, Julien Denormandie promet la mise en place éventuelle d’une taxe en…2024 ! «
“Le quinquennat sera terminé, les objectifs climat de la France seront obsolètes : à quoi bon convoquer une convention citoyenne en 2020 si les mesures sont reportées à la Saint-Glinglin ? Le brio avec lequel Emmanuel Macron manie la communication ne résiste pas à l’épreuve des faits et confirme en réalité son mépris pour l’innovation démocratique dont il se voulait le garant “, s’indigne Anne-Laure Sablé.