COP 26 : la France refuse de s’engager aux côtés de 26 pays et institutions à stopper en 2022 ses soutiens publics aux pétrole et gaz
À l’occasion du jour de l’énergie à la COP26, vingt-six pays et institutions financières publiques, dont les Etats-Unis et la Commission européenne, se sont engagés à cesser les soutiens financiers publics directs au charbon, pétrole et gaz d’ici la fin 2022. L’Agence française de développement (AFD) a rejoint cette initiative.
La France, qui s’est pourtant engagée la semaine dernière à revoir dès 2022 sa stratégie climat en matière de financements export, brille par son absence.
Après une vague de promesses internationales en faveur de la fin dès 2021 des soutiens financiers aux centrales au charbon, il s’agit de la première déclaration internationale qui porte également sur le pétrole et le gaz, avec des exceptions limitées. Si elle est mise en œuvre efficacement, cette initiative pourrait permettre de transférer directement plus de 15 milliards de dollars par an d’aides publiques vers les énergies propres 1. En plus de grands pays financeurs des énergies fossiles, plusieurs pays en développement sont signataires 2, mettant à mal le récit selon lequel ils seraient demandeurs d’investissements dans les énergies fossiles pour atteindre leurs objectifs de développement.
Il est urgent de réorienter les financements publics vers les énergies propres et non plus vers les combustibles fossiles. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C, 2021 doit marquer la fin du développement des ressources fossiles 3.
Face à cet impératif, deux camps se dessinent, et la France semble décidée à rester du mauvais côté de l’Histoire. D’un côté, le Royaume-Uni, le Danemark, la Banque européenne d’investissement et l’AFD ont adopté des politiques en ligne avec la science, et la déclaration signée aujourd’hui est capable d’impulser une dynamique internationale, à l’image de ce qui s’est passé pour le charbon. De l’autre, des acteurs réticents retardent l’action nécessaire. Ainsi la France, qui a octroyé 9,3 milliards d’euros de garanties à l’export pour des projets pétro-gaziers entre 2009 et 2019 4 prévoit de soutenir la production de pétrole jusqu’en 2025 et de gaz jusqu’en 2035, une politique largement insuffisante face à l’urgence climatique 5.
“Emmanuel Macron s’est fait donneur de leçon lors de son discours à la COP 26, appelant les autres pays à renforcer leurs engagements, mais voilà qu’un groupe de pays promet d’arrêter le financement international des énergies fossiles et que la France n’y participe pas !
Elle poursuit : « Lors du Climate Finance Day, Bruno Le Maire a annoncé la révision de la politique de la France en matière de financements à l’export en 2022. Quelques jours seulement après cet engagement, le refus de se joindre à la déclaration initiée par le Royaume-Uni est très inquiétant quant à l’ambition de cette révision annoncée”.
La France doit s’aligner sur les meilleures pratiques, déjà mises en place par le Royaume-Uni, suivies cette semaine par le Danemark, et commencer par confirmer officiellement qu’elle ne soutiendra pas le gigantesque projet gazier de Total en Arctique, Arctic LNG 2 6. Nous appelons Bruno Le Maire à mettre fin dès 2022 à toute subvention au pétrole et au gaz, sans exception.
Les Amis de la Terre, aux côtés d’une vaste coalition d’ONG internationales, resteront vigilants à la mise en œuvre de cette déclaration. La formulation sur les « exemptions limitées et clairement définies » pour le soutien continu aux combustibles fossiles ou le langage « unabated » ne doit pas être utilisé à mauvais escient pour continuer à soutenir les infrastructures de gaz à longue durée de vie ou les projets de combustibles fossiles avec de vagues promesses de capture carbone ou de compensation des émissions à l’avenir. Compte tenu de l’immaturité et des coûts élevés de ces technologies, nous attendons des signataires qu’ils mettent fin à tout soutien direct aux combustibles fossiles à l’étranger d’ici la fin de l’année prochaine.
L’estimation d’un transfert direct de 15 milliards de dollars est basée sur la moyenne annuelle des financements publics pour les combustibles fossiles des pays et institutions participants de 2016 à 2020. Les données pour l’AFD, le Canada, la BEI, le Royaume-Uni et les États-Unis proviennent de la base de données Shift the Subsidies d’Oil Change International. Les données pour le Danemark, la Finlande et la Suède sont tirées directement des rapports gouvernementaux. Aucune donnée n’était disponible pour les autres donateurs signataires.
Les pays et institutions signataires sont : Agence Française de Développement (AFD), Albanie, Banco de Desenvolvimento de Minas Gerais (BDMG), Banque Européenne d’Investissement (BEI), Canada, Commission européenne, Costa Rica, Danemark, East African Development Bank (EADB), Etats-Unis, Ethiopie, la Gambie, Les Fijis, Financierings-Maatschappij voor Ontwikkelingslanden N.V. (FMO), Mali, Iles Marshall, Italie, Nouvelle Zélande, Moldavie, Portugal, Royaume-Uni, Slovénie, Sud Soudan, Suisse, Zambie.
International Energy Agency, World Energy Transitions Outlook: 1.5°C Pathway
Ministère de l’Economie et des Finances, Propositions de pistes de modulation des garanties publiques pour le commerce extérieur, Novembre 2019.
Voir notre décryptage du plan climat sur les financements exports, octobre 2020.
Le Monde, “La France pourrait soutenir un gigantesque projet gazier dans l’Arctique russe”, septembre 2020,