De nouvelles négociations à l’ONU pour mettre fin à l’impunité des multinationales
Du 24 au 28 octobre, reprendront à Genève des négociations de l’ONU qui pourraient être une occasion historique de faire prévaloir la justice et de mettre fin à l’impunité des transnationales.
En effet, elles ont comme objet la création d’un traité international contraignant sur les multinationales et les Droits de l’Homme. Les Amis de la Terre demandent aux gouvernements de participer de façon active et constructive aux négociations 1. Ces pourparlers auront lieu dans un contexte critique de crises : climatique et de la biodiversité, financière, alimentaire et humanitaire, dont les transnationales sont largement responsables, mais qui touchent surtout les plus vulnérables et, en particulier, les habitants des pays du Sud. Les opérations de nombreuses entreprises aboutissent à des crimes environnementaux et à l’intimidation d’activistes qui défendent leurs droits et l’environnement, comme en témoignent les terribles événements récents au Honduras 2.
Il y a deux jours, deux leaders paysans ont été assassinés au Honduras 3. L’assassinat a été attribué en termes très généraux à des tueurs à gages. Aucune mention n’a été faite du contexte structurel de militarisation extrême et d’expansion des monocultures dans le cadre des traités de commerce internationaux et de politiques qui favorisent les grandes entreprises, mettant en péril des vies humaines. Déjà la semaine dernière, un leader communautaire du mouvement COPINH du Honduras a été victime d’une nouvelle tentative de meurtre, à peine sept mois après l’assassinat de Berta Cáceres 4. Les populations locales souffrent de terreur et de persécution de manière quotidienne, et les dirigeants communautaires paysans, indigènes communautaires et les défenseurs des droits humains sont assassinés en toute impunité, dans un contexte qui pourrait presque être décrit comme un état d’urgence 5.
« Un instrument contraignant qui permette de contrôler les sociétés transnationales en matière de Droits de l’Homme et d’obtenir justice pour les victimes de leurs abus est nécessaire depuis bien longtemps. Ce qui arrive en ce moment au Honduras n’est qu’un des nombreux exemples des violations systématiques de leurs droits que subissent quotidiennement les activistes et les communautés aux quatre coins du monde. Les sociétés transnationales et leurs financeurs internationaux sont responsables de ces violations. Nous appelons les gouvernements à accompagner les mouvements sociaux et les victimes du monde entier qui réclament un traité contraignant, et à participer activement à cette nouvelle session de négociations », commente Lucia Ortiz, des Amis de la Terre International.
De nombreuses entreprises multinationales sont plus riches et puissantes que les États qui essaient de les réglementer. Des décennies durant, elles ont réussi à empêcher l’adoption d’une législation contraignante, en exerçant de fortes pressions et en prenant le contrôle des principales instances décisionnelles. De ce fait, il est rare qu’on les oblige à assumer leurs responsabilités, tandis que les communautés et l’environnement sont toujours lésés.
Selon Juliette Renaud, des Amis de la Terre France : « Alors que les initiatives volontaires ont montré leur inefficacité, le parcours du combattant de la proposition de loi française sur le devoir de vigilance des multinationales illustre à quel point il est difficile d’imposer un cadre légal contraignant aux multinationales, tant le poids des lobbies du secteur privé est important 6. Cela doit servir de leçon pour les négociations à l’ONU qui doivent être protégées de l’influence des entreprises. C’est aussi une opportunité pour montrer que la France n’est pas la seule à avancer sur ce sujet : les initiatives nationales et internationales sont complémentaires et doivent progresser en parallèle pour combler les vides juridiques dont profitent actuellement les multinationales ».
« Les législations et les systèmes judiciaires nationaux sont rarement indépendants, et ne sont pas respectés par les multinationales pétrolières qui commettent impunément des crimes environnementaux, comme Shell ou Total au Nigeria. Certains procès mettent une vie entière à arriver à terme ; or, la justice tardive équivaut à l’absence de justice. De là le besoin d’un tribunal environnemental mondial qui puisse administrer la justice en temps opportun, et faire appliquer les mécanismes établis par un traité contraignant des Nations Unies », conclut Godwin Ojo, directeur exécutif d’ERA / Les Amis de la Terre Nigeria.
Aux côtés de représentants de communautés affectées du monde entier, Les Amis de la Terre International participeront à Genève, du 22 au 28 octobre 2016, à la deuxième session du Groupe de travail intergouvernemental de l’ONU sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les Droits de l’Homme 7. Nous réclamons ensemble un traité international contraignant qui permette de rendre les sociétés transnationales responsables des violations des Droits de l’Homme et de leurs crimes contre l’environnement qu’elles commettent, de mettre fin à leur impunité, et de donner accès à la justice aux victimes 8.
Informations supplémentaires et contacts
Porte-paroles disponibles à Genève pendant toute la semaine :
- Juliette Renaud, chargée de campagne sur les Industries extractives et la RSEE aux Amis de la Terre France : +33 6 37 65 56 40 – juliette.renaud@amisdelaterre.org
- Godwin Ojo, directeur exécutif des Amis de la Terre Nigeria / Environmental Rights Action (et membre du comité exécutif des Amis de la Terre International) : + 234 813 520 8465 – gloryline2000@yahoo.co.uk
- Lucia Ortiz, coordinatrice du programme international ‘Justice économique’ des Amis de la Terre International : + 55 48 99150071 – lucia@foei.org
Contacts presse :
Pierre Sagot, chargé de communication, Les Amis de la Terre France : +33 6 86 41 53 43 ou +33 9 72 43 92 65 – communication@amisdelaterre.org
Ronnie Hall : ronnihall@gmail.com, +44 7967 017281
Les Amis de la Terre International est le réseau écologiste populaire le plus large du monde : il compte 75 organisations membres nationales et près de 2 millions d’adhérents et de sympathisants dans le monde entier. Nous nous opposons à la mondialisation actuelle de l’économie et des entreprises, et nous proposons des solutions qui contribueront à créer des sociétés durables et justes.
Les Amis de la Terre et leurs alliés avaient lancé une pétition qui a réuni plus de 90 000 signatures, demandant à l’Union Européenne et ses États membres de participer de bonne foi aux négociations. La France et l’Union européenne ont finalement annoncé qu’ils allaient effectivement participer. Reste à voir si cela se fera de façon active et constructive à l’inverse de leur stratégie de blocage puis silence lors de la première session de négociations en juillet 2015.
Les violations des Droits de l’Homme que commettent les plus grosses entreprises sont monnaie courante : des communautés expulsées par des plantations de palmiers à huile en Indonésie, neuf hommes emprisonnés pour s’être opposés à un grand barrage espagnol au Guatemala, un fleuve colombien si fortement pollué par une mine de charbon que les habitants ne peuvent plus y pêcher, le torchage du gaz qui continue de dévaster des communautés au Nigeria alors que ce procédé est illégal depuis 1984. Plus d’informations dans la contribution officielle des Amis de la Terre International à la deuxième session de négociations ici.
José Ángel Flores (35 ans) était le président du Mouvement des Paysans Unifiés de l’Aguán (le MUCA) et Silmer Dionisio George (36 ans) était le dirigeant de la coopérative La Confianza, située dans la municipalité de Tocoa, dans le département de Colón.
La proposition de loi française sur le Devoir de vigilance des sociétés-mères et entreprises donneuses d’ordre vient d’être examinée en deuxième lecture au Sénat, qui l’a réduite à un simple reporting extra-financier. Une commission mixte paritaire va bientôt se réunir.
Les Amis de la Terre participeront à la semaine de mobilisation qui aura lieu à Genève en marge des négociations. Plus d’informations : http://www.stopcorporateimpunity.org/week-peoples-mobilisation-geneva-switzerland-24th-29th-october/
Plus d’information sur le travail des Amis de la Terre International au sujet du traité : www.foei.org/what-we-do/UN-treaty-on-TNCs, et sur le travail des Amis de la Terre France contre l’impunité des multinationales.