E-commerce : la grande casse sociale du quinquennat Macron
Les Amis de la Terre dévoilent un nouveau rapport sur les destructions d’emploi dues au e-commerce en France. Les conclusions sont sans appel. Le commerce non alimentaire subit des destructions d’emplois massives du fait du développement de la vente en ligne. 85 000 emplois ont été détruits entre 2009 et 2019.
E-commerce et emploi : la grande casse sociale
Au terme d’un quinquennat marqué par le soutien du gouvernement à l’expansion de la vente en ligne, le plus grand plan social de France risque encore de s’aggraver. Explication.
En novembre 2020, le cabinet Kavala Capital révélait l’ampleur des destructions d’emplois provoquées par la vente en ligne dans le commerce non alimentaire en France 1. Malgré ces alertes, le nombre d’entrepôts Amazon, principal acteur de la vente en ligne en France, a continué d’augmenter. De 4 entrepôts Amazon en 2017, la France est passée à 44 aujourd’hui et 14 entrepôts supplémentaires sont en projet.
Explosion de la vente en ligne : la casse sociale s’aggrave
Les Amis de la terre ont repris la méthode développée par Florence Mouradian et Ano Kuhanathan 2 pour actualiser le bilan des destructions d’emplois causées par l’expansion de la vente en ligne avec les dernières données statistiques disponibles pour l’année 2019 3.
L’étude révèle que le développement du e-commerce a détruit 3 800 emplois supplémentaires dans le commerce en 2019. Au total, entre 2009 et 2019, le développement de la vente en ligne a détruit 85 000 emplois en France (en solde net). C’est le plus grand plan social en cours actuellement en France.
Les petits commerces sont toujours les premières victimes de la digitalisation du commerce avec 7 600 emplois détruits en 1 an. Pour chaque emploi créé dans une entreprise de 50 salarié·es et plus via l’e-commerce, près de 2 ont été détruits dans les plus petites entreprises en 2019.
Toutes les branches du commerce non alimentaire ont été négativement impactées par la hausse de la consommation en ligne des ménages. La vente de vêtements est la branche la plus touchée avec plus de 4 800 emplois détruits.
Les salariés des grandes enseignes sur la sellette
Un nouveau fait inquiétant : les emplois dans les grandes enseignes commencent à être impactés. Le solde d’emplois créés pour les grandes entreprises a été divisé par 9 par rapport aux années précédentes et se rapproche d’un bilan négatif.
« Jusqu’alors la digitalisation des grandes enseignes de la vente physique générait des créations d’emploi, car la nouvelle activité en ligne s’ajoutait à l’activité en magasin existante et ne venait pas la remplacer. »
« Maintenant que leur activité en ligne est développée, ces enseignes ferment leur magasins et licencient leur salariés pour faire face à la concurrence des grands acteurs de la vente en ligne » poursuit Etienne Coubard.
Une tendance d’autant plus inquiétante qu’en l’absence des données de 2020 et de 2021, l’étude fait l’écho d’une situation précédant la crise sanitaire. Or, depuis 2020, les faillites de grandes enseignes telles que Conforma, Naf Naf, André, la Halle, Camaieu, Célio, Orchestra, Comptoir des cotonniers, Gap, Printemps ont provoqué la fermeture de nombreux magasins. 3870 salarié·es de la vente de vêtements ont été licenciés en 2020 4 et des milliers d’autres en 2021 5. Malgré une activité pourtant florissante, H&M et Inditex (Zara) ferment également des dizaines de magasins dans le pays.
Des destructions d’emplois colossales et encore invisibles sont à prévoir également dans le commerce alimentaire jusqu’alors relativement épargné. Avec l’arrivée des dark stores et des épiceries en ligne, la vente en ligne s’installe dans ce secteur, par essence plus important, et pourrait alors considérablement aggraver la casse sociale que nous observons dans le commerce non alimentaire 6.
Un mandat au service du e-commerce
Alors que l’année 2021 a été marquée par de multiples opportunités pour la France de freiner la prise de contrôle des multinationales de la vente en ligne, l’Élysée et la majorité La République en Marche ont mené une politique à contre– courant de cette nécessité.
En janvier 2021, le projet de loi de Finance divisait par deux les impôts locaux des entrepôts de e-commerce 7. Quelques mois plus tard, dans la loi Climat et Résilience, le gouvernement a exempté les entrepôts de e-commerce du moratoire sur l’artificialisation. Alors que tous les groupes politiques de l’Assemblée nationale demandaient le moratoire sur l’artificialisation par les entrepôts, La République en Marche a utilisé sa majorité pour mettre en échec les amendements signé par plus de 200 députés 8. Une décision lourde de conséquences environnementales et économiques. L’e-commerce, déjà responsable d’une fraude à la TVA de 5 milliards par an, continuera d’échapper aux taxes commerciales et pourra continuer à bétonner des champs pour construire des entrepôts plus grands que les plus grands centres commerciaux de France.
« Au regard des impacts du e-commerce sur l’emploi, le quinquennat d’Emmanuel Macron s’est traduit par des choix incompréhensibles. Cadeaux fiscaux, soutien administratif et politique ont permis une implantation massive et rapide. Pourtant, les chiffres sont là : l’e-commerce détruit les emplois à grande vitesse. »
« En cette période électorale, Emmanuel Macron et Valérie Pécresse ont manifesté leur positionnement en faveur du développement des grandes plateformes de la vente en ligne, à rebours de leur discours en faveur de l’emploi. » poursuit-il.
Ce mépris pour l’emploi dans le commerce est à lire dans le cadre de la politique économique générale du Gouvernement. Alors que le nombre d’emplois a faiblement augmenté sous le quinquennat, la masse salariale, c’est à dire l’ensemble des salaires versés, n’a pas augmenté. Cela s’explique par le fait que le Gouvernement privilégie l’uberisation, les contrats courts et l’intérim. Une grande partie des auto-entrepreneurs travaillant pour des plateformes ne se versent pas un SMIC. En pleine crise du pouvoir d’achat, en plus de détruire des emplois, la vente en ligne créé des emplois précaires en-dessous du seuil de pauvreté.
Partout en France, là où des projets d’entrepôts de e-commerce se développent, la résistance s’organise et se poursuit. Des mobilisations auront lieu jeudi 24 et vendredi 25 mars dans différentes régions touchées par ces projets destructeurs pour l’emploi et le climat afin de faire état des impacts subis sur leur territoire.
Le e-commerce, meilleur ennemi de l’emploi en France
82 000 emplois détruits en France entre 2009 et 2018 et la promesse de 87 000 nouvelles destructions d’emplois d’ici 10 ans si aucune mesure n’était prise par le gouvernement pour encadrer la vente en ligne.
Cette méthode de calcul basée sur les chiffres des Instituts nationaux de sondage et principalement l’Insee pour la France, permet d’obtenir le solde de création ou de destructions d’emplois exclusivement liées à l’expansion du e-commerce. La méthode prend alors en compte les créations d’emplois que le modèle génère dans toute la chaîne de distribution (points de vente, grossistes, intermédiaires, transports, entrepôts, etc.) et en retire tous les emplois que le modèle à supprimé pour obtenir un bilan.
En l’absence de données pour 2020 et 2021, les données n’étant pas encore disponibles.
322 magasins fermés pour la Halle : 2166 emplois supprimés ; 104 magasins fermés pour Celio : 344 emplois emplois supprimés ; 50 magasins fermés pour André : 188 emplois supprimés ;121 magasins fermés pour Camaieu : 1200 emplois supprimés ; 44 magasins fermés pour Orchestra : 300 postes supprimés ; 21 magasins fermés pour Naf Naf : 226 postes supprimés. Total : 3872 emplois supprimés suite aux fermetures dans les grandes enseignes textile en 2020
Fermetures confirmées de Printemps, Gap, Devianne, Comptoire des cotonniers,..
Pour l’heure des destructions d’emplois sont masquées au niveau des statistiques de l’INSEE grâce au commerce alimentaire qui continue d’employer du fait de la croissance démographique. Surtout, la pénétration du e-commerce est beaucoup plus faible que dans le non alimentaire. D’après le Pannel e-commerce de Kantar, 69% de la population achète des produits non alimentaires en ligne et seuls 23% de la population achète des produits alimentaires en ligne. L’arrivée des dark stores et des épiceries en ligne pourrait donc aggraver considérablement la casse sociale que nous observons dans le commerce non alimentaire. France Stratégie estime que : « les créations d’emploi dans le commerce de détail sont avant tout le fait du commerce de bouche, aujourd’hui peu concurrencé par le commerce en ligne. A l’inverse, les marchés où le commerce en ligne est bien implanté ont connu des suppressions d’emploi. (…) Les évolutions à venir peuvent par ailleurs s’avérer problématiques».
Les Amis de la Terre, « Les impôts locaux d’Amazon réduits par 2 à partir de 2021 »
Les Amis de la Terre, Loi Climat : la majorité sacrifie le climat et les petits commerces au profit d’Amazon, 16 avril 2021