Enquête Publique viciée et gestion calamiteuse des stocks de plutonium à Cadarache : des associations et des particuliers saisissent le Conseil d’Etat
Communiqué de presse des Amis de la Terre et du Collectif Anti-nucléaire 13
Depuis juin 2010, le Collectif Anti-nucléaire 13 a interpellé l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) afin d’obtenir des informations sur l’avancement du démantèlement de l’ATPu (Atelier technologique de plutonium) du CEA de Cadarache, ainsi que sur les quantités exactes de plutonium qui y seraient détenues. La dernière réponse en date de décembre 2010 n’apporte aucune information précise. Le Collectif Anti-nucléaire 13, les Amis de la Terre et des particuliers ont donc saisi le Conseil d’Etat pour demander l’annulation et la suspension du décret ayant autorisé le démantèlement de l’ATPu.
Ces incertitudes inacceptables quant aux stocks de plutonium (les premiers écarts de stock significatifs ont été déclarés en octobre 2009) révèlent l’insuffisance des informations contenues dans l’enquête publique et son étude de dangers, soumises au public en 2008. Toute la procédure de démantèlement, de maîtrise des risques, et les conditions de stockage ultérieur découlent en effet de l’état des lieux initial tel que présenté dans ces documents.
L’ATPu et l’incident grave d’octobre 2009, classé 2 sur l’échelle INES
L’ATPu avait pour fonction de fabriquer manuellement dans des BAG (boîtes à gants) du combustible MOX (Mélange d’OXydes) à partir de poudres d’oxyde d’uranium et de plutonium. En juillet 2003, la production s’arrête enfin, la fermeture étant demandée depuis 1995 pour non-conformité aux normes parasismiques. Le démantèlement est autorisé par décret en mars 2009.
Six mois plus tard, début octobre 2009, le CEA déclare un écart de masse de plutonium estimé à 39 kilos depuis le début du démantèlement (8,7 kilos sur une seule BAG, alors qu’il y a plus de 300 unités à démanteler !). Ces écarts seraient dus, selon les déclarations de l’ASN, à « la fragilité du système » de comptabilisation des matières et, en particulier, au peu de fiabilité du logiciel de gestion des stocks.
L’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) estime que « cet évènement conduit à mettre en cause de manière importante les données de base retenues dans l’analyse de sûreté du démantèlement ». Cet incident a été largement médiatisé sur le moment (1).
Plutonium : des risques angoissants !
Un des problèmes majeurs liés au plutonium est le risque de criticité (2). Selon la masse de plutonium en présence, il existe un risque de déclenchement d’une réaction en chaîne de fission incontrôlée pouvant déboucher sur une explosion et, en tout état de cause, sur des dégagements radioactifs très importants. A la suite de l’incident d’octobre 2009, l’IRSN a émis une recommandation : « Les opérations de démantèlement devraient être restreintes aux postes pour lesquels la nouvelle estimation de la masse […] est suffisamment faible pour écarter les risques de criticité (une valeur de 200 grammes pourrait être retenue). »
Le plutonium présente aussi en soi une radio-toxicité très élevée. On estime qu’une quantité de l’ordre de la dizaine de milligrammes provoque le décès d’une personne ayant inhalé en une seule fois des oxydes de plutonium. Le plutonium, s’il est ingéré, se fixe sur les os et le foie, où il demeure à vie. Enfin, rappelons que 5 kilos de plutonium 239 suffisent pour fabriquer un cœur d’arme nucléaire.
Gestion des stocks de plutonium au doigt mouillé ?
Pour Isabelle Taitt du Collectif Anti-nucléaire 13, « Il est plus qu’inquiétant de constater le laxisme avec lequel le CEA de Cadarache gère des stocks de matières radioactives aussi dangereuses que le plutonium », comme en attestent les événements survenus tout récemment encore (3). La sous-estimation du plutonium à l’ATPu se chiffrait en octobre 2009 en dizaines de kilos, alors que les risques s’apprécient en grammes, voire en milligrammes. Isabelle Taitt poursuit : « Aujourd’hui, est-il envisageable, possible, croyable, que l’on découvre des écarts de l’ordre de centaines de kilos ? Voilà les informations que nous tentons de mettre en lumière en demandant l’annulation et la suspension du décret de démantèlement de l’ATPu. »
L’ASN nous a informés qu’ « un bilan global sera réalisé à la fin de ces opérations de matière fissile ». Les citoyens seraient ainsi mis devant le fait accompli, alors que nous avons toutes les raisons de penser qu’à chaque instant nous frôlons la catastrophe.
Notes :
(1) http://il.youtube.com/watch?v=kmZxKlhGHko&feature=fvw
http://il.youtube.com/watch?v=kmZxKlhGHko&feature=related
http://il.youtube.com/watch?v=UK9txO0KK4I&feature=channel
http://il.youtube.com/watch?v=yOedQ3f9PhY&feature=channel
(2) Dans le cas du plutonium le risque de criticité dépend de la masse de matière en présence, de la configuration géométrique de cette masse (le risque sismique important dans le secteur de Cadarache constitue un facteur aggravant) et de la présence de produits hydrogénés (couramment utilisés pendant les opérations de démantèlement). Un accident de criticité particulièrement grave, dû à une masse critique de 16 kilos d’uranium, s’était produit en 1999 à Tokai-Mura au Japon, entraînant le confinement de 310 000 personnes, et provoquant de nombreux décès.
(3) Le 21 décembre 2010, le CEA de Cadarache déclare le dépassement de la limite autorisée de matière fissile, fixée à 100 g, dans quatre fûts historiques entreposés dans l’installation ATPu. Le 9 novembre 2010, le CEA de Cadarache a constaté la présence de 246 g de matière fissile dans un fût de déchets alors que la limite autorisée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est de 100 g par fût. Cet incident a eu lieu dans l’installation nucléaire de base LPC (Laboratoire de Purification Chimique) dont les activités dépendent de celle de l’ATPu.