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Gaz et engrais russes : comment l’Europe et la France financent encore la guerre de Poutine
A dix jours des trois ans de l’invasion russe en Ukraine, Les Amis de la Terre France publient une note d’analyse révélant l’ampleur persistante des importations de gaz et d’engrais russes en Europe et en France.
Cette note montre comment la France reste un chaînon stratégique des exportations de gaz russe dans le monde, dont la Russie dépend pour financer sa guerre. L’Europe n’a pas besoin de la Russie pour satisfaire ses besoins énergétiques, alors pourquoi continuer à lui verser des milliards ? Il est temps d’en finir avec cette complicité hypocrite !
Les importations de gaz russe ont globalement baissé depuis 2021 1, mais cette moyenne cache des réalités dérangeantes. Malgré la baisse des importations par gazoducs, les importations sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL) sont en hausse, tout comme les importations d’engrais azotés (produits à partir d’ammoniac, qui est majoritairement issu de gaz fossile). Entre 2021 et 2022, les importations de GNL russe ont augmenté de 11 % pour l’Europe – et de 44 % pour la France. Quant aux importations françaises d’engrais russes, elles ont augmenté de 86 %, passant de 402 000 tonnes (t) en 2021 à 750 000t en 2023.
La France est ainsi devenue la première importatrice européenne de GNL russe : au premier semestre 2024, elle concentrait 37 % des importations de GNL russe en Europe via ses terminaux de Dunkerque et Montoir-de-Bretagne. Première consommatrice européenne d’engrais chimique, la France est aussi dans le peloton de tête des importateurs d’engrais russes avec la Pologne et l’Allemagne.
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Gaz et engrais russes : comment la France et l’Europe participent à financer la guerre de Poutine
« Près de la moitié des exportations russes sont destinées à l’Europe. Or l’Europe dépend moins de la Russie pour satisfaire ses besoins énergétiques que la Russie ne dépend de l’Europe pour financer sa guerre. Nous pouvons donc mettre fin rapidement à cette complicité meurtrière en adoptant les bonnes politiques de réduction de la consommation. »
Comment ces importations participent à financer la guerre de Poutine ? Depuis l’invasion du 24 février 2022, l’Union européenne a versé plus de 210 milliards d’euros à la Russie pour importer du pétrole (110), du gaz (97) et du charbon (3,6). Plus concrètement, ces importations soutiennent la guerre de plusieurs manières. Tout d’abord via les taxes imposées par le gouvernement russe sur les entreprises russes de production ou d’exportation de gaz. De même, l’Union européenne ayant exempté le trafic d’engrais des sanctions, Poutine en a profité pour créer de nouvelles taxes sur ces produits. On estime à 110 millions d’euros les revenus pour Poutine de cette taxe douanière sur les engrais, et à 600 millions d’euros celle sur les profits ; des sommes à la charge des agriculteur·ices et des citoyen·nes européen·nes, à travers les subventions de la PAC.
« L’UE doit urgemment adopter la récente proposition de la Commission européenne d’une taxe sur les engrais russes en l’associant à des mesures de protection pour les agriculteur·ices européen·nes contre une trop forte hausse des prix. »
Face à cette situation grave, on pourrait penser que les fameuses sanctions européennes ont limité la casse. Pourtant, il aura fallu attendre juin 2024 pour voir l’adoption des premières sanctions visant le gaz fossile ; sanctions à la fois lacunaires et aux effets pervers. En effet, ces sanctions ne concernent que les réexportations de gaz et pas les importations : l’interdiction des réexportations pourrait ainsi se traduire par une augmentation des importations, ne changeant rien au problème.
Pour en finir avec ces milliards versés à la Russie, les Amis de la Terre France recommandent également de :
- réduire la consommation de gaz fossile, en commençant par réaugmenter le budget alloué à la rénovation énergétique des bâtiments ;
- réduire la consommation d’engrais chimiques en développant les pratiques agroécologiques et en soutenant beaucoup plus fortement l’agriculture biologique ;
- ne pas soutenir les soi-disant engrais “verts” qui épuiseront nos ressources en eau et coûtent extrêmement cher ;
- soutenir la mise en place d’une interdiction complète des importations de GNL russe dans le cadre du prochain paquet de sanctions européen contre la Russie.
Svitlana Romanko, fondatrice et directrice exécutive ukrainienne de Razom We Stand, ajoute : « Alors que nous approchons de la troisième année de la guerre russe contre l’Ukraine, il est choquant de constater que les importations européennes de GNL russe ont en fait augmenté. L’UE a une occasion historique de porter un coup stratégique à la Russie en mettant en place un embargo sur les combustibles fossiles russes. Le gouvernement français en particulier doit prendre ses responsabilités en stoppant les importations de gaz liquéfié russe et le faire inscrire dans la législation au niveau de l’UE. ».
Elles ne représentaient plus que 19 % des importations européennes en 2024 et 13 % des importations françaises en 2023.