Finance
Communiqué de presse5 décembre 2024

GNL : une bombe climatique soutenue massivement par les banques et les investisseurs

Plus de 10 gigatonnes de gaz à effet de serre à l’impact dévastateur pour le climat pourraient être émises par les nouveaux projets de terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL), des projets en plein boom.

C’est ce que révèle un nouveau rapport de Reclaim Finance et soutenu par Les Amis de la Terre France 1, qui dénonce le soutien sans limite des banques et investisseurs à l’expansion du GNL. 213 milliards de dollars ont été accordés aux entreprises en première ligne de son expansion entre 2021 et 2023 par les banques internationales, dont les banques françaises 2. Reclaim Finance et les Amis de la Terre France mettent en garde contre des projets pouvant être plus polluants que le charbon 3 et appellent les banques et investisseurs à mettre fin à leur soutien aux entreprises développant de nouveaux projets de GNL et à cesser en priorité de financer les terminaux d’exportation.  

156 nouveaux terminaux de GNL dans le monde d’ici 2030 : c’est ce que prévoient de développer des entreprises pétrolières et gazières telles que Shell, TotalEnergies, ainsi que des entreprises spécialisées dans le secteur du GNL comme Venture Global LNG. Des plans d’expansion maintenus à grande échelle, alors que l’Agence internationale de l’énergie indique dans ses projections que les capacités actuelles sont suffisantes pour répondre à la demande 4.

Ces nouveaux terminaux, en plus de ne pas être nécessaires, auront un impact dévastateur pour le climat, comme le révèle des calculs inédits de Reclaim Finance. Les 63 terminaux d’exportation de GNL qui doivent voir le jour d’ici 2030 pourraient émettre, notamment à cause des fuites de méthane, plus de 10 gigatonnes de gaz à effet de serre (GES) d’ici la fin de la décennie 5, soit près de l’équivalent des émissions annuelles des centrales à charbon en activité au niveau mondial 6. Ils entraineront par ailleurs des niveaux dangereux de pollution et des risques pour la santé des communautés locales 7. 

Des projets qui ne pourraient pas voir le jour sans le soutien massif des banques internationales, qui ont accordé 213 milliards de dollars entre 2021 et 2023 aux principaux développeurs de GNL – un soutien en hausse – malgré les engagements d’un grand nombre d’entre elles à la neutralité carbone 8. Derrière la majorité des financements au GNL se trouve une poignée de banques 9 dont les banques françaises : Crédit Agricole, Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE), Société Générale et BNP Paribas sont toutes dans le top 30 des banques ayant le plus soutenu son expansion, avec 14 milliards de dollars accordés entre 2021 et 2023 10.  

Les investisseurs ne sont pas en reste puisqu’ils détiennent 252 milliards de dollars dans les grandes entreprises responsables de l’expansion du gaz naturel liquéfié 11. A la 11e place des plus grands investisseurs du GNL se trouve le groupe Crédit Agricole et en particulier sa branche de gestion d’actifs Amundi.  

Justine Duclos-Gonda, chargée de campagne à Reclaim Finance, déclare : « Les entreprises pétro-gazières misent leur avenir sur les projets de GNL alors que chacun de ces projets met en danger l’avenir de l’Accord de Paris. Les banques et les investisseurs prétendent soutenir ces entreprises dans la transition, mais au lieu de cela, ils investissent des milliards de dollars dans de futures bombes climatiques. Il faut être très clair : le GNL est une énergie fossile et les nouveaux projets n’ont aucun rôle à jouer dans une transition soutenable. Les banques et les investisseurs doivent prendre leurs responsabilités et cesser immédiatement de soutenir les développeurs de GNL et les nouveaux terminaux. »    

Problème : le GNL demeure le grand oublié des politiques climat des acteurs financiers. Aucune banque au monde ne s’est engagée à ne plus soutenir les entreprises développant le GNL, alors même que la grande majorité des financements au secteur se fait au niveau des entreprises, et non des projets. C’est pourtant uniquement au niveau des projets que se concentrent les premières restrictions des banques françaises, mesures qui demeurent cependant largement insuffisantes 12. 

La situation est encore plus préoccupante du côté des investisseurs : aucun d’entre eux n’ayant une politique sur le gaz naturel liquéfié.  

Cette absence de politiques solides permet et a permis aux projets de GNL de continuer à se développer principalement aux Etats-Unis, Canada ou Mexique, mais aussi dans des pays peu dépendants du gaz, avec des répercussions majeures pour les communautés locales. Dans le nord du Mozambique, le projet Mozambique LNG de TotalEnergies – soutenu par Société Générale et Crédit Agricole – est au centre de graves atteintes aux droits humains. 

Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre France : « Depuis son arrivée au Mozambique, TotalEnergies n’a cessé de sous-estimer, voire d’ignorer, les risques sécuritaires et humanitaires liés à ses activités : des risques qui se sont transformés en drames bien réels pour les habitants. Alors que le développement de Mozambique LNG est suspendu depuis plus de trois ans, les forces de sécurité publiques payées par Total pour protéger son site sont accusées de violences insoutenables et répétées contre les civils. Puisque financer le GNL, c’est aussi financer ces violations des droits humains, nous appelons Société Générale et Crédit Agricole à refuser de soutenir le redémarrage de Mozambique LNG

Reclaim Finance exhorte donc les banques et les investisseurs à adopter des politiques visant à cesser de fournir un soutien financier aux développeurs de tous les nouveaux projets de GNL et à cesser en premier lieu de financer les terminaux d’exportation. 

Notes
2

Le rapport analyse les financements et investissements des 400 plus grandes banques et 400 plus grands investisseurs aux 150 plus grands développeurs de gaz naturel liquéfié qui détiennent plus de 90% des capacités de GNL prévues. Voir ici la méthodologie détaillée.

3

Voir l’analyse de Robert W. Howarth, The greenhouse gas footprint of liquefied natural gas (LNG) exported from the United States, Septembre 2024

4

Dans son scénario Net Zero Emissions, l’Agence internationale de l’énergie indique qu’aucune nouvelle infrastructure d’exportation de GNL n’est nécessaire pour répondre à la demande actuelle et future dans une trajectoire 1,5°C. Voir AIE, World Energy Outlook 2024, Octobre 2024.

5

Les émissions ont été calculées par projet et agrégées au niveau de l’entreprise en utilisant les données de la Global Oil and Gas Exist List. Le calcul repose sur la recherche de Robert Howarth, cité plus haut, avec des ajustements faits à partir de la base de données de Rystad Energy.

6

Global Energy Monitor, Global Coal Plant Tracker, Octobre 2024

7

Voir par exemple IEEFA, Calcasieu Pass LNG: Unreliable Operations Result in Excessive Pollution and Profits, 2023

8

Le financement des banques internationales à l’expansion du GNL a augmenté de 25% entre 2021 et 2023. Les 30 banques à le plus soutenir l’expansion du GNL sont toutes, à l’exception de quatre d’entre elles, membres de la Net Zero Banking Alliance (NZBA), engagée pour la neutralité carbone.

9

Un quart du financement à l’expansion du gaz naturel liquéfié vient des banques européennes (France, Allemagne, Suisse, Pays-Bas, Espagne, Italie, Grande-Bretagne).

10

Crédit Agricole est la 15e banque à soutenir le plus l’expansion du gaz naturel liquéfié avec 4,6 milliards de dollars, le groupe BPCE à la 20e place avec 3,7 milliards, Société Générale à la 23e avec 3 milliards, et BNP Paribas à la 25e avec 2,6 milliards.

11

Chiffre à mai 2024.

12

BNP Paribas et BPCE ont exclu le financement des terminaux d’exportations seulement s’ils sont alimentés par du gaz de schiste. Société Générale exclut seulement le financement de terminaux d’exportation liés directement au développement de nouveaux champs gaziers, ceux approvisionnés par du gaz non conventionnel ou ceux situés en Amérique du Nord et dans la région Arctique. Crédit Agricole exclut le financement de terminaux d’exportation seulement s’ils sont strictement liés à des projets d’extraction.