Intimidations en Ouganda et Tanzanie : nouvel outil d’enquête et audition au Sénat du défenseur des droits humains Maxwell Atuhura
56 : c’est le nombre inquiétant d'intimidations recensées en lien avec les projets Tilenga et EACOP de Total, en près de 4 ans et demi, soit en moyenne 1 par mois. Ces faits sont répertoriés dans la carte-enquête interactive développée par Mémoire Vive et les Amis de la Terre France, publiée aujourd'hui dans une version actualisée.
Cet outil sera rendu public alors que le défenseur des droits humains ougandais Maxwell Atuhura, lui-même victime de ces pressions constantes, est auditionné ce matin à 11h45 par la Commission d’enquête du Sénat sur le groupe TotalEnergies.
Une audition attendue au Sénat
Depuis le début des projets Tilenga et EACOP, en Ouganda et Tanzanie 1, les défenseurs des droits humains les plus actifs sont la cible d’intimidations à répétition : menaces, arrestations abusives, agressions physiques et verbales… Ce contexte répressif a un effet dissuasif sur les personnes souhaitant exprimer des critiques envers les projets de Total, comme dénoncé à plusieurs reprises par des Rapporteurs Spéciaux des Nations unies.
Mais les opposants résistent avec courage et détermination. C’est le cas de Maxwell Atuhura, défenseur des droits humains et directeur général de l’association ougandaise TASHA, qui a lui-même subi de nombreuses intimidations et plusieurs détentions arbitraires. Il sera auditionné ce matin par la Commission d’enquête du Sénat concernant Total, et y dénoncera notamment les intimidations et menaces à répétition visant les personnes affectées et organisations de la société civile qui osent dénoncer les violations des droits humains et dommages environnementaux causés par les projets pétroliers de Total.
Juste avant lui, l’ambassadeur de France en Ouganda sera auditionné, mais à huis clos. Il aura peut-être à répondre au sujet du soutien diplomatique de l’ambassade à ces projets de Total, malgré leurs impacts dévastateurs et les répressions qu’ils suscitent.
Je travaille pour soutenir les communautés affectées par le pétrole depuis plusieurs années déjà. J’ai été témoin d’un certain nombre de harcèlements et d’intimidations à l’encontre de la société civile, d’étudiants, de membres des communautés affectées, qui dénoncent les violations des droits humains causées par Tilenga et EACOP. Je subis moi-même des menaces répétées.
Maxwell Atuhura conclut : « Cela ne s’arrête pas et ne fait qu’augmenter. Quelque chose doit être fait par le gouvernement français, qui jusqu’à présent reste silencieux alors qu’il est de son devoir de réguler une entreprise française comme Total ».
Un nouvel outil interactif de traçage des intimidations
Signez la pétition de notre partenaire Greenfaith contre le harcèlement de 10 de leurs membres en Tanzanie
Afin de mieux lutter contre ces intimidations, les Amis de la Terre France, en association avec Mémoire Vive, ont ajouté un nouveau module à leur carte-enquête interactive eacopmap.org2. Cette carte-enquête, qui montrait déjà depuis novembre 2023 l’évolution des travaux, les expropriations des communautés en Ouganda et Tanzanie, les inondations causées par la construction de l’usine de traitement du pétrole, et les impacts des projets Tilenga et EACOP sur l’environnement, comprend désormais un volet intimidations.
Ce module, qui sera actualisé au fil du temps, a pour but de démontrer l’ampleur de ces intimidations et la nécessité d’y mettre un terme. Chacune de ces intimidations est ainsi détaillée (date, personne concernée, résumé des faits, sources) et localisée sur la carte. En pratique, beaucoup d’intimidations étant passées sous silence par crainte de représailles, le nombre recensé ne reflète que très partiellement la gravité de la situation.
Quand Guillaume Meurice raconte le méga-projet pétrolier de Total en Ouganda et en Tanzanie
Total feint d’être attaché à la liberté d’expression mais les faits sont là : plus ses projets Tilenga et EACOP avancent, plus les pressions, intimidations et arrestations arbitraires en Ouganda et Tanzanie se multiplient, impliquant parfois directement des employés de Total et de ses sous-traitants.
Juliette Renaud poursuit : « L’État français, soi-disant leader dans la protection des défenseurs des droits humains, reste quant à lui obstinément muet quand il s’agit de dénoncer ce harcèlement des opposants à ces projets pétroliers, alors que son ambassade fait régulièrement les louanges de Total dans des conférences ou sur les réseaux sociaux ».
La mobilisation contre les projets Tilenga et EACOP continue également au tribunal, en dépit des délais judiciaires. Le 28 juin prochain, Total répondra pour la première fois à l’assignation reçue un an plus tôt. Maxwell Atuhura, ainsi que plusieurs membres des communautés affectées, y réclament notamment réparation pour la violation de leur droit à la liberté d’expression. Ce ne sera là que le début d’une longue bataille judiciaire, alors que les violations des droits humains se perpétuent.
En attendant que la justice se prononce, les Amis de la Terre France appellent les autorités françaises à agir concrètement pour aider à faire cesser immédiatement toute forme d’intimidation et de persécution, afin que les opposants aux méga-projets pétroliers puissent s’exprimer librement et faire valoir leurs droits.
Inédit : les communautés ougandaises attaquent Total en justice
L’association Greenfaith a remis hier une pétition à Total, dénonçant le harcèlement de 10 de leurs membres en Tanzanie, interrogés au commissariat en mars dernier et obligés d’y retourner chaque semaine ou plus depuis, alors qu’ils habitent à 120 km de là. En savoir plus et signer la pétition
Pour découvrir le nouveau module sur les intimidations sur eacopmap.org, cliquez sur « Investigations » puis « Intimidations ». Les points rouges sur la carte indiquent les lieux des incidents, l’intensité du rouge augmentant avec le nombre de cas survenus dans un même lieu. Naviguez d’une intimidation à l’autre en cliquant sur les dates.