Climat-ÉnergieFinance
Communiqué de presse14 mars 2025

L’administration Trump approuve un prêt controversé de $4,7 milliards au projet de Total Mozambique LNG, associé à de graves impacts climatiques et violations des droits humains

Le conseil d'administration de l'Export-Import Bank of the United States (US EXIM), récemment nommé par l'administration Trump, vient d’approuver un prêt de $4,7 milliards au projet de gaz fossile Mozambique LNG, développé par la major française Total.

Les ONG appellent les autres financeurs européens et asiatiques de Mozambique LNG – dont les banques françaises Crédit Agricole et Société Générales – à refuser de suivre cet exemple toxique et irresponsable et à s’opposer au redémarrage du projet, une bombe climatique associée à de nombreuses allégations de violations des droits humains.

Cette décision 1 intervient alors que le projet est en situation de force majeure depuis avril 2021, suite à l’attaque d’insurgés de grande ampleur qui a dévasté la ville de Palma, voisine du site gazier d’Afungi de Total au nord du Mozambique 2. De nombreux rapports et enquêtes de la société civile et des médias ont fait état d’allégations de graves violations des droits humains qui auraient été perpétrées par les forces de sécurité mozambicaines déployées pour la protection du projet avec le soutien de Total, et alors que Total savait que des exactions étaient commises à l’encontre des civils 3. Des centaines de familles issues des communautés affectées par le projet restent par ailleurs dans l’incertitude face à la perte de leurs moyens de subsistance, et manifestent aux portes du site de Total – hier encore, des membres du village de Quitunda ont interrompu une réunion organisée par des représentants de Total. Mozambique LNG serait en outre développé dans un pays où les processus démocratiques et les libertés civiques sont attaqués, et où les vagues de protestations postélectorales se sont heurtées à la violence de l’État 4.

Total, qui a au cours des derniers mois exercé un lobbying agressif auprès du gouvernement américain, n’avait pas réussi à obtenir l’approbation de l’administration Biden pour débloquer le financement massif initialement accordé pendant le premier mandat de Trump en 2020 pour ses opérations au Mozambique 5. Avec la décision prise aujourd’hui par la US EXIM, deux gouvernements ont désormais donné leur feu vert à Mozambique LNG – le gouvernement américain de Donald Trump et le gouvernement italien de Giorgia Meloni 6 –, marquant ce soutien et le projet de Total de l’empreinte de l’extrême droite.

Toutes les institutions financières publiques et privées qui avaient participé au financement de projet de $14,9 milliards pour Mozambique LNG en 2020 doivent aujourd’hui se positionner sur le redémarrage du projet et le déblocage de leurs prêts et garanties, après un gel de quatre ans. La décision de l’US EXIM contraste fortement avec les récentes mesures prises aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Le 4 mars, le gouvernement néerlandais a annoncé l’ouverture d’une enquête indépendante sur les violations présumées des droits humains commises par les forces de sécurité mozambicaines dans le cadre du projet Mozambique LNG 7. La banque publique britannique UK Export Finance (UKEF) a demandé un avis juridique sur les conditions d’un retrait du projet, signalant des préoccupations croissantes parmi les financeurs internationaux 8. Plusieurs institutions financières refusent pour leur part de prendre clairement position : c’est le cas des banques françaises Crédit Agricole et Société Générale.

Les ONG appellent les autres financeurs de Mozambique LNG – et en particulier les banques et gouvernements européens et asiatiques – à refuser d’emboîter le pas à Trump et Meloni, et à s’opposer au redémarrage de ce projet hautement controversé. Elles demandent à ces institutions financières de soutenir l’appel à une enquête internationale indépendante – et menée par les Nations Unies – sur le massacre présumé de civils, qui aurait été commis près des locaux de Total à Afungi entre juillet et septembre 2021, par des forces de sécurité publique affirmant être en charge de la protection du site gazier 9.

Lorette Philippot

Le message est clair : Total peut compter sur des gouvernements d’extrême droite, que ce soit en Italie ou aux Etats-Unis, pour soutenir son projet Mozambique LNG, dans un contexte de chaos climatique et d’atrocités commises à l’encontre des populations civiles.

Lorette Philippot
Chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France

« Les banques françaises Crédit Agricole et Société Générale, qui ne cessent d’essayer de nous convaincre de leur responsabilité sociale et environnementale, ne peuvent plus se réfugier dans un silence complice. Elles doivent refuser de suivre l’exemple de Trump et de Meloni et s’opposer au redémarrage de Mozambique LNG », poursuit Lorette Philippot.

Pour Daniel Ribeiro, coordinateur technique à Justiça Ambiental ! / Les Amis de la Terre Mozambique : 

« Les violations des droits humains, le conflit armé, les impacts environnementaux et les projections économiques hasardeuses du projet Mozambique LNG auraient dû éloigner les investisseurs sensés. La décision de la banque américaine US EXIM d’approuver l’octroi de $4,7 milliards à Total pour opérer au Mozambique n’a pas de sens. D’autant plus que Trump a récemment annulé une aide de quelques millions de dollars au secteur de la santé du Mozambique. Cela met en lumière le véritable objectif de son administration : retirer les fonds et les ressources aux populations pour les transférer à de riches multinationales. » 

Pour Kate DeAngelis, directrice adjointe politique économique aux Amis de la Terre US : 

« Alors que l’administration Trump élimine l’aide étrangère qui sauve des vies et fournit des secours en cas de catastrophe, elle accorde un appui de près de $5 milliards de la part des contribuables américains à l’industrie des énergies fossiles. C’est le summum du gaspillage gouvernemental et un abus d’argent public. Alors que le département américain de l’Efficacité gouvernementale (DOGE) passe à la tronçonneuse la quasi-totalité du gouvernement fédéral qui fournit des services indispensables, il a démontré n’avoir aucun scrupule à fournir une aide internationale tant qu’elle va à des milliardaires et entreprises pétro-gazières étrangères. »

Pour Simone Ogno, responsable de campagne finance et climat à ReCommon : 

« La banque publique italienne SACE a été la première agence de crédit à l’exportation à confirmer son soutien financier à Mozambique LNG, et ce en l’absence de nouvelle évaluation des impacts sociaux et environnementaux du projet. L’US EXIM fait aujourd’hui de même. Dans ces choix, nous pouvons voir la relation étroite entre le gouvernement de la Première ministre Giorgia Meloni et celui du président Donald Trump, au mépris total des violations des droits de humains associées directement et indirectement à Mozambique LNG. »

Communiqué de presse de :

Les Amis de la Terre France

Reclaim Finance

Friends of the Earth US

ReCommon

Milieudefensie / Friends of the Earth Netherlands

Friends of the Earth Japan

Justiça Ambiental! / Les Amis de la Terre Mozambique

Urgewald

Oil Change International

Notes
1

Reuters, US approves $5 billion loan to TotalEnergies for Mozambique gas project, March 2025https://www.reuters.com/business/energy/us-frees-up-almost-47-billion-loan-totalenergies-mozambique-gas-project-ft-2025-03-13/

2

Alex Perry, Palma Massacre, juin 2023. https://www.alex-perry.com/palma-massacre/

3

Alex Perry, Politico, ‘‘Tous doivent être décapités’’ : Révélations sur les atrocités commises dans le bastion africain de TotalEnergies, septembre 2024. https://www.politico.eu/article/totalenergies-mozambique-patrick-pouyanne-atrocites-afungi-palma-cabo-delgado-al-shabab-etat-islamique/ 

Le Monde, TotalEnergies savait que des exactions étaient commises sur son site gazier au Mozambique, novembre 2024. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/11/24/violences-arrestations-disparitions-totalenergies-savait-que-des-exactions-etaient-commises-sur-son-site-gazier-au-mozambique_6412216_3212.html 

SourceMaterials, Don’t look back or we’ll shoot, novembre 2024. https://www.source-material.org/mozambique-total-lng-military-human-rights/ 

Le Monde, Comment des soldats payés par TotalEnergies ont séquestré des civils au Mozambique, janvier 2025. https://www.lemonde.fr/afrique/video/2025/01/28/comment-des-soldats-payes-par-totalenergies-ont-sequestre-des-civils-au-mozambique_6520247_3212.html

4

Plateforme DECIDE – Platform for Democracy, Citizenship, Rights and Studie. https://pdecide.org/blog/preliminary-report-on-the-post-electoral-context-in-mozambique-3-months

5

Financial Times, TotalEnergies failed to convince Joe Biden’s team to back $20bn African project, janvier 2025. https://www.ft.com/content/025849c8-a928-4dbc-9f25-b5c8c9caf1cd

6

ReCommon, The Italian government confirms: SACE and Cassa Depositi e Prestiti will finance Mozambique LNG, janvier 2025. https://www.recommon.org/en/the-italian-government-confirms-sace-and-cassa-depositi-e-prestiti-will-finance-mozambique-lng/

8

Financial Times, UK takes legal advice over pulling out of $20bn Total LNG project in Mozambique, janvier 2025. https://www.ft.com/content/cacd29fb-1535-4462-bd5f-3f2bcb546a8d

9

La coalition demande spécifiquement aux institutions financières de soutenir l’appel à une enquête internationale indépendante sur le massacre présumé de civils, qui aurait été commis près des locaux de TotalEnergies à Afungi entre juillet et septembre 2021, par des forces de sécurité publique affirmant être en charge de la protection du site gazier. La coalition souligne la nécessité que l’enquête soit menée par un mécanisme intergouvernemental international ou régional de défense des droits humains – tel que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (OHCHR) ou la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. La coalition exhorte en outre les financeurs du projet à mettre fin à leur soutien à Mozambique LNG et à suspendre ce soutien si la force majeure – une étape juridique nécessaire à la reprise du projet – est levée, jusqu’à ce que tous les faits et responsabilités aient fait l’objet d’une enquête et que les résultats de cette enquête soient rendus publics.